Les parents vivant près de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (nord-est du Japon) sont confrontés à un dilemme cauchemardesque : évacuer leurs enfants ou vivre avec la crainte qu'ils ne tombent malade à cause des radiations.
Depuis le déclenchement de la crise le 11 mars, les autorités nippones ont relevé la limite maximale d’exposition radioactive pour les enfants, au même niveau que celle fixée dans beaucoup de pays pour les personnes travaillant sur des sites atomiques. Et elles affirment que les enfants ne craignent rien.
Certaines familles n’ont pas été rassurées par le discours officiel et ont décidé de quitter la zone affectée par les retombées de Fukushima. La plupart sont cependant restées, hésitant à abandonner leur emploi, leur domicile et tirer un trait sur leur vie, malgré la peur ambiante.
Dans la ville de Fukushima, capitale de la préfecture du même nom, les aires de jeu ont été désertées par les enfants contraints de rester à l’intérieur, alors que des effluents radioactifs continuent de s’échapper de la centrale à une soixantaine de kilomètres de là, sur la côte Pacifique.
La plupart des écoles de cette ville de quelques 300 000 habitants ont interdit aux élèves de jouer au football ou au base-ball sur les terrains ou bien de se baigner dans les piscines en plein air. Les fenêtres des salles de classe restent fermées malgré la chaleur estivale. Plus de 300 enfants ont quitté les écoles primaires et les collèges depuis avril, selon le bureau de l’éducation de Fukushima, qui a chargé les employés municipaux de nettoyer les murs des établissements scolaires pour éliminer les poussières radioactives.
« Nous comprenons totalement les sentiments des parents, mais nous voulons qu’ils agissent dans le calme », a déclaré à l’AFP Yoshimasa Kanno, membre du bureau de l’éducation. Il a ajouté que la ville allait doter d’ici septembre chaque élève d’un dosimètre pour calculer le volume de radiations reçues.
Sachiko Sato, 53 ans, qui vit à Kawamata, à 35 kilomètres seulement de la centrale nucléaire, a décidé d’envoyer ses deux enfants dans une autre ville, mais de rester dans la maison familiale. « Nous nous demandons ce qui est le plus important pour nous », a-t-elle confié. « Pour certains, c’est leur travail, pour d’autres c’est la famille. Pour moi, c’est l’avenir de mes enfants. » Hiroshi Ueki, 40 ans, qui travaillait jusqu’à récemment dans un jardin d’enfants, a relogé sa femme et ses deux enfants d’un et quatre ans à Matsumoto, dans la préfecture montagneuse de Nagano, à 280 kilomètres. « Je n’arrêtais pas de dire à mes fils: « Ne touchez pas ça. Ne mangez pas ça. N’enlevez pas votre masque », se souvient-il. « Alors quand on est arrivé à Matsumoto, mon fils aîné m’a encore demandé: « Papa, est-ce que je peux toucher cette fleur, cette voiture ? Est-ce que je peux jouer sous la pluie ? » En entendant ça, j’avais envie de pleurer. »
La limite d’exposition aux radiations au Japon a été relevée de 1 millisievert par an à 20 millisieverts, après le séisme et le tsunami géants qui ont provoqué la plus grande catastrophe nucléaire depuis celle de Tchernobyl en 1986.
Dans la ville de Fukushima, les autorités évaluent la radioactivité dans l’atmosphère à des niveaux allant de 5,4 à 13,6 millisieverts par an, selon les endroits. Mais les critiques relèvent que ces mesures ne tiennent pas compte de l’exposition interne provoquée par la nourriture ou la poussière contaminée par les radiations.
Les experts sont d’accord pour dire que les enfants courent un risque plus élevé de développer des cancers ou d’autres maladies que les adultes, mais divergent lorsqu’il s’agit de mesurer ce risque. « Personne ne peut prédire avec précision quel sera l’impact éventuel des radiations sur les habitants de Fukushima », a reconnu le pédiatre Makoto Yamada. « C’est le devoir des autorités de prendre les mesures de précaution en envisageant le pire des scénarios », a-t-il estimé.
(Source et crédit photo : AFP)
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