Quelle température règne au centre de la Terre ? Pour le savoir, difficile d’aller faire la mesure in situ. Il existe donc des modèles théoriques qui prédisent cette valeur.
Pour vérifier cette prédiction, les scientifiques disposent de deux techniques expérimentales permettant de chauffer des particules de fer à très haute pression, de façon à se rapprocher des conditions réelles présentes au cœur de la Terre : la mise sous choc et les enclumes diamant.
La première approche a déjà donné des résultats cohérents avec les valeurs théoriques, mais les mesures utilisant des enclumes en diamant avaient échoué. « La diffraction X n’était pas assez mûre pour permettre des mesures aussi rapides. Dans notre cas, l’échantillon évolue très vite et la fusion peut se produire en quelques secondes.
On ne peut pas se permettre d’avoir des temps d’acquisition de plusieurs minutes » explique Agnès Dewaele, Ingénieure chercheur au CEA. Pour pouvoir suivre l’expérience en direct, il aura donc fallu patienter. Jusqu’à ce travail mené conjointement par des chercheurs du CEA, du CNRS et de l’ESRF.
Cette fois, les scientifiques ont choisi de travailler sur la ligne de lumière ID27 de l’ERSF, spécialisée pour les expériences dans les très hautes pressions et utilisant un chauffage laser. Le dispositif de diffraction X comportait deux onduleurs croisés, un monochromateur puis deux miroirs K-B permettant de focaliser le faisceau pour finalement avoir une taille de faisceau de 2-3 microns à la surface de l’échantillon.
Les micro-grains de fer ont été chauffés grâce à deux laser infrarouges Yag.
« Nous avons utilisé deux laser pour assurer une température homogène dans toute l’épaisseur de l’échantillon.
Nous nous sommes rendus compte que si nous n’utilisions qu’un seul laser, les diamants qui ont une forte conductivité thermique créaient une forte déperdition de chaleur et nous nous retrouvions avec un côté froid » précise Agnès Dewaele.
L’échantillon baigne dans du sel, un milieu transmetteur de pression, et est comprimé entre les deux diamants. Ainsi, les chercheurs ont pu imposer une pression de 2.2 millions d’atmosphères puis chauffer le fer.
Les clichés de diffraction X passant de spots très piqués à des spots très larges en même temps que le fer passe de l’état solide à l’état liquide, la température de fusion est nettement identifiable.
Pourquoi la température de fusion du fer ? Parce qu’on estime que proche du noyau terrestre la température doit être proche de la température de fusion.
Une fois cette mesure réussie, il ne restait plus qu’à l’extrapoler à la pression existant au niveau du noyau, soit 3.3 millions d’atmosphères.
« Nous avons essayé de monter plus haut en pression et de chauffer plus notre échantillon. Malheureusement, sous la pression l’échantillon devient tellement fin qu’il rentre presque en contact avec les diamants.
Toute la chaleur est dissipée dans les enclumes » regrette Agnès Dewaele. L’équipe a quand même réussi à déterminer que la température à la surface du noyau est de 3800°C et de 5200°C à la limite noyau/graine.
Grâce à cette mesure par diffraction des rayons avec des enclumes diamants, les deux techniques expérimentales et la théorie convergent.
« Pour la première fois nous obtenons un bon accord entre les trois approches. C’est très satisfaisant d’autant que nous pouvons ainsi donner aux géophysiciens une valeur fiable pour leurs modèles » se félicite Agnès Dewaele.
Par Audrey Loubens, journaliste scientifique