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Entre fermetures d’usines et construction de giga-factories : une filière solaire européenne en pleine mutation

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Entre fermetures d’usines et construction de giga-factories : une filière solaire européenne en pleine mutation

Posté le par Arnaud Moign dans Énergie

Depuis longtemps fragilisée, l’industrie européenne du photovoltaïque subit actuellement une arrivée massive de panneaux chinois à prix cassés. Une concurrence jugée déloyale, qui a récemment provoqué la fermeture de l’usine de modules Meyer Burger située à Dresde en Allemagne, et poussé le fabricant à se tourner vers les États-Unis.

Alors que les entreprises chinoises contrôlent 80 % des processus industriels du photovoltaïque dans le monde et inondent actuellement l’Europe avec des panneaux à bas coût, la filière photovoltaïque européenne est particulièrement menacée et craint une désindustrialisation massive. Mais la situation actuelle révèle également deux choses : d’une part, une remise en question de nos modèles de production s’avère nécessaire et d’autre part, la filière attend des signaux politiques forts, de manière à protéger la production européenne et à la développer.

Les constructeurs chinois se ruent vers l’Europe, les Européens traversent l’atlantique

Cette « inondation » du marché européen par les panneaux chinois n’est pas le fait du hasard. Elle résulte directement de décisions politiques prises par les États-Unis et l’Inde visant purement et simplement à bloquer l’accès à leur marché afin de soutenir leurs propres filières photovoltaïques. Certains responsables politiques européens n’hésitent d’ailleurs pas à accuser le protectionnisme américain d’être responsable de la situation européenne actuelle.

Ironiquement, si cette crise du solaire européen a contraint Meyer Burger à quitter l’Allemagne, l’entreprise semble avoir trouvé refuge aux États-Unis, puisqu’elle a récemment annoncé la construction d’une giga-usine au Colorado, en partie financée par les aides américaines !

En dehors de toute considération politique, l’exemple de Meyer Burger semble également révélateur d’un problème de fond : la nécessité de produire plus, de massifier la production pour bénéficier d’un effet d’échelle sur les coûts.

La construction de giga-usines solaires pour faire face à la concurrence chinoise

Comme le disait Pierre-Emmanuel Martin, président et cofondateur de CARBON, lors de l’interview qu’il nous avait accordée en 2023, seule une production à grande échelle de cellules et de modules photovoltaïques permettra à l’Europe de devenir compétitive face à la chine.

« En multipliant par dix la capacité de production, vous réduisez par deux le coût de production. C’est le principe qu’ont appliqué les Chinois. En 15 ans, ils ont réussi à atteindre de très gros volumes et à baisser drastiquement le coût du panneau, si bien que l’énergie photovoltaïque est devenue l’énergie la plus compétitive du marché. »

Il faut donc se rendre à l’évidence, ce passage à l’échelle est une question de survie. Et pour y arriver, il n’y a qu’une seule solution : faire comme les fabricants chinois, c’est-à-dire construire des giga-usines solaires ayant des capacités de production au moins dix fois supérieures.

C’est un sujet que nous avions déjà abordé il y a un an, au sujet de CARBON, dont la future giga-usine de Fos-Sur-Mer sera opérationnelle en 2026, emploiera 3 000 personnes et produira 5 GW par an de cellules photovoltaïques (et 3,5 GW de modules).

Mais à l’instar de CARBON, plusieurs projets de giga-factories devraient voir le jour dans les prochaines années en France et ailleurs en Europe. Le consortium Holosolis a ainsi récemment annoncé la construction d’une autre giga-usine de 5 GW de capacité annuelle. L’usine, basée dans la Région Grand Est, sera opérationnelle en 2025, alimentera les marchés français et européen et emploiera 1 700 personnes.

Mais l’Europe n’aura pas à attendre 2025 pour voir apparaître les premières giga-usines, puisque, grâce à un financement de 560 millions d’euros de la BEI et d’un consortium bancaire italien, l’usine sicilienne 3SUN devrait multiplier sa production par 15 d’ici fin 2024, en passant de 200 MW de capacité actuellement à 3 GW.

Autant de projets qui, s’ils aboutissent, permettront donc de développer une vraie filière européenne d’énergie solaire, capable de répondre aux ambitions de la Commission européenne : atteindre une puissance de solaire installé de 600 GW d’ici 2030.

Nos besoins en cellules et modules solaires sont ainsi amenés à croître considérablement si nous voulons respecter nos objectifs climatiques. Dans un article de 2023, Simon Perraud, directeur adjoint de l’institut Liten du CEA, expliquait que pour atteindre 200 GW de capacités photovoltaïques en France d’ici 2050, il faudra « ajouter 6 GW de capacités photovoltaïques par an, entre maintenant et 2050 ».

La concurrence chinoise menace-t-elle de tuer dans l’œuf ces projets de giga-factories ?

Ces giga-projets sont certainement la bonne solution, car il est urgent d’accélérer la massification de notre production solaire et de réduire notre dépendance face aux panneaux chinois. En attendant que ces usines sortent de terre, la situation actuelle semble faire le jeu de la Chine et des États-Unis et d’autres fermetures d’usines sont malheureusement à craindre.

Néanmoins, l’Europe a déjà préparé sa riposte puisque le récent règlement pour une industrie « zéro net » (Net-Zero Industry Act) prévoit que 40 % des besoins en technologies vertes soient produits en Europe d’ici 2030.

Un protectionnisme à l’européenne qui s’avère donc nécessaire et devrait, on l’espère, permettre de rassurer les investisseurs désirant investir dans ces giga-usines, sur notre capacité à conquérir une industrie d’avenir, déjà considérée comme hautement stratégique.

Pour aller plus loin

Posté le par Arnaud Moign


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