Un certain nombre de facteurs ont également contribué, ces derniers mois, à créer plus d’intérêt envers les gaz de schiste. La catastrophe nucléaire au Japon en Mars a focalisé l’attention sur la promesse du gaz naturel comme une source sûre d’énergie. L’année dernière, pendant que les analystes du marché de l’énergie mettaient en garde au sujet des règlements fédéraux plus sévères sur le pétrole et le charbon, en particulier après la marée noire causée par BP et après l’accident dans les mines de charbon de Massey, ils soulignaient également que le gaz naturel devenait un investissement de plus en plus attrayant.
Seulement, l’analyse des méthodes de l’EIA soulève des questions quant à son indépendance par rapport aux grandes entreprises de l’énergie américaines, depuis que ces dernières travaillent avec le gouvernement à la rédaction de ces rapports remplis d’optimisme.
L’EIA, par exemple, s’appuie sur la recherche de consultants externes ayant des liens avec l’industrie. Et certains de ces consultants extraient les données qu’ils fournissent au gouvernement à partir de résultats fournis par les grandes compagnies énergétiques US, selon des e-mails récupérés par les journalistes du New York Times. Ainsi, les projections sur les approvisionnements futurs de gaz naturel à partir des schistes sont fondées non pas seulement sur la science, mais aussi sur les conjectures et les modélisations fournies par l’industrie.
Deux des principaux entrepreneurs du secteur, Intek et des Advanced Ressources International, ont fourni des estimations sur les gaz de schiste et des données pour la rédaction du grand rapport annuel de prospective sur ressources en pétrole et en gaz domestiques et étrangères du pays. Ces deux entreprises ont bien sûr d’importants clients dans l’industrie pétrolière et gazière, comme l’attestent les registres des impôts sur les sociétés consultés par les investigateurs du New York Times. de l’impôt des sociétés. Le président de la compagnie Advanced Ressources International, Vello A.Kuuskraa, est également actionnaire et membre du conseil de surveillance de Southwestern Energy, société fortement impliquée dans l’exploitation des gaz de schiste du secteur de Fayetteville dans l’Arkansas.
Les entrepreneurs ont dit qu’ils ne voyaient pas de conflit d’intérêts dans ces pratiques : « Tout d’abord, le rapport de l’EIA est une évaluation très transparente », a déclaré Tyler Van Leeuwen, analyste chez Advanced Ressources International, ajoutant que de nombreux experts sont en accord avec ses conclusions et que, par l’identification des domaines prometteurs, le rapport intensifié la concurrence pour Southwestern Energy.
La firme Intek, de son côté, produit des données pour les rapports de l’EIA, mais a refusé de répondre aux questions sur le fait que, compte tenu de ses liens avec l’industrie, il y avait un conflit d’intérêts émergent ou pas. Certains groupes de surveillance du gouvernement, ont, eux, directement reproché à l’EIA de ne pas maintenir une plus grande indépendance vis-à-vis de l’industrie.
« La forte dépendance de l’EIA vis-à-vis de l’industrie pour leur analyse sape fondamentalement la mission première de l’organisme, qui est de fournir une expertise indépendante », a déclaré Danielle Brian, le directeur exécutif du Projet « Government oversight », un groupe qui étudie les organismes fédéraux et du Congrès.
« Aussi, le Bureau de la sécurité chimique et le bureau national de sécurité des transports américains montrent tous deux que les organismes gouvernementaux peuvent effectuer des analyses complexes de niche, sans être prisonniers de l’expertise de l’industrie », déclare Madame Brian, se référant aux informations fournies par deux agences fédérales conduisant les enquêtes sur es risques accidentels.
Ces préoccupations ont même conduit à des plaintes au sein de l’administration elle-même.
Dans un e-mail du 27 avril 2011, un géologue spécialiste du pétrole, travaillant pour l’EIA, a admis que ces supérieurs ont trop fait confiance aux informations fournies par les entrepreneurs de l’industrie des gaz de schiste et ont considéré des données trop souvent fausses voire totalement irréelles fournies par ces entrepreneurs, sans les vérifier : « l’EIA, indépendamment du nombre de spécialistes qu’elle a engagés, reste techniquement incompétente pour estimer les quantités de ressources restant à découvrir dans la nature ».
Les responsables de l’EIA ont également critiqué, dans des courriers internes, le Shale Gas Primer, sorte de manuel des gaz de schiste, ayant notamment pour rôle d’informer le public, et dont le positionnement leurs paraît « un peu naïf ». Ce manuel a été financé par la Ground Water Protection Council, un groupe de recherche financé en partie par l’industrie. Le Ground Water Protection Council a refusé de répondre aux questions des journalistes du New York Times.
Tiffany Edwards, porte-parole du ministère de l’Énergie, a déclaré que le manuel des gaz de schiste n’a jamais été conçu comme un examen complet de la situation et qu’une étude plus poussée est toujours en cours.
Interrogé sur les opinions exprimées dans les courriers électroniques internes, M.Schaal a dit que son administration a été très explicite en reconnaissant les incertitudes qui entourent le développement de l’exploitation des gaz de schiste. Il a affirmé que les informations et les présentations des entreprises ont été inclus parmi un éventail de sources d’informations utilisées dans les études de l’EIA. Bien que l’administration dépende bien évidemment des entrepreneurs possédant des compétences spécialisées, a-t-il ajouté, il est conforme à toutes les règles établies en la matière par le gouvernement fédéral.
« Et tandis que la production des gaz de schiste ne s’est pas ralentie et ne risque pas de ralentir dans les années à venir, le débat prospectif sur l ‘exploitation des gaz de schiste continue au sein de notre administration », conclut M.Schaal.
Par Robbie Brown et Kitty Bennett
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