Alors que le débat national sur la transition énergétique est sur le point de débuter, le gouvernement a déjà choisi de publier le décret autorisant officiellement la construction d'ITER dont le chantier est lancé depuis 2010.
Par un décret publié le 10 novembre au Journal Officiel, le gouvernement français a officiellement autorisé la construction du réacteur expérimental ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). Cette installation nucléaire de base (INB), déjà en construction sur le site nucléaire de Cadarache (13) depuis juillet 2010, aura pour objectif la maîtrise de la fusion nucléaire.
Une entrée en service au plus tard dans 25 ans
ITER devrait en effet tenter la fusion avec des atomes de deutérium et de tritium. Théoriquement, leur fusion a pour finalité la libération d’énergie jusqu’à 10 fois plus que la quantité injectée pour provoquer la réaction. Mais cette fusion est difficile à réaliser car il faut rapprocher deux noyaux qui ont tendance naturellement à se repousser et ce phénomène ne peut avoir lieu que dans des conditions de température et de pression extrêmement élevées. Pour satisfaire à ces conditions, il faut donc confiner les deux noyaux, augmenter la température, créer un plasma favorisant la rencontre des deux noyaux et le piéger pour éviter grâce à de puissants champs électromagnétiques. Cette opération se fait dans un four baptisé « tokamak ».
Selon le décret, le site de l’INB accueillera plusieurs bâtiments nucléaires. Un premier abritera le tokamak et le système de recyclage du tritium. Un deuxième bâtiment sera destiné aux activités de maintenance, de traitement et d’entreposage des déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue (MA-VL) et des déchets de tritium tandis qu’un troisième bâtiment servira au traitement des déchets radioactifs.
Ce tokamak expérimental aura pour mission de démontrer qu’il est possible de générer des réactions de fusion produisant 500 mégawatts pendant plus de 6 minutes, et dans un second temps, que ces réactions peuvent être maintenues pendant plus de 16 minutes. Selon le décret, la mise en service de l’installation correspondra à la réalisation du premier plasma deutérium-deutérium dans la limite de 25 ans à compter de la publication du texte. Selon le CEA, ITER devrait être opérationnel en 2020 pour une exploitation sur 20 ans.
Un projet controversé en plein débat énergétique
Le décret fait suite à la demande d’autorisation déposée une première fois en janvier 2008 puis en mars 2010 par l’Organisation ITER et à plusieurs avis rendus dans le courant des années 2011 et 2012 et notamment celui de l’ASN dernier en date. Mais la publication de cette autorisation à l’aube du débat national sur la transition énergétique laisse comme un sentiment d’impuissance et de déni : « En signant le décret de création avant le commencement du « grand débat sur l’énergie », [la ministre de l’Ecologie Delphine Batho] confirme à la fois la politique du fait accompli du gouvernement et le caractère illusoire de ce débat, qui ne permettra même pas de discuter une décision aussi lourde de conséquence », estime le Réseau Sortir du nucléaire.
Outre ce calendrier inopportun voire indécent pour certains, le projet ITER en tant que tel ne fait pas l’unanimité. « Ce projet très centralisé, productiviste, n’a fait l’objet d’aucune évaluation scientifique contradictoire : c’est un projet non maîtrisable critiqué par les physiciens du plasma et même Masatoshi Koshiba (prix Nobel japonais de physique) », souligne Michèle Rivasi, eurodéputée EELV et membre de la Commission Industrie, recherche et énergie du Parlement européen. Déjà en 2010, plusieurs scientifiques avaient appelé à l’abandon d’ITER. Georges Charpak, prix Nobel de physique, Jacques Treiner (Université Pierre et Marie Curie, Paris) et Sébastien Balibar (Ecole normale supérieure) l’avaient jugé »hors de prix et inutilisable ». Le coût du projet a été évalué à 15 milliards d’euros. Sa budgétisation par l’Europe, l’un des sept partenaires à le financer, a d’ailleurs été au cœur d’une longue querelle entre Etats membres dans le cadre de l’étude du budget européen pour 2012 et 2013.
Source : http://www.actu-environnement.com
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