Depuis que le sport s’est professionnalisé, les athlètes sont soumis à une pression importante, due à l’importance décuplée de chaque match, sportivement et in fine financièrement parlant. La préparation des joueurs a suivi cette tendance, devenant de plus en plus spécifique et personnalisée selon les joueurs.
Dans le football actuel, un joueur titulaire dans un grand club joue une cinquantaine de matchs par an, ce qui est beaucoup. Le championnat d’Europe, qui se déroule après la fin de saison en club, oblige donc les joueurs à faire une courte préparation, d’environ trois semaines, pour une nouvelle compétition, qui obligera les deux équipes finalistes à jouer sept matchs. Il s’agit donc, pour les équipes nationales qualifiées, de permettre aux joueurs de se préparer avec les autres joueurs de leur équipe, tout en récupérant physiquement et mentalement, après une longue saison en club.
La particularité de l’Euro 2021, c’est que ce tournoi arrive après une année marquée par la crise du coronavirus, qui a d’ailleurs obligé les organisateurs à repousser le tournoi, qui devait initialement se tenir en juin 2020.
Une préparation physique spécifique et personnalisée
Aujourd’hui, les joueurs portent des capteurs lors de leurs séances d’entraînements. Cyril Moine, le préparateur de l’équipe de France, collecte des données ciblées pour évaluer l’état de forme physique des joueurs au début de la préparation physique. «Il y a deux types de données, explique Cyril Moine sur le site de la Fédération Française de Football (FFF). D’abord celles transmises par les GPS qui concernent les distances de course à haute intensité, le nombre de sprints, d’accélération ou de décélération. Grâce à elles, je peux faire une juxtaposition avec ce que les joueurs sont capables d’effectuer pendant un match. C’est ce qu’on appelle la charge externe. Je m’appuie aussi sur les données de fréquence cardiaque puisque j’enregistre tous les entraînements. À partir de là, je mesure la charge interne du joueur pour savoir comment il réagit physiologiquement par rapport à l’effort proposé. Il y a quelques années, on recevait ces données après l’entraînement, à présent, elles arrivent en simultané sur le terrain. L’état des lieux se fait en direct.»
A partir de là, les joueurs sont répartis en groupes de niveau en fonction de leur forme physique, pour personnaliser leur travail. Ce suivi est quotidien, et permet également de repérer un pic de forme, ou au contraire une baisse de régime physique au jour le jour. Des indicateurs très utiles pour le sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps. Cela dit, Cyril Moigne estime que ces outils technologiques, utilisés par toutes les sélections nationales, ne sont qu’une information parmi d’autres pour le sélectionneur, comme il l’explique sur le site de la FFF : «Des petits curseurs me permettent de dire : attention, tel joueur est un peu dans le rouge ou, au contraire, tel autre est en facilité, on peut y aller et continuer. Ces moyens techniques nous offrent une grande réactivité. L’œil avisé du sélectionneur est beaucoup plus important que la technologie mais c’est une aide à la décision. En général, lorsque je vais voir le coach, il le sait déjà car il l’a vu.»
Cette aide à la décision apportée par les outils technologiques va aider l’encadrement à suivre de manière précise et personnalisée la condition physique des joueurs.
L’analyse du jeu en pleine mutation
Les nouvelles technologies permettent aussi aux sélections nationales d’analyser leur propre jeu, et celui de leurs adversaires, grâce aux outils de tracking GPS. Ce volet de l’amélioration de la performance a été grandement affecté par la crise sanitaire : l’usage veut que l’encadrement assiste aux matchs des futurs adversaires de l’équipe de France pour étudier leur jeu. Avec le Covid, ces déplacements pour observer les adversaires ont été impossibles. Mais les données désormais disponibles après chaque match permettent de tout savoir sur les déplacements des joueurs pendant les matchs, à distance.
Surtout, l’analyse vidéo permet aujourd’hui de proposer des paramètres d’analyse de la performance, de manière individuelle et collective, ce qui est fondamental pour tous les sports d’équipes. Thierry Marszalek, l’analyste vidéo de l’équipe de France depuis de nombreuses années, dispose ainsi à Clairefontaine, le camp de base de l’équipe de France, de plus de 14 000 matchs en vidéo, prêt à être décortiquées. Ce dernier a vu les effectifs assignés à l’analyse vidéo augmenter ces dernières années. Il reste pourtant, à l’instar de Cyril Moigne, mesuré sur l’impact de son activité sur la performance globale de l’équipe de France : «l’analyse vidéo est utile, mais pas forcément capitale. On lui donne d’ailleurs aujourd’hui trop d’importance à mon goût. La seule chose dont on ne peut se passer, ce sont les joueurs. Par contre, je suis content de ne plus être seul pour faire mon travail».
On le voit, aujourd’hui les innovations technologiques, que ce soit pour les préparations physique ou tactique des équipes, sont indispensables. Pour autant, de l’avis même des intéressés, elles ne sont pas décisives pour la victoire finale. Il est peu probable que les nouvelles technologies s’emparent du football comme cela a pu être observé dans un sport comme le football américain : en effet, le football reste un sport où chaque joueur, s’il fait partie d’un collectif, peut être en capacité de prendre à son compte le sort d’un match. Ce qui n’est pas vrai pour le football américain.
Cette dualité entre l’apport individuel et collectif de tel ou tel joueur à son équipe alimente les débats médiatiques lors du championnat d’Europe qui se dispute actuellement. Les journalistes sportifs disposent eux aussi d’outils technologiques leur permettant de développer des analyses de plus en plus factuelles. Mais pas définitives.
Il est aujourd’hui tellement complexe d’analyser l’apport à la fois collectif et individuel d’un joueur lors d’un match que seul l’ajout de la subjectivité (celle du sélectionneur, celle du journaliste), permet de donner un sens aux données.
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