Techniques de l’Ingénieur : Quelles difficultés les entreprises rencontrent-elles à envoyer leurs cadres à l’étranger ?
Jean Pautrot : Convaincre de partir est moins difficile aujourd’hui. Les cadres jeunes ont de plus en plus le goût et l’expérience de l’international. Depuis quelques années, le cursus bac + 5 intègre souvent six mois obligatoires à l’étranger.
Malgré tout, il y a des destinations –la Chine, les Etats-Unis, le Royaume-Uni- plus attractives que d’autres. Envoyer quelqu’un en Hongrie par exemple n’est pas toujours évident, car le hongrois n’est pas perçu comme une langue à valeur ajoutée dans le parcours, ou pour la famille. C’est un deal qui n’apparaît pas gagnant/gagnant pour l’expatrié potentiel.
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La seconde difficulté concerne la double carrière. Travailler à l’international est souvent difficile pour le conjoint d’expatrié, d’où une réflexion nécessaire sur le projet familial. Le fait de suivre son conjoint ne doit pas être un sacrifice, mais procurer un bénéfice personnel. Pas forcément en trouvant directement un emploi, mais aussi en préparant une employabilité au retour. La formation aborde ce point.
De plus en plus d’entreprises offrent donc à leurs expatriés des services au départ et/ou au retour pour réussir ces étapes cruciales. Les formes varient selon l’entreprise, c’est pour cela qu’il est important que le cadre regarde ce que propose son entreprise pour lui et pour son conjoint.
Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont les clefs de la réussite de son expatriation ?
Jean Pautrot : Tout dépend ce qu’on appelle la réussite… Concernant l’enrichissement personnel, se confronter à une autre culture favorise forcément le développement personnel et prépare les enfants à la mondialisation. Maintenant, si on reprend le même terme d’enrichissement personnel d’un point de vue financier, c’est autre chose. Dans l’imaginaire de leurs collègues, les expatriés gagnent beaucoup d’argent. Ça n’est pas toujours vrai, et ça l’est même de moins en moins : les packages sont de plus en plus « maitrisés », et la mise entre parenthèses de la carrière du conjoint peut conduire à une perte de revenu.
La principale difficulté pour l’expatrié, c’est la valorisation de son expérience au retour. Est-ce que cette expérience va booster ma carrière, ou pas ? Le manque de reconnaissance est source de frustration. D’où l’envie de repartir qu’ont de nombreux expatriés après leur retour.
La formation travaille sur deux enjeux : sortir du « blues » du retour et convaincre les recruteurs que l’expérience acquise dans un autre contexte s’est transformée en compétences utilisables « ici et maintenant ».
Techniques de l’Ingénieur : Y a-t-il selon vous une spécificité des ingénieurs face à l’expatriation ?
Jean Pautrot : Il n’y a pas de profil spécifique d’ingénieur expatrié par rapport à d’autres métiers. En revanche, les ingénieurs étant habitués à une certaine rationalité, ils sont peut-être plus déconcertés par le blues du retour, ne comprenant pas pourquoi ils se sentent étrangers dans leur propre pays.
De plus, les ingénieurs sont moins prédisposés que d’autres profils à vendre leurs compétences, par une certaine modestie de mauvais aloi. C’est au retour qu’ils sont les plus vulnérables. Mais au moment du départ, il n’y a pas vraiment de spécificités.
Techniques de l’Ingénieur : Vous animez un module intitulé Réussir son parcours international, au sein de la formation Ingénieurs Managers : développer ses compétences à l’international, chez Techniques de l’Ingénieur. A qui s’adresse-t-elle ?
Jean Pautrot : En priorité aux salariés ayant des projets à l’international. Toutes les phases de la mobilité sont examinées. Le retour se prépare dès le départ, la qualité des motivations de départ étant gages de réussite au retour. A partir de points de repère issus de mon expérience, je fais travailler les stagiaires sur l’autodiagnostic de leur situation, puis ils bâtissent leur projet, pour réussir leur parcours. C’est un travail réellement personnel.
Cette formation permet ainsi aux salariés des grosses comme des petites entreprises de réfléchir dans un cadre plus neutre. Pour résumer, elle permet d’être inventif pour soi, son conjoint et sa famille, de sortir des rails habituels, de stimuler son inventivité, pour faire avec son entreprise un deal gagnant-gagnant.
Une approche analogue s’adresse aux DRH et gestionnaires de mobilité internationale. A partir des mêmes matériaux, ils réfléchissent à leur pratique en matière de gestion des expatriés et à la politique de leur entreprise.
Ingénieur diplômé de Centrale Paris, Jean Pautrot a fait carrière à EDF, où il s’est spécialisé dans les RH internationales (ancien DRH mobilité international – expatriation). Coach certifié, il préside désormais le Conseil Magellan de la Mobilité Internationale, en charge des relations des entreprises adhérentes avec les pouvoirs publics sur les questions de mobilité. Il a ainsi réalisé des entretiens avec près de 2000 expatriés, à tous les stades de leurs expatriations, et a travaillé avec 180 entreprises françaises à leur stratégie d’expatriation. « De là m’est venue l’idée de faire bénéficier de mon expérience à la fois les candidats à l’expatriation et les entreprises qui les emploient », explique-t-il. |
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