L'hydrogène obtenu par électrolyse n'est pas compétitif en France. ArevaH2Gen, vendeur d'électrolyseurs, propose par conséquent que l'électricité nucléaire soit bradée pour faire baisser artificiellement le coût du kilo d'hydrogène. Et que ce dernier puisse s'approcher de celui de l'hydrogène provenant du gaz fossile par vaporeformage. C'est ce qu'a révélé le magazine Actu-Environnement le 4 septembre 2018 dans le cadre d'une interview de Pascal Pewinski, directeur général d' ArevaH2Gen.
L’hydrogène obtenu par électrolyse avec un rendement de 70% (sans intégrer la compression du gaz) servira notamment à faire rouler des véhicules équipés d’une pile à combustible à base de platine et dont le rendement est inférieur à 50%. Dans le département de La Manche, où sont implantées la centrale nucléaire de Flamanville et l’usine de retraitement des déchets radioactifs de la Hague, un projet de 20 vélos à hydrogène a bénéficié de subventions totalisant un montant de plus de 700.000 euros. La Ville de Pau veut de son côté faire rouler 8 bus à hydrogène subventionnés à plus de 50%.
Le coût du kilo d’hydrogène obtenu par électrolyse dépend en grande partie du prix de l’électricité (OPEX), et bien moins du coût des électrolyseurs (CAPEX). La baisse considérable du coût des électrolyseurs ces dernières années a donc un impact limité sur le coût de l’hydrogène. Tout comme subventionner les électrolyseurs. D’où la demande d’AREVAH2Gen d’autoriser la vente au rabais de l’électricité nucléaire.
En revanche, selon le fondateur de l’agence Bloomberg New Energy Finance (BNEF) utiliser les surplus d’électricité solaire et éolienne pour produire de l’hydrogène n’est pas pertinent économiquement, même avec de l’électricité gratuite. Faire tourner des électrolyseurs que quelques centaines d’heures par an n’est pas rentable. Cette électricité en excès peut d’ailleurs servir pour charger de façon intelligente et avec une haute efficience les batteries des véhicules électriques dans le cadre du V2G/G2V (Vehicule-to-grid / Grid-to-vehicule). Une étude publiée cet été par le cabinet Artelys montre que le potentiel de cette approche est vraiment très important.
Une autre approche pour baisser le coût de l’hydrogène consiste à produire de l’électricité très bon marché grâce à des centrales solaires construites dans des régions de la planète bénéficiant d’un important ensoleillement. Par exemple dans les déserts du Sahara, d’Atacama au Chili, ou d’Australie. Puis à exporter l’hydrogène obtenu (directement ou sous forme d’ammoniac). Plus l’insolation est importante, plus le coût du kWh électrique est bas. Mais il faut de l’eau pour faire fonctionner les électrolyseurs, une ressource qui est par définition très rare dans les secteurs désertiques…Ces centrales pourraient d’ailleurs contribuer à un réchauffement régional selon plusieurs études scientifiques. Sans parler des aspects de géopolitique et d’autonomie / résilience énergétique.
Durant son interview le PDG d’AREVA2Gen a estimé qu’il n’y a pas de modèle économique pour le power-H2-power (du fait de son rendement médiocre), autrement dit de produire l’hydrogène par électrolyse puis de l’utiliser à nouveau pour générer à nouveau de l’électricité quand c’est nécessaire: «En termes de stockage, le rendement de l’électrolyse est de 70%. Alors oui, c’est moins bien que les batteries (…) Pour ce qui est de réinjecter de l’électricité dans les réseaux en utilisant une pile à combustible, le rendement n’est que de l’ordre de 50%. On arrive au final avec 35% de l’énergie avec laquelle on est parti, donc il n’y a pas de modèle économique.» Autrement dit les projets misant sur l’hydrogène pour faire du stockage saisonnier de l’énergie solaire n’ont selon AREVA2Gen pas de sens sur le plan énergétique et donc économique. Ce type de stockage commencera à devenir nécessaire en France que quand le solaire + éolien aura dépassé le niveau de 60% dans le mix électrique national, ce dont nous sommes encore loin selon la directrice du CEA-Liten. L’équation économique est différente dans les régions (par exemple en Guyane) où l’électricité est très chère. Les projets à base d’hydrogène provenant de l’électrolyse photovoltaïque peuvent avoir du sens dans ce contexte très particulier.
Le marché de la mobilité est donc aujourd’hui vital pour la filière hydrogène. D’où l’important bruit médiatique autour de projets comme « Hype » (le bien nommé), des taxis à hydrogène au cœur de Paris. Problème: pour de très nombreux analystes, dont ceux de BNEF, les véhicules à hydrogène n’ont tout simplement aucun sens, ni sur le plan énergétique, ni sur le plan économique. Ils ne peuvent émerger (avec difficulté), que dans les pays aux subventions très généreuses.
Jean-Gabriel Marie
J’ai jamais lu un article qui ne soit pas à charge contre l’hydrogène sur Techniques de l’ingénieur …
Pour mémoire on atteint des rendements de 95% dans l’électrolyse et déjà proche de 85% en phase industrielle dans la méthanation (Power to gas P2G) grâce entre autres à des projets européens comme Helmeth (achevé en 2013). Pour ce qui est des électrodes de platine il existe de plus en plus de substituts. En Allemagne il y avait environ 120 jours de prix négatifs pour les renouvelables en 2017 donc bien plus que des centaines d’heures par an alors qu’ils sont pourtant encore assez loin des 100% renouvelables. Le rendement d’une pile à combustible qui classiquement atteint 65% peut atteindre 85% avec récupération de chaleur (cogénération). Le prix du C02 augmente tout comme celui du gaz. Donc l’injection d’hydrogène dans le réseau gaz à hauteur de 20% en volume (15% en énergie) devient de plus en plus pertinent et de plus en plus de pays ont des programmes massifs d’injection d’hydrogène (HyDeploy en GB en 2019 etc). La Chine vend déjà des milliers de camions et bus à hydrogène par an où la légèreté de l’hydrogène pour les transports lourds (camions, trains etc) est pertinente contrairement aux véhicules légers où l’électro-solaire est bien plus efficient (Lightyear One etc). L’électrométhanogénèse est peu travaillée en France alors qu’elle permet de capter la part de C02 (40%) du biogaz donc d’améliorer le bilan écologique et économqiue du biogaz (+ 40%) comme compte le faire à vaste échelle SoCalGaz aux Etats-Unis ou Electrochaea en Allemagne et Danemark. Le rendement est de 96%.
Quelques remarques :
« L’hydrogène obtenu par électrolyse avec un rendement de 70% (sans intégrer la compression du gaz) servira notamment à faire rouler des véhicules équipés d’une pile à combustible à base de platine et dont le rendement est inférieur à 50%. » On sent clairement le parti pris dans l’article dès la phrase d’intro. Pour rappel, un véhicule hydrogène (actuel, version beta) contient à peu de chose près la même quantité de platine qu’un véhicule diesel classique (dans les pots catalytiques), dont le rendement est par ailleurs moitié moindre. Ce qui n’a pas empêché leur développement.
« Le coût du kilo d’hydrogène obtenu par électrolyse dépend en grande partie du prix de l’électricité (OPEX), et bien moins du coût des électrolyseurs (CAPEX). » -> ok, donc si on part d’un électrolyseur avec rendement de 50% (pour être gentil avec vous et prendre en compte par exemple le cout énergétique de compression, même si en réalité ce surcout fait passer le rendement de 70 à 65% dans le pire des cas) et avec un prix d’électricité de 100€/MWh (ce qui est plus que le prix de production pendant 50% du temps, donc plus de 4000 heures, non pas quelques centaines d’heures comme vous dites), on finit donc à un cout de production de 6,6€/kg de H2. Sachant qu’avec 1kg, une voiture classique parcourt environ 100km. Même avec ces hypothèses négatives, on voit donc qu’il y a de la marge pour des taxes pour avoir un modèle rentable. En réalité, plusieurs études montrent l’émergence de longues périodes avec un cout marginal de l’électricité quasi nul avec le développement des ENR.
Le V2G/G2V consiste à transformer une application de mobilité en application stationnaire. A voir comment une telle chose pourrait se mettre en place… Et de toute manière, même avec des batteries stationnaires et moins chères que le Li-ion, ça permet de toute façon de faire du stockage uniquement à l’échelle de l’heure, au mieux de la journée, étant donné les capacités de stockage dérisoires des batteries. C’est donc une solution intéressante et à étudier pour cette échelle de temps, mais qui n’a tout simplement pas de sens technique ni économique sur des échelles de temps plus longues. Or le développement des ENR nécessitera forcément de développer en parallèle des moyens de stockage sur des durées plus longues.
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