Le ministère français de la Transition écologique rappelle que, conformément aux accords internationaux en la matière, « les déchets issus du retraitement des combustibles usés étrangers doivent être renvoyés à l’étranger. Les opérations de retraitement en France des combustibles usés étrangers sont régies par des accords intergouvernementaux qui précisent les engagements des Etats étrangers pour le retour rapide de ces déchets dans le pays d’origine ».
Les opérations de retraitement des combustibles usés provenant de réacteurs allemands ont été réalisées en France, sur le site d’Orano à La Hague, jusqu’en 2008. « L’accord intergouvernemental régissant ces opérations prévoit la fin des transferts de déchets de haute activité en 2011 et le retour des déchets de moyenne activité à vie longue au plus tard en 2024 », insiste le ministère chargé de l’énergie, le 17 juin dernier.
Conformément aux engagements pris par les deux parties, les déchets de haute activité, qui représentent plus de 99 % de l’activité importée, ont été expédiés en Allemagne entre 1996 et 2011. En revanche, les déchets de moyenne activité à vie longue restaient à renvoyer en Allemagne, a indiqué le ministère français, le 17 juin. Le décret n°2008-1369 du 19 décembre 2008, publié le même jour au Journal officiel, précise que « l’accord (était) sous forme d’échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne concernant le transfert de colis de déchets radioactifs issus du retraitement de combustibles irradiés ». Signé à Paris les 20 et 28 octobre 2008, c’était le dernier accord signé entre les deux pays.
« Le gouvernement français constate que les entreprises responsables ont pris beaucoup de retard dans le développement des solutions techniques initialement envisagées pour le transport des déchets de moyenne activité à vie longue vers l’Allemagne ». Et le ministère de préciser que « si les choses restent en l’état, les derniers retours devraient probablement être reportés à la décennie 2040 ».
Ce retard étant « inacceptable », la France a souhaité que l’industrie étudie toutes les solutions possibles pour que l’échéance de 2024 puisse être respectée, a ajouté le ministère français.
Un échange de radiotoxicité
Les négociations avec les partenaires allemands – le ministère de l’Environnement et de l’Économie chargés des dossiers outre-Rhin, s’accordant sur ce point – ont abouti à l’identification d’une nouvelle « solution technique » qui permettrait le retour, dans les délais prévus, de déchets présentant une radiotoxicité à long terme pour l’homme et une masse équivalente à celle initialement envisagée, précise le ministère de la Transition écologique.
La solution proposée vise à faire en sorte que « les colis de déchets de moyenne activité à vie longue qui devaient être renvoyés en Allemagne seraient remplacés par des colis de déchets de haute activité et de très faible activité, dont le nombre et la composition viseraient à assurer la neutralité de l’opération au regard de la protection de la santé humaine, de la sécurité et de l’environnement », a expliqué le ministère de la Transition écologique. En particulier, cette solution faciliterait grandement le transport des déchets retournés en Allemagne, puisqu’il réduirait drastiquement le nombre de convois ferroviaires à réaliser entre la France et l’Allemagne. Des convois qui, en général, depuis des années, sont bloqués à la frontière par des opposants au nucléaire outre-Rhin.
Un long process
L’Andra, l’Agence nationale en charge des déchets nucléaires, a confirmé que cette opération n’aurait pas d’impact sur Cigéo, le stockage ultime pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, prévu à Bure, dans l’Est de la France.
L’ASN, l’autorité de sûreté nucléaire, consultée, examine le dossier mais n’a pas identifié d’obstacles à la mise en œuvre du projet à ce stade, indique le ministère français de la Transition écologique dans son communiqué du 17 juin. Interrogée, de son côté, l’ASN précise avoir « été informée par Orano et par le ministère de la Transition écologique de ce projet et des perspectives envisagées. Elle aura à se prononcer sur le projet de dérogation permettant une telle bourse aux métaux. À ce stade, nous n’avons pas encore été formellement informés », ajoute cependant l’ASN.
Le 10 juin 2021, l’Allemagne a confirmé la possibilité de mobiliser le Fonds de financement de l’élimination nucléaire (KENFO) – un fonds dédié lancé en Allemagne, après la décision d’arrêt du nucléaire – pour financer cette solution. « Le gouvernement se félicite du signal positif donné par l’Allemagne pour respecter ses engagements », indique d’ailleurs l’Hôtel de Roquelaure.
Le gouvernement français suivra la mise en œuvre de cette solution. D’une part, l’accord intergouvernemental existant sera modifié pour prendre en compte le changement de nature des déchets qui seront renvoyés. Cette modification est actuellement négociée entre les deux parties. D’autre part, le cadre réglementaire associé au retour des déchets étrangers sera complété afin de préciser les conditions de détermination de l’équivalence entre les déchets et de définir la procédure d’utilisation de celui-ci, qui prévoira un avis de l’ASN sur les opérations envisagées.
Lorsque l’Allemagne a décidé pour la première fois d’abandonner définitivement le nucléaire en 1998, les ministres français et allemand de l’environnement, respectivement Dominique Voynet pour la France et Jurgen Trittin pour l’Allemagne, tous deux membres de leurs partis « Verts » respectifs, ont signé en janvier 1999 un accord visant à organiser la décision de l’Allemagne de ne plus retraiter les combustibles usés. Plus précisément, Trittin a accepté de ramener en Allemagne tous les déchets après retraitement des combustibles par ce qui était alors Areva (désormais Orano), provenant des quatre opérateurs allemands (RWE, EnBW, Vattenfall et alors PreussenElektra, désormais E.ON).
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