Après la Banque mondiale, les banques de développement, les banques commerciales, les entreprises et les collectivités locales, c'est l'Etat Français lui-même qui a annoncé lancer la première obligation verte souveraine dès 2017.Tour d'horizon de ce dispositif.
Lancées en 2007, les obligations vertes ou « green bonds » sont en plein développement ces trois dernières années.
Au niveau mondial, les volumes annuels d’obligations vertes émis sont passés de 1,8 milliard de dollars en 2011 à 13 milliards en 2013 et 48 milliards en 2015. Ils devraient atteindre 100 milliards de dollars en 2016, selon le Crédit Agricole.
Les obligations vertes représentent malgré tout encore moins de 0,1% du marché obligataire mondial, qui pèse environ 100.000 milliards de dollars. En 2015, 38% des obligations vertes ont été émises par le secteur public, 15% par les collectivités locales, 28% par les entreprises et 19% par les banques commerciales.
En 2015, la France était le deuxième pays émetteur d’obligations vertes au monde, après les Etats-Unis. Mais au cours des sept premiers mois de 2016, les émissions d’obligations vertes ont explosé en Chine, pour atteindre environ 18 milliards de dollars, soit près de 40% du total mondial sur cette période.
Qu’est-ce qu’une obligation verte?
A l’instar des obligations standards, les obligations vertes sont un titre de dette émis par une entité pour emprunter des fonds sur le marché. Après leur émission, les obligations sont généralement cotées sur les marchés financiers, ce qui permet aux investisseurs de les acheter et de les vendre avant leur échéance, de façon flexible, contrairement à un crédit classique. L’emprunteur s’engage à rembourser chaque obligation après un temps donné à un taux d’intérêt prédéfini.
Les obligations vertes présentent deux particularités par rapport aux obligations traditionnelles. Premièrement, elles s’accompagnent d’un reporting régulier sur les impacts environnementaux et sociaux des fonds utilisés. Deuxièmement, elles ne financent que des projets « verts » pour la transition énergétique et écologique, notamment des infrastructures. On citera pêle-mêle : les énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, méthanisation, barrages…), les usines de recyclage, les stations d’épuration, la rénovation énergétique des bâtiments existants et les bâtiments à faible consommation énergétique, les transports en commun…
S’assurer que les projets sont réellement verts!
Comment s’assurer qu’un projet est « vert »? Le Ministère de l’Environnement rappelle que si les obligations vertes sont définies dans leur principe, « aucun standard précis ne caractérise la dimension environnementale des projets financés ». Globalement, cela signifie que c’est l’entité qui émet l’obligation qui définit ce qui est vert, sans référence à une norme juridique établie. Ainsi, les obligations vertes pourraient financer des grands barrages, des centrales nucléaires, des incinérateurs… Des projets parfois qualifiés de « vert », mais qui demeurent controversés. Le WWF s’alarme de cette situation qui peut présenter un « risque réel de greenwashing ». Une situation qui pourrait porter préjudice au développement des obligations vertes. Dans son rapport Les obligations vertes doivent tenir leur promesses de juin 2016, le WWF plaide pour l’élaboration de « normes fiables, crédibles, suffisamment précises et largement acceptées ». « Seule une obligation pour laquelle l’émetteur peut démontrer des bénéfices environnementaux tangibles et mesurables, certifiée par un organisme indépendant selon les normes largement acceptées, devrait être considérée comme une obligation verte », prévient l’ONG de défense de la nature.
Des travaux sont en cours à plusieurs niveaux pour définir des standards. Il existe pour le moment des règles tacites, à l’instar des Green Bond Principles (GBP), édictés par l’Association internationale des marchés de capitaux (ICMA).Il s’agit notamment de « définir au préalable les activités potentiellement éligibles aux fonds levés par les obligations vertes, mettre en place un dispositif de contrôle surveillant de manière indépendante le caractère écologique de l’émission, ou avoir un reporting annuel public permettant de suivre l’avancement des projets », énumère le rapport Les obligations vertes au service de la transition énergétique et écologique publié par le Ministère de l’Environnement en septembre 2016. De son côté, la Climate Bonds Initiative a entrepris un long travail pour définir, pour chaque secteur d’activité, les pratiques éligibles aux obligations vertes.
Par ailleurs, la France a instauré un label national début 2016 pour valoriser les fonds d’investissement qui financent l’économie verte. Baptisé « Transition énergétique et écologique pour le climat » (TEEC), il labellise pour le moment 7 fonds pour un montant total de 816 millions d’euros (223 millions d’euros sont en cours de labellisation). La France souhaite ainsi définir un standard reconnu à l’international.
Des obligations vertes souveraines
La France va devenir « le premier pays à émettre un emprunt d’Etat vert », se félicite Ségolène Royal, ministre de l’environnement. Les obligations vertes proposées par l’Etat s’inscriront dans le programme de financement de l’Etat pour 2017. Elles devraient s’élever à 9 milliards d’euros sur trois ans et seront émises par l’Agence France Trésor, comme pour les autres obligations souveraines françaises. Elles permettront notamment de financer les investissements verts du 3ème programme d’investissements d’avenir (environ 6 milliards d’euros), programme qui sera inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017 présenté cet automne.
Avec ces obligations vertes, Michel Sapin, Ministre de l’Économie et des Finances, veut faire de Paris « l’une des places financières de référence dans le soutien à la transition énergétique ». Un groupe de travail interministériel sera créé pour définir les modalités d’émission de ces obligations portant notamment sur la nature des projets financés et la traçabilité des fonds.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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