En 2012, le gaz s’est échangé en moyenne à moins de 4 dollars par million de Btu (MBtu) aux Etats-Unis. En Europe, les prix varient entre 11 et 14 dollars/MBtu pendant qu’ils atteignent 16 dollars/MBtu en Asie. Il y a donc une surfacturation assez importante du prix de gros en Europe par rapport aux Etats-Unis. « Cela fait à peu près 155 milliards de dollars que nous, européens, allons surpayer en 2012 sur les prix du gaz en gros par rapport aux Etats-Unis », affirme Thierry Bros, analyste gaz naturel à la Société Générale. Cela représente 0,9% de notre PIB, ce qui est assez pour faire la différence entre une économie en croissance et une économie en récession.
Au point le plus bas, les différences de prix ont même atteint des records. Capella Festa, analyste senior à l’Agence Internationale de l’énergie (AIE) le rappelle « Au point le plus bas des prix cette année, on a vu que le prix du gaz naturel en Europe était 5 fois supérieur à celui observé aux Etats-Unis et 8 fois supérieur au Japon à celui aux Etats-Unis ». Si la demande post-Fukushima a aspiré un énorme besoin très ponctuel de gaz vers le Japon et a engendré une importante hausse des prix en Asie, l’augmentation de la production de gaz de schiste aux Etats-Unis y a tiré les prix vers le bas. Avec ces hausses de prix en Europe, le charbon est donc devenu beaucoup plus compétitif et sa consommation a augmenté de 7% en 2011. Quand le charbon remplace le gaz naturel et le gaz de schiste !
D’une manière générale, on assiste à un rejet des énergies fossiles en Europe. Les gaz de schiste sont devenus un symbole de la lutte contre les énergies fossiles. « Lorsque l’on démonte toutes les critiques vis-à-vis de la production des gaz de schiste, elles s’appliquent généralement à la production d’hydrocarbures à terre en général », reconnaît pourtant Bruno Courme, Directeur de Total Gas Shale Europe.
Où est-ce que se développe le gaz de schiste ?
En 2009, on estimait les ressources en gaz non conventionnel à hauteur de 20% de l’ensemble des ressources. En 2012, elles sont estimées à environ 50%, ce qui représente une hausse considérable des ressources potentielles. Au rythme de consommation actuel, les ressources en gaz pourraient assurer 135 ans de consommation supplémentaires.
« Les gaz non conventionnels représentent aujourd’hui 10 à 12% de la production mondiale. On pense que d’ici 2030, ils atteindront plus de 20%, essentiellement avec l’augmentation de la production des gaz de schiste », affirme Bruno Courme. « La moitié de l’augmentation de l’offre de gaz viendra de sources non conventionnelles en 2035, essentiellement en provenance des Etats-Unis, de la Chine et de l’Australie », prévoit quant à elle Capella Festa, conformément aux scénarii du World Energy Outlook 2012 de l’AIE.
Le gaz conventionnel se développera-t-il ailleurs ? L’avenir de la filière devrait beaucoup dépendre de la voie choisie par les industriels. Il reste effectivement beaucoup de développement à faire sur la géologie, les infrastructures et les problématiques environnementales. Pour Thierry Bros, le message est à changer et doit jouer la transparence. « Quels sont les produits chimiques que vous allez injecter ? Comment allez-vous traiter l’eau ? Si vous ne voulez ne pas tout dire, vous n’avancerez pas », professe-t-il devant une assemblée de décideurs gaziers.
D’ores et déjà, l’ensemble des députés au Royaume-Uni souhaite autoriser l’exploration des gaz de schiste pour regagner une certaine compétitivité. Le Parlement britannique devrait pousser pour une autorisation dès mars 2013.
Il est aussi intéressant d’étudier les axes de croissance visés par les entreprises. Pour ne parler que de Total Gas Shale, l’exploration repose sur quatre axes de croissance : l’offshore profond, les huiles lourdes (Vénézuela et Canada), le gaz naturel liquéfié et le gaz non conventionnel. Du côté des gaz de schiste, Total Gas Shale est positionné sur la production aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, notamment en Argentine, en Chine, en Australie et en Europe (Pologne et Danemark).
La situation en Europe est très différente à celle observée aux Etats-Unis lorsqu’ils ont développé l’extraction des gaz de schiste. En effet, les américains connaissaient alors bien leur sol grâce à une expérience de plus de 40 ans dans l’extraction de gaz. Ce n’est pas le cas en France et en Europe. « Nous devons passer par une phase d’exploration que les américains n’ont pas eu à faire », rappelle Bruno Courme. « Tant que l’on n’aura pas fait des puits horizontaux, fracturés, testés sur du long terme, on ne saura pas combien on pourra produire de gaz de schiste en Europe », poursuit-il. Vu le marché actuel, même en cas d’exploitation, « il devrait y avoir assez peu d’impact sur les prix », conclut-il.
Pat Matthieu Combe, journaliste scientifique