Les nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) liées à la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) se mettent progressivement en place en France. Dans ce cadre, le bureau des filières REP au sein de la Direction Générale de la Prévention des Risques (GGPR) du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires joue un rôle capital. Ce bureau de dix personnes suit les négociations sur les REP au niveau européen, transpose les règlements et directives en droit français. Il rédige les décrets, puis les cahiers des charges qui s’appliquent aux éco-organismes. Enfin, il instruit les candidatures, fournit les agréments et s’occupe des contrôles.
Nadia Herbelot est la cheffe du bureau des filières REP depuis un an. Elle est donc très bien placée pour nous expliquer le nouveau système des REP qui se déploie dans le cadre de la loi Agec. Entretien.
Techniques de l’ingénieur : La loi Agec a entraîné la création de nouvelles filières REP. Quelles sont celles déjà en place et celles à venir ?
Nadia Herbelot : La loi Agec a déjà élargi le nombre de filières REP. Depuis 2021, elle a mis en place une nouvelle filière sur le tabac, les articles de bricolage et de jardinage, les articles de sport et de loisirs, les jouets, les huiles minérales ou synthétiques. Elle a également déployé celle des produits et matériaux de construction du bâtiment fin 2022.
Toutes les REP liées à cette loi ne sont pas encore en place. On a tout récemment publié les textes de la REP des emballages de la restauration, une première brique de la future REP des emballages industriels et commerciaux pour une mise en place début 2025. Nous travaillons aussi sur la REP des textiles sanitaires à usage unique (2024), des gommes à mâcher (2024), et celle des engins de pêche contenant du plastique (2025).
En plus de la loi Agec, le Règlement européen relatif aux batteries et aux déchets de batteries de juillet 2023 entraîne la création d’une nouvelle filière REP pour les batteries. On s’attelle au sein du bureau à transposer ces textes et les mettre en œuvre courant 2024.
La loi Agec a aussi profondément repensé le système des REP. Quels sont ces changements ?
La loi Agec n’a pas fait que rajouter des filières, elle a aussi repensé le système. On est passé du principe de pollueur-payeur à un principe élargi basé sur l’écoconception des produits et l’allongement de leur durée de vie. Cette loi est venue travailler sur l’amont, avec des éco-modulations pour récompenser les producteurs les plus vertueux et imposer des malus aux produits les plus polluants. Ces malus passent de quelques centimes à des montants plus conséquents, qui peuvent atteindre jusqu’à 20 % du prix de vente du produit.
La loi Agec a aussi mis en place le fonds réparation et le fonds réemploi et réutilisation. Six filières REP sont concernées par ces fonds : équipements électriques et électroniques, jouets, sports et loisirs, articles de bricolage et de jardin, textiles et chaussures, meubles. L’idée des fonds réparation et réemploi est vraiment de détourner du gisement, c’est-à-dire d’éviter le déchet.
Enfin, la loi Agec a étendu les obligations de reprise en magasin à de nouveaux produits. C’est le cas des éléments d’ameublement, des produits chimiques, des jouets, des articles de sport et de loisirs, ainsi que des articles de bricolage et de jardin. Cette reprise distributeur étendue vise à capter le gisement le plus en amont possible, pour qu’il ne se retrouve pas dans des bennes en mélange en déchetterie, avant de finir en incinérateur ou en enfouissement. Le but est bien de capter le gisement dans de bonnes conditions sécurisées et d’aller le plus vers la réparation et le réemploi.
La loi a harmonisé l’ensemble des filières : toutes sont désormais sous agrément. Qu’est-ce que cela change ?
Toutes les filières qui sont soumises à filière REP doivent désormais avoir un agrément de l’État. Le cahier des charges est paru au début de l’été pour les pneumatiques (voir l’arrêté du 27 juin), donc on attend les candidatures des éco-organismes pour les agréer. Pour les véhicules hors d’usage (les VHU), le cahier des charges est en cours de rédaction. Sur ces deux produits, il y avait des systèmes de collecte et de recyclage existants, mais aucun agrément.
Pour comprendre ce que cela change, je vous invite à aller voir un cahier des charges, par exemple celui de la filière REP des équipements électriques et électroniques, un arrêté d’octobre 2021. Ils sont tous construits de la même façon. On impose d’abord aux éco-organismes de mettre en œuvre des éco-modulations sur leurs contributions avec des bonus et des malus dotés des critères. Il y a ensuite toujours des taux de collecte à atteindre, des objectifs sur le recyclage par types de matériaux, des objectifs sur la réparation (lorsqu’ils sont concernés par le fonds), sur le réemploi, sur la R&D, sur la communication… C’est une vingtaine de pages qui cadre tout ce que les éco-organismes doivent faire.
Les éco-organismes jouent-ils le jeu ?
La loi nous a donné un pouvoir prescriptif. Par exemple sur la REP équipements électriques et électroniques, on avait demandé aux producteurs de mettre en œuvre des éco-modulations. On a estimé que leurs propositions sur la réparabilité des téléphones et l’incorporation de matières recyclées dans les équipements électriques et électroniques n’étaient pas du tout à la hauteur. On est en train de rédiger un arrêté pour leur prescrire des éco-modulations à respecter. L’agrément est normalement donné pour 6 ans, mais on peut le modifier ou sanctionner si les objectifs ne sont pas atteints.
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