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éteindre l'éclairage urbain la nuit

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Éteindre la lumière la nuit ?

Posté le par Stéphane SIGNORET dans Énergie

Important poste de consommation d’électricité pour les collectivités, l’éclairage public fait désormais parfois l’objet d’extinction totale ou partielle. Cette solution est-elle bien acceptée ? Comment coupler cette mesure de sobriété avec d’autres mesures d’efficacité énergétique ?

Trente-trois communes autour de Lyon ont participé le 23 septembre 2022 à l’opération « La nuit est belle ». En éteignant totalement ou partiellement les lumières artificielles, elle vise à sensibiliser les citoyens au besoin de retrouver une plus large part d’obscurité pendant les périodes nocturnes. Besoin ? Nous sommes tellement habitués à ce que les zones d’habitation et d’activité, les monuments et les routes soient éclairés la nuit qu’il paraît incongru de remettre en cause l’éclairage, associé à l’idée de progrès depuis l’apparition de la Fée électricité au début du XXe siècle. Pourtant, à n’en plus douter, il y a effectivement la nécessité de revoir nos modes d’éclairage public*.

Cela est même urgent, pour trois raisons. Tout d’abord, le poste d’éclairage public est un des plus consommateurs pour les collectivités. Il représente en moyenne 42 % de leur consommation d’électricité et 20 % de leur facture énergétique ! Dans une perspective globale d’économie d’énergie, et particulièrement dans le contexte actuel de crise sur les prix de l’électricité et de passage de l’hiver, moins éclairer pour moins consommer est un levier réel de résilience. Deuxièmement, l’impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité est de mieux en mieux quantifié et se révèle très important, même loin des zones urbaines, au risque de fragiliser de nombreuses populations d’animaux (voir par exemple cette conférence). Parmi les nombreuses mesures de protection des espèces animales, limiter voire supprimer l’éclairage nocturne est incontournable. Enfin, il semble raisonnable de redonner le goût de la nuit sombre aux humains. Un tiers de l’humanité ne voit plus la Voie lactée, les astronomes ont du mal à percevoir les étoiles et l’impact des lumières artificielles sur la santé et le sommeil est avéré. Comme le propose Nicolas Houel, spécialiste de sobriété lumineuse et créateur de l’Observatoire de la nuit, il est temps de produire des ambiances raisonnées et adaptées, et de resituer l’éclairage au cœur des usages.

Être dans le noir ou moduler l’éclairage ?

Quelles solutions sont envisageables ? Certaines collectivités, comme Lissieu dans le Rhône, se lancent pour tester pendant un an l’extinction de l’éclairage public. Hormis trois voies routières fréquentées nécessitant une vidéo surveillance, le noir (presque) complet va être expérimenté par les habitants, de minuit à 5 h. La majorité dormira durant ce créneau. La mise à niveau des armoires de commande des lampadaires va permettre cette opération et son coût (environ 30 000 euros) sera compensé en un an par les économies d’électricité. Néanmoins, ce choix de sobriété ne peut se faire sans une bonne information des habitants. Dans une autre commune, à Givors, la mise en place de l’extinction a été mal vécue par les citoyens et les élus ont décidé de revenir à l’éclairage pour mettre plus progressivement en place des mesures d’efficacité énergétique : remplacement des anciennes lampes par des LEDs et installation de systèmes de modulation de puissance de l’éclairage. Ces deux solutions, dans la ville de Chaponost, ont permis de baisser la facture d’éclairage public de 70 % !

L’apprentissage de l’obscurité est à refaire. Certaines approches territoriales peuvent y aider, comme la création de trames noires dans certaines zones (en particulier les parcs naturels) pour s’assurer qu’elles ne subiront plus aucune lumière artificielle. En milieu urbain, des solutions peuvent participer de l’éclairage public de demain : modulation de puissance selon les périodes de fréquentation ou les saisons, détection de présence y compris avec des LEDs, guidage nocturne grâce à de la peinture bioluminescente (par exemple pour les pistes cyclables).

Différentes prescriptions réglementaires

Quoiqu’il en soit, partant d’une situation de sur-éclairement nocturne, il est difficile de trouver tout de suite un équilibre entre l’usage social de lumière et la protection de l’environnement. Le respect de la réglementation s’avère donc un préalable pour s’engager dans la bonne direction. En effet, un arrêté du 27 décembre 2018 donne déjà de nombreuses pistes. Pour neuf catégories d’éclairage (public, mais aussi patrimonial, sportif, chantiers, etc.), il fixe des prescriptions de différentes natures pour prévenir, réduire et limiter les nuisances lumineuses. Tout d’abord, des recommandations temporelles qu’on pourrait qualifier de « bon sens » sont données, comme l’extinction des lumières des magasins quand ils sont fermés… Ensuite viennent des prescriptions techniques concernant :

  • une valeur maximum de l’URL (upward light ratio) pour éviter d’éclairer le ciel ;
  • une température limite de couleur (3 000 K) afin de ne pas émettre dans des spectres « bleus » qui ont des effets perturbateurs sur la santé des êtres vivants ;
  • des valeurs maximums pour les densités surfaciques de flux lumineux installé, selon les zones concernées.

Enfin, la réglementation prévoit des conditions encore plus protectrices pour les parcs naturels régionaux, marins, les aires d’adhésions aux parcs nationaux, les réserves naturelles et les périmètres de protection, par exemple avec des températures de couleur qui doivent être inférieures à 2 400 K. De plus, pour protéger les populations animales des zones humides, l’éclairage direct est interdit (sauf exception) sur les cours d’eau, plans d’eau, lacs, étangs, domaines publics fluvial et maritime.


* Une matinale a été organisée à ce sujet le 13/09/2022 par le syndicat de gestion des énergies de la région lyonnaise en regroupant plusieurs experts et élus sur le sujet.

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Posté le par Stéphane SIGNORET


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