Les ajustements de la stratégie industrielle française dessinée à travers le plan d’investissement France 2030 pourraient voir certains projets phares revus à la baisse.
Depuis le lancement de France 2030 en 2022 et la volonté tricolore de soutenir l’émergence de futurs champions industriels dans des secteurs ciblés à fort potentiel dans le futur, notamment au vu de l’actuelle transition énergétique et des mutations technologiques en cours, certains éléments de contexte ont évolué. Dans le secteur des batteries par exemple, jugé stratégique au vu du déploiement de la mobilité électrique, la situation actuelle n’incite guère à l’optimisme, avec des ventes de véhicules électriques en baisse à mesure que les aides à l’achat disparaissent. Certains projets de gigafactories de production de batteries ont été arrêtés ou retardés, en France et en Europe. Il en va de même pour les projets liés au recyclage de ces batteries, très logiquement.
Dans le nucléaire aussi le réajustement est en cours. En témoigne la remise à plat du projet Nuward, qui doit voir son design simplifié, pour dérisquer le projet.
Un secteur qui pourrait sévèrement pâtir des réajustements actuels est celui de l’hydrogène. Si les technologies hydrogène sont considérées comme un pion essentiel de la transition énergétique, notamment pour offrir des solutions de mobilité, de stockage énergétique et de décarbonation d’industries lourdes, l’adoption de cette molécule est plus lente que prévue. Et la production d’hydrogène vert reste aujourd’hui très chère et marginale.
Ainsi l’adoption de l’hydrogène pour la mobilité lourde reste aujourd’hui très limitée, notamment à cause du développement des poids lourds électriques. Ainsi, si l’ambition de développer l’utilisation de l’hydrogène pour décarboner les industries lourdes comme la cimenterie ou la chimie reste intacte, et que des financements resteront fléchés dans ce sens, d’autres projets de mobilité à base d’hydrogène seront impactés, lors de la publication de la stratégie révisée, prévue dans les semaines qui viennent.
La publication de cette stratégie révisée, qui se fait attendre, doit aussi permettre d’y voir plus clair sur une question épineuse : la France sera-t-elle capable de produire de l’hydrogène vert de manière compétitive ? L’Ademe a tenté de répondre à cette question à travers une étude à la fin de l’année 2024. Que dit cette étude ? D’abord que la France produit et consomme environ 400 000 tonnes d’hydrogène gris (produit à partir de gaz fossiles) par an. La stratégie française vise à produire de l’hydrogène vert par électrolyse, à partir d’électricité renouvelable et nucléaire. France 2030 a permis de flécher 9 milliards d’euros en ce sens. De ce côté-ci, les projets d’EPR actés par le président de la république il y a quelques mois constituent plutôt aussi une bonne nouvelle pour la filière.
Mais pour le moment la réalité fracasse les ambitions tricolores de production d’hydrogène bas carbone. L’objectif pour 2030, fixé à 6,5 GW de production d’hydrogène bas carbone, ne sera pas tenu. En effet, aujourd’hui, les projections tablent sur une capacité de 0,3 GW en 2026. La question est donc aujourd’hui de trancher entre le fait de produire cet hydrogène bas carbone en France, ou bien de l’importer.
Si les projets d’électrolyseurs comme Air Liquide Normand’Hy ou Masshylia doivent permettre au pays de monter en puissance sur la production d’hydrogène renouvelable dès cette année, certains pays comme le Maroc ou le Chili disposent de gisements d’énergies renouvelables leur permettant de produire de l’hydrogène renouvelable à bas coût.
Pour être compétitif sur le moyen long terme, la France devra développer des moyens de transport pour l’hydrogène, par canalisations ou par bateau. A l’heure actuelle aucune de ces solutions de transport ne dispose d’infrastructure sur le territoire.
Une autre solution consiste à développer des usages de l’hydrogène via ses dérivés comme l’ammoniac (engrais), le méthanol (chimie), les e-carburants ou les minerais de fer pré-réduits pour la production d’acier.
Ainsi, l’État doit faire des choix. Ces derniers seront décisifs pour le déploiement effectif de la filière hydrogène. La publication à venir de la stratégie révisée donnera des directions, qui feront des heureux et des déçus.
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