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Ethique : la performance à tout prix implique-t-elle la contorsion des règles ?

Posté le 16 juillet 2012
par La rédaction
dans Entreprises et marchés

Peut-on gagner tout en s’imposant une conduite éthique où les règles communes sont scrupuleusement observées ? A cette délicate, voire insondable question, Geert Demuijnck, professeur d’éthique des affaires à l’EDHEC Business School a tenté de répondre avec sa double expertise d’économiste et de philosophe tout en traçant des parallèles entre la compétition sportive et la concurrence que se livrent les entreprises. Morceaux choisis où les communicants trouveront matière à réflexion.

A l’aube de l’ouverture des Jeux Olympiques de Londres, du départ du Tour de France cycliste et de la clôture de l’Euro de football, la conférence organisée le 29 juin par l’EDHEC sur son campus parisien tombait à point nommé pour s’arrêter un instant sur les limites acceptables ou pas qu’entraîne une recherche effrénée de performance tant dans les manifestations sportives que dans l’activité industrielle et commerciale des entreprises. En d’autres termes, « Altius, Citius, Fortius », la devise olympique chère au baron Pierre de Coubertin et démiurge des J.O, est-elle le carburant d’une saine et respectueuse émulation ou le terreau d’une éthique bafouée pourvu que le résultat soit au rendez-vous ?

La compétition est-elle d’un bénéfice justifié ?

Arjen Robben : son obsession de performance individuelle a nui à l’équipe des Pays-Bas à l’Euro 2012

Pour Geert Demuijnck, la notion de compétition est communément admise car consubstantielle à l’existence même de la vie. Sans pousser jusqu’à un impitoyable darwinisme échevelé, l’être vivant est très tôt confronté à la rivalité. Qu’on le veuille ou non.

De même, l’organisation de la société regorge en son sein de ces multiples rivalités qui sont globalement acceptées dans la mesure où elles profitent à l’innovation, au progrès, à l’amélioration du bien-être des citoyens et des consommateurs.

Dans la vie de l’entreprise, la tension entre équipes peut donc constituer un moteur d’efficacité et de motivation à la condition expresse que celle-ci soit clairement modulée et régulée pour ne pas générer des effets pervers comme la frustration, la désagrégation de l’esprit collectif ou l’individualisme forcené. A cet égard, Geert Demuijnck cite non sans ironie la déroute enregistrée par l’équipe de football des Pays-Bas lors de l’Euro 2012. Cette dernière figurait pourtant parmi les formations avec le plus de talents individuels dans l’effectif sélectionné. Le problème est qu’elle n’a jamais su combiner avec succès les forces des uns et des autres, chacun étant plus préoccupé de garder le ballon et tenter l’exploit individuel plutôt qu’alimenter la performance collective. De son côté, l’entraîneur n’a jamais réussi à imposer des règles de jeu aux egos surdimensionnés de ses joueurs. Par ses dribbles solo à répétition, l’attaquant Arjen Robben est probablement l’illustration la plus symptomatique d’une culture de compétiteur peu soucieux de ses partenaires.

Il n’empêche que lorsque cet instinct de compétition est régulé avec doigté, subtilité et flexibilité, le bénéfice devient alors très tangible tant pour une équipe sportive qu’une entreprise. A condition d’en définir précisément les contours admissibles ou pas. Or, c’est précisément toute l’extrême difficulté de l’exercice que constate Geert Demuijnck lorsqu’il est amené à intervenir au sein de grandes corporations qui affrontent parfois des concurrents moins pointilleux sur les règles et plus soucieux de performance pure.

Se battre à armes égales : une vue de l’esprit ?

Signature officielle de la loi Sarbanes-Oxley en 2002

Sur les marchés industriels, la quête absolue de performance peut induire des schémas qui s’avèrent in fine nuisibles.

Geert Demuijnck cite notamment la règle du « Winner takes all » qui dans le sport constitue l’aboutissement d’un tournoi, d’une course ou d’un championnat. Quoiqu’il advienne, il n’y aura qu’un unique vainqueur au final. Transposé dans l’univers entrepreneurial, la règle peut vite devenir dangereuse avec une société raflant l’intégralité d’un marché et laissant du coup ses compétiteurs en rade.

C’est justement dans cette optique que des régulations sont apparues dans l’économie moderne allant jusqu’à des lois garantissant l’éthique de pratiques industrielles et commerciales comme par exemple la loi Sarbanes-Oxley créée en 2002 dans la foulée des retentissantes faillites frauduleuses d’Enron et de Worldcom.

Selon Geert Demuijnck, ces garde-fous sont nécessaires pour maintenir une compétitivité sans abus majeurs. Néanmoins, il remarque que certains secteurs poussent à l’excès de barrières pour limiter l’arrivée de nouveaux entrants comme ce fut le cas pendant longtemps en France sur le marché des opérateurs télécoms. Au-delà de ces pratiques anti-concurrentielles, il soulève également un autre paradoxe que certaines compagnies rencontrent : comment appliquer les règles d’une compétition équitable sans s’affaiblir lorsqu’un de vos adversaires réussit mieux tout en s’affranchissant plus aisément de certaines considérations éthiques ?

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Par Olivier Cimelière / Le blog du Communicant 2.0

 

Olivier Cimelière

Après avoir été reporter en presse écrite et en radio à la sortie de son école de journalisme (CELSA), Olivier s’est orienté vers la communication d’entreprise au sein de grandes entreprises internationales dans successivement le secteur pharmaceutique (Bœhringer Ingelheim), le secteur alimentaire (Nestlé Waters) et le secteur des technologies de l’information et de la communication (Ericsson & Google). Olivier compte plus de 20 ans d’expérience professionnelle en communication, relations presse et réseaux sociaux. Il anime en outre un blog personnel sur la communication, l’information, la réputation et la distorsion d’image : www.leblogducommunicant2-0.com. Il est l’auteur d’un essai intitulé « Journalistes, nous avons besoin de vous ! «