La surprise a été totale pour les grands électriciens espagnols. Alors que le gouvernement de Mariano Rajoy a drastiquement réduit les soutiens financiers aux énergies renouvelables, le voilà qui organise deux appels d’offres en un an, cumulant 2 700 MW (l’équivalent de 3 réacteurs nucléaires de G2). Sur les 93 000 kTep de consommation énergétique, seuls 16 000 kTep étaient issus de productions renouvelables (soit 17,2%). L’Espagne risque fort de ne pas atteindre l’objectif européen des 20% d’Enr en 2020. Le parti conservateur a donc décidé d’inciter à la construction de centrales éoliennes, photovoltaïques et biomasses pour relever le niveau, mais surtout car les énergies renouvelables n’ont jamais été aussi bon marché en Espagne.
Parité réseau
Le premier appel d’offres de janvier a été une véritable surprise. Avec cinq fois plus d’offres que de capacité allouée pour l’éolien, la concurrence a été sauvage. A tel point que le système d’enchère inversée mise en place par le gouvernement a marché à plein. Il consiste grossièrement à faire proposer par les candidats le montant de la subvention qu’ils estiment devoir percevoir pour être rentable. Les dossiers sont classés en fonction de leurs coûts pour le système et les moins coûteux sont choisis. La concurrence a été telle que la plupart des lauréats ont proposé une subvention de … 0€. En clair, ces installations seront rémunérées uniquement grâce au marché spot de l’électricité, confirmant la parité réseau de l’éolien et du PV.
L’ovni Forestalia
Avec ses 300 MW éoliens (sur 500 MW attribués) et ses 108,5 MW de biomasse (sur 500 MW attribués) gagnés lors de l’appel d’offre de janvier, Forestalia a fait une entrée tonitruante sur la scène espagnole des énergies renouvelables. Présidée par Fernando Samper, la compagnie est née en 2011 du groupe Jorge, contrôlé par ses frères, spécialisé dans le secteur de la viande, et particulièrement « dans la branche porcine depuis 75 ans », indique le site du groupe espagnol.
En remportant à elle seule la moitié de l’appel d’offres, et ce alors qu’elle n’a quasiment aucune expérience, la compagnie n’a pas fait dans la dentelle : elle a littéralement imposé la parité réseau en Espagne. Et ce, avec des méthodes peu conventionnelles : au lendemain de sa large victoire, la société a lancé un appel aux fonds d’investissements et autres acteurs pour construire les parcs remportés, laissant les grands noms du secteur totalement ahuris par une telle manœuvre.
Reste à savoir si Forestalia compte réitérer son « coup » cet automne, et comment ses concurrents, parmi les plus grands groupes côtés sur les Bourses européennes, vont se défendre face à ce nouvel acteur, non-conventionnel.
Romain Chicheportiche
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