C’est chose faite. Dirigé depuis mai 2015 par le Suédois Göran Marby (qui dirige actuellement le régulateur des postes et des télécoms de son pays), l’Icann a adopté une nouvelle charte après deux ans de négociations (et 600 réunions) qui le dote d’une direction pluripartite non gouvernementale. Le conseil d’administration de cette société installée en Californie sera rééquilibré avec une sorte d’assemblée générale qui représentera la diversité des acteurs, où toutes les parties prenantes seront présentes, société civile, associations, chercheurs, professionnels et gouvernements. Le financement de l’organisation continuera de venir de contrats signés avec les propriétaires de noms de domaine et d’annuaires électroniques.
« Le principal changement qui en résulte est le renforcement du principe de l’État de droit. Auparavant les décisions étaient prises par le gouvernement américain, désormais le conseil d’administration devra rendre des comptes. Il y aura une Cour d’appel qui pourra siéger en cas de litiges sur ses décisions et l’AG aura la possibilité de démettre le conseil si ce dernier s’éloigne trop des statuts de l’Icann, comme cela a pu se produire par le passé », explique Mathieu Weill, Directeur général de l’Afnic qui gère les domaines français comme le .fr.
Avant d’entrer en vigueur, cette nouvelle organisation devra être acceptée par les autorités américaines. Leur réponse pourrait intervenir que dans trois mois, le temps pour elles d’étudier cette nouvelle structure. Si cette étude prend trop de temps avec par exemple des auditions du Congrès américain, les élections américaines et le changement d’administration pourraient reporter cette décision…
Depuis 1998, les États-Unis assuraient en effet l’administration des fonctions de l’IANA (Internet Assigned Numbers Authority). Vitales pour Internet, ces fonctions étaient autrefois assurées par l’Université de Californie du Sud et auparavant par le Département de la Défense. Mais en 2014, l’administration de Barack Obama avait annoncé qu’elle allait laisser l’Icann superviser ces fonctions.
Deux grands axes essentiels de réforme ont également été adoptés lors de ce congrès au Maroc. Premièrement, les décisions prises par le Conseil d’administration de l’Icann (telles que l’octroi d’un nouveau nom de domaine de premier niveau comme le .vin) pourront faire l’objet d’un recours par toute personne intéressée devant une instance d’appel, composée de sept juges. L’avis de cette « cour d’appel » s’imposera au Conseil d’administration, alors que celui-ci est jusqu’à présent souverain. Deuxièmement, les organismes qui représentent les différentes parties prenantes au sein de l’Icann (gouvernements, utilisateurs, NIC, gTLD,…) pourront imposer leur veto aux décisions du Conseil d’administration, par un vote majoritaire.
Mais pour Fadi Chehadé, ancien président de l’Icann, cet accord ne résout pas tout. « Il ne faut pas un régulateur unique, mais des régulateurs par sujets. L’Icann s’occupe des noms de domaine. Il faudra créer d’autres Icann sur des sujets qui vont au-delà de ce dont nous nous occupons. Par exemple, il faut un autre régulateur pour la protection des enfants sur Internet, et d’autres sur la fiscalité et la taxation du numérique entre les États ».
Philippe Richard
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