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Fabriquer des pièces de structure à forte tenue mécanique grâce au procédé MBJ

Posté le 24 janvier 2024
par Nicolas LOUIS
dans Matériaux

Le procédé MBJ (Metal Binder Jetting) est une technique de fabrication additive dont l'un des avantages est de permettre la fabrication de pièces en petite et moyenne série. Le Centre des Matériaux de Mines Paris-PSL mène des travaux de recherche pour concevoir des pièces de structure destinées au secteur de l'aéronautique grâce à ce procédé.

Apparu au cours des années 2010, le procédé MBJ (Metal Binder Jetting) est une technique de fabrication additive qui consiste à étaler une poudre de métal (de céramique ou d’autres matériaux) couche par couche, tout en projetant un liant sur la surface de chacune d’entre elles. Elle est qualifiée d’indirecte, car la pièce obtenue à la sortie de l’imprimante doit ensuite subir des étapes de post traitement. Pour les industriels, ce procédé leur permet de fabriquer des pièces de grande précision aux états de surface fins, en petite et moyenne série. Le Centre des Matériaux de Mines Paris-PSL mène des travaux de recherche pour concevoir des pièces de structure à forte tenue mécanique à partir de ce procédé.

« Une machine MBJ est une imprimante de type jet d’encre, sauf qu’au lieu de projeter de l’encre, on projette un liant, c’est-à-dire un polymère, là où la matière doit être consolidée, explique Jean-Dominique Bartout, responsable de la plateforme EPROM (Élaboration, Procédés et Matériaux) du Centre des Matériaux de Mines Paris-PSL. À la sortie de la machine, on obtient une pièce dite à vert qui doit ensuite subir plusieurs étapes, avec d’abord un traitement thermique pour polymériser le liant, suivi d’une étape de dépoudrage qui consiste à retirer la poudre sur laquelle il n’y a pas de liant, une autre de déliantage, et enfin de frittage qui permet aux grains métalliques de se resserrer afin de créer la pièce finale. Ces procédés de post traitement ont pour conséquence de provoquer un important retrait de la matière et tout l’objectif est d’obtenir des pièces à la bonne cote tout en s’assurant de leur bonne santé-matière. »

Un travail préalable consiste à quantifier les différents retraits de matières au cours de chaque étape. Toute la complexité est de parvenir à prendre en compte le caractère anisotrope de chaque retrait, c’est-à-dire le fait qu’ils n’ont pas les mêmes caractéristiques dans les trois directions du volume « x y z ». Un point important consiste à les anticiper dès la conception de la pièce et pour cela, les scientifiques ont recours à des vérifications pendant la fabrication, grâce à l’envoi de données provenant de capteurs disposés sur l’imprimante.

Le recours à de la modélisation est aussi nécessaire pour parvenir à obtenir une pièce « near net shape », c’est-à-dire dont la forme se rapproche au plus près des cotes exigées par l’utilisateur final. Le CEMEF (Centre de mise en forme des matériaux de Mines Paris-PSL) est partenaire de ce projet de recherche et a développé des modèles multiphysiques de frittage, pour notamment prédire les déformations anisotropes des pièces lors des étapes de densification.

Vérifier la composition atmosphérique à chaque étape

La bonne santé-matière des pièces finales dépend en partie de sa composition chimique. Or, les étapes de post traitement peuvent entraîner leur modification. C’est le cas par exemple, lors du traitement thermique au cours duquel le polymère est brûlé, ce qui entraîne la formation de carbone résiduel qui peut venir enrichir le matériau, ou alors la présence d’oxydes. « Nous travaillons sur chaque étape en contrôlant les atmosphères pour rendre les phénomènes de décarbonation et d’oxydation compatibles, alors qu’ils sont normalement incompatibles, ajoute Jean-Dominique Bartout. Pour cela, nous plaçons des capteurs pour mesurer les compositions atmosphériques de chaque étape. »

La qualité de la pièce finale est mesurée dans un premier temps par des analyses chimiques des matériaux obtenus, puis par des études métallographiques au microscope optique ou électronique à transmission dans le but de déterminer la qualité des microstructures. Pour évaluer les propriétés mécaniques des pièces, plusieurs types d’essais mécaniques sont aussi réalisés : essais monotones, de fatigue, de fluage…

Les pièces développées par le Centre des Matériaux de Mines Paris-PSL sont principalement destinées au secteur de l’aéronautique, telles que les entreprises JPB Systems et Safran. « L’enjeu est qu’elles soient utilisables en tant que pièces de structure et qu’elles respectent les normes de ce secteur, complète Jean-Dominique Bartout. Le marché des machines MBJ est quasiment en situation monopolistique avec le risque que cette technologie devienne de plus en plus fermée. Grâce à nos travaux, nous apportons des préconisations aux utilisateurs finaux afin qu’ils gardent la maîtrise de ce procédé et notamment de toutes les étapes intermédiaires. Nos travaux se poursuivent avec quatre thèses qui doivent démarrer prochainement. »


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