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Interview

Fabriquer des pulls en France grâce à une technologie 3D sans couture écoresponsable

Posté le par Nicolas LOUIS dans Innovations sectorielles

La start-up 3D-Tex a ouvert une usine entièrement automatisée pour fabriquer des pièces de prêt-à-porter à l'aide d'un outil de modélisation virtuelle et l'utilisation d'une technique de fabrication sans couture. Son objectif : être compétitif tout en minimisant son impact environnemental. Entretien avec Basile Ricquier, le cofondateur de l'entreprise.

En France, la filière textile s’est fortement délocalisée pour s’implanter en grande partie en Asie. Cette industrie est aujourd’hui considérée comme l’une des plus polluantes au monde. Pour remédier à cette situation, la start-up 3D-Tex a décidé de participer à la relance de la production de textile dans l’Hexagone en ouvrant une nouvelle usine en Bretagne. Son objectif est de renouer avec une fabrication plus vertueuse. L’entreprise mise sur une technologie 3D et sans couture pour être à la fois compétitive et d’un impact limité sur l’environnement. Huit mois après le lancement de sa chaîne de production, le pari est sur le point d’être réussi. Rencontre avec Basile Ricquier, l’un des trois cofondateurs de 3D-Tex.

Les trois cofondateurs de 3D-Tex, avec, de gauche à droite : Gwendal Michel, Marc Sabardeil et Basile Ricquier. Crédit 3D-Tex

Techniques de l’Ingénieur : Quel a été le point de départ de la création de votre entreprise ?

Basile Ricquier : Nous avons souhaité développer une industrie textile plus vertueuse, et pour atteindre cet objectif, nous avons dû répondre à plusieurs enjeux. Sur le plan économique, nous voulions relocaliser la production tout en restant compétitifs. Pour y parvenir, nous avons entièrement automatisé les étapes de la fabrication de nos pièces de prêt-à-porter, qui sont habituellement réalisées manuellement et sont très chronophages. Grâce à cette solution, nous avons réussi à faire des économies sur la main-d’œuvre. Ensuite, sur le plan environnemental, nous utilisons une technique de fabrication sans couture qui nous permet de réduire au maximum nos déchets. Les chutes générées par l’industrie textile représentent traditionnellement environ 20 % de la matière première utilisée. Nous sommes parvenus à diviser ce chiffre par 10, pour le ramener à 2 %. Enfin, sur le plan social, nous voulions redynamiser l’emploi sur notre territoire, à Saint-Malo, là où notre usine est installée.

Quelles technologies utilisez-vous pour concevoir vos produits ?

En amont de la fabrication, nous utilisons un logiciel 3D pour réaliser une modélisation virtuelle de toutes nos nouvelles pièces, avec des essayages sur des avatars, ainsi que la création de jumeaux virtuels, qui ont tous un équivalent physique. Ensuite, intervient une phase de programmation de nos machines à tricoter. Enfin, nous utilisons une technologie mécanique sans couture qui a été inventée il y a une cinquantaine d’années pour fabriquer des gants sans la présence de petites coutures au bout des doigts. Depuis, elle a beaucoup évolué, mais les bases sur lesquelles elle repose sont restées les mêmes. Les machines sont à présent entièrement automatisées, et la vitesse d’exécution s’est énormément améliorée, ce qui nous permet de répondre de manière rapide aux besoins. En France, nous sommes la seule entreprise du textile à avoir entièrement automatisé toute sa production et nous nous interdisons de faire de l’assemblage manuel dans notre usine.

Actuellement, votre usine assemble des pulls ; comment parvenez-vous à les fabriquer sans couture ?

Nous tricotons en même temps l’avant et l’arrière du produit, ainsi que le corps et les deux manches. Nos machines fonctionnent de manière rectiligne, avec un chariot qui se déplace de gauche à droite. Pour schématiser, quand il va dans un sens, il conçoit la rangée de devant, et lorsqu’il repart dans l’autre sens, celle de derrière. Le tricotage commence toujours par le bas du produit, et dans le cas de nos pulls, on commence à tricoter des rangées du bas et on monte progressivement pour former trois tubes : le corps et les deux manches. Dans une fabrication traditionnelle, ces trois panneaux sont assemblés manuellement grâce à des coutures. Chez nous, les trois tubes sont conçus en même temps, et toute la magie de notre technologie est de pouvoir les assembler de manière automatique sans couture. Pour prendre une image, on commence par trois fils, un pour chaque tube, et à la fin on finit par un seul.

L’usine entièrement automatisée de fabrication de pièces de prêt-à-porter abrite actuellement dix machines à tricoter. Crédit 3D-Tex

Quelles sont les perspectives de 3D-Tex ?

Nos perspectives de croissance sont fortes. Notre production a démarré à l’été dernier, et aujourd’hui notre carnet de commandes est déjà complet jusqu’en décembre. Cette année, nous allons fabriquer 50 000 pièces à l’aide de 10 machines à tricoter et notre ambition est de produire 250 000 à 300 000 pièces avec 30 machines d’ici à 2025. Pour cela, nous allons devoir déménager dans une nouvelle usine.

Notre technique de fabrication sans couture intéresse aussi d’autres secteurs que celui du prêt-à-porter, qui est pour nous une première porte d’entrée. Son avantage est qu’elle est capable de concevoir des produits sans point de faiblesse. Si je prends l’exemple des pulls, lorsqu’ils sont fabriqués de manière traditionnelle, ils ont tendance à casser toujours au même endroit, c’est-à-dire au niveau du point d’emmanchure situé sous les aisselles. Ce n’est pas la maille qui casse, mais la couture qui tient la maille. Ce défaut n’existe pas avec nos produits, et notre procédé pourrait servir par exemple à l’industrie automobile pour fabriquer des gaines servant à protéger des câbles électriques dans les voitures. Le secteur médical est aussi un débouché potentiel avec cette fois-ci la fabrication d’orthèses. Le fait que nos produits n’ont pas de couture apporte du confort à des tissus portés au plus près du corps. On pourrait aussi imaginer dans le futur, la fabrication d’artères, sous la forme par exemple d’ogives servant à la reconstruction mammaire, à l’aide de fils biosourcés.

Pour aller plus loin

Posté le par Nicolas LOUIS


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