Chaque année, près d’un tiers des principales cultures agricoles mondiales (blé, riz, maïs, pommes de terre, soja) est perdu. À eux seuls, les animaux ravageurs sont responsables d’environ 10 % de ces pertes, ce qui représente environ 21 millions de tonnes. Une étude menée par des chercheurs brésiliens et américains, publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society, démontre que les prédateurs naturels peuvent atténuer ces pertes et offrir une alternative à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.
Les scientifiques ont effectué une méta-analyse de 86 études et ont procédé à 317 comparaisons par paires en testant l’effet des prédateurs sur les populations de ravageurs ainsi que sur le rendement des cultures. Il apparaît que dans toutes les études, les prédateurs ont réduit les populations de ravageurs de 73 % en moyenne, en comparant les cultures avec et sans prédateurs. Plus précisément, leur présence a réduit la proportion de ravageurs de 51 % dans les cultures céréalières, de 103 % dans les cultures d’arbres fruitiers, dans les oléagineux et les protéagineux, et de 62 % en cultures maraîchères.
Autre résultat important : ces prédateurs ont permis d’augmenter le rendement des cultures de 25 % en moyenne. « Les coléoptères, les oiseaux, les araignées et les autres prédateurs invertébrés étaient tous des agents de lutte biologique efficaces, écrivent les auteurs de cette étude. Nous n’avons pas réussi à détecter un impact des chauves-souris et des hémiptères sur les populations de ravageurs, peut-être en raison du faible nombre de comparaisons par paires. »
Les chercheurs ont été étonnés d’observer que les prédateurs multi-espèces n’effectuaient pas un contrôle biologique plus élevé que les prédateurs mono-espèces, que ce soit avec des oiseaux, des coléoptères ou des araignées. « Nous montrons qu’une seule espèce de prédateur résident peut assurer une lutte antiparasitaire au moins aussi efficace que plusieurs espèces. Ceci est important, car cela souligne à quel point il est bénéfique de conserver les espèces prédatrices naturelles dans les systèmes de culture. »
La saisonnalité des précipitations est le seul facteur climatique identifié comme ayant un impact sur les prédateurs. Ainsi, les cultures situées dans des régions où les précipitations sont les plus saisonnières, sont celles où les populations de ravageurs sont les plus faibles en raison du contrôle biologique plus efficace effectué par les prédateurs. Pour les scientifiques, ce résultat montre que « les prédateurs sont des agents résidents efficaces de contrôle biologique sur tous les types de cultures, et que le changement climatique futur, avec une saisonnalité accrue des précipitations, augmentera probablement l’impact des prédateurs naturels sur les ravageurs des cultures. »
Le marché du biocontrôle en croissance en France
Les prédateurs naturels, classés dans la catégorie des macroorganismes, sont l’une des quatre familles de la lutte biologique, encore appelée biocontrôle, qui peut être utilisée pour protéger les plantes contre les maladies, les insectes, les ravageurs et les adventices. Les trois autres familles sont l’utilisation de microorganismes (bactéries, virus, champignons), de médiateurs chimiques (phéromones, kairomones…), et de substances naturelles, qu’elles soient d’origine minérale, animale ou végétale (comme l’acide pélargonique, secrété naturellement par les géraniums).
Selon l’Inrae, le marché du biocontrôle connaît une croissance annuelle à deux chiffres en France et a atteint 13 % des ventes de pesticides en 2021. Pour cet institut, cette lutte biologique « demande beaucoup d’innovation organisationnelle pour agir collectivement à l’échelle d’un territoire. Mais cette régulation à long terme est infiniment plus durable économiquement que l’utilisation récurrente d’un produit. »
En France, le biocontrôle est reconnu comme une alternative clé aux produits phytosanitaires conventionnels et comme l’un des piliers de l’agroécologie. Depuis 2020, il fait l’objet d’une stratégie nationale, qui vise à la mise en œuvre d’une série de mesures dans le domaine de la recherche, de l’expérimentation, de l’innovation industrielle, de la réglementation et du déploiement de solutions sur le terrain.
En mars dernier, à l’occasion du Salon international de l’agriculture, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire a lancé officiellement le « Grand défi biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie ». D’une durée de 6 ans, ce programme prévoit de soutenir des travaux dans ce domaine grâce à l’apport de 42 millions d’euros gérés par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), dans le cadre du programme France 2030, et 18 millions d’euros apportés par des acteurs privés. L’objectif est d’accélérer l’innovation, de développer et de diversifier les solutions de biocontrôle et de biostimulation disponibles, en combinaison avec d’autres solutions, pour une protection agroécologique des plantes. L’ABBA (Association biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie), qui compte plus de 80 membres issus d’organisations publiques et privées, est chargée d’animer ce programme.
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