Dans le cadre du règlement de l’Union Européenne sur le contrôle des concentrations, la Commission européenne peut s’opposer à l’acquisition de Monsanto par Bayer, mais « uniquement sous l’angle de la concurrence », rappelle la Commission. Sur cette seule question, ce projet inquiète bien l’institution. Elle craint notamment « que le projet d’acquisition ne réduise la concurrence sur un certain nombre de marchés différents et n’entraîne une hausse des prix, une baisse de la qualité, une réduction du choix et un recul de l’innovation ».
Et pour cause : le nouveau-né serait « la plus importante entreprise intégrée du monde dans les secteurs des pesticides et des semences ». Cela concentrerait encore davantage des domaines d’activités contrôlés par une poignée d’acteurs. Et diminuerait encore la concurrence dans le secteur des pesticides, des semences, des OGM et de l’agriculture numérique.
Une réduction du choix et un recul de l’innovation?
La Commission rappelle que le très controversé Roundup de Monsanto reste l’herbicide le plus vendu en Europe. L’un des rares substituts au glyphosate – sa substance active – est le glufosinate d’ammonium, commercialisé par Bayer. La Commission craint que la fusion ne limite l’innovation et la recherche de molécules alternatives pour diminuer la résistance des mauvaises herbes aux produits existants.
Par ailleurs, Monsanto développe des pesticides biologiques qui entrent en concurrence avec les solutions chimiques de Bayer. Et Bayer et Monsanto développent tous deux des produits de lutte contre le varroa, un petit parasite qui fait des ravages dans les colonies d’abeille. En cas de fusion, le nouveau géant gardera-t-il l’ensemble de ces produits ou en favorisera-t-il certains au détriment des autres? La Commission veut en avoir le coeur net avant d’autoriser la fusion.
L’alimentation aux mains d’une poignée d’acteurs?
Sur la question de la sélection des semences, la problématique est la même. Bayer et Monsanto sont très actifs dans ce domaine et sont en concurrence directe sur plusieurs marchés. Même son de cloche pour les OGM. Monsanto est le leader incontesté et Bayer est l’un de ses trop rares concurrents. Concentrer encore davantage le secteur ne serait-il pas une menace pour la sécurité alimentaire mondiale? C’est la crainte de plusieurs ONG.
Enfin, la Commission cherchera à déterminer « si l’accès des concurrents aux distributeurs et aux agriculteurs est susceptible de devenir plus difficile dans le cas où Bayer et Monsanto viendraient à grouper ou à lier leurs ventes de pesticides et de semences, notamment avec l’avènement de l’agriculture numérique ». Car Bayer Monsanto investissent dans ce nouveau domaine et ils ne conseilleront certainement pas aux agriculteurs d’acheter les produits de leurs concurrents.
Vers une troisième fusion dans l’agrochimie?
Le projet d’acquisition a été notifié à la Commission le 30 juin. Cette dernière devra arrêter sa décision avant le 8 janvier 2018. Loin de ces craintes, Bayer estime dans un communiqué, que « l’acquisition sera très bénéfique pour les agriculteurs et les consommateurs ». L’entreprise fait savoir qu’elle continuera à collaborer étroitement avec la Commission en vue d’obtenir l’approbation de la transaction d’ici la fin de cette année.
En 2017, la Commission a déjà autorisé la fusion entre Dow et Dupont et entre Syngenta et ChemChina. Elle a toutefois conditionné ces fusions à la vente de certaines de leurs activités afin de garantir la concurrence sur le marché européen.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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