La mobilisation s’accentue en France pour aboutir à un accord qui créerait de nouvelles Aires Marines Protégées dans l’Est de l’Océan Austral dans le cadre de la Convention pour la conservation de la faune et de la flore marine de l’Antarctique (CCAMLR). Le 12 mars, la députée Frédérique Tuffnell (Modem) a réuni des chercheurs, des diplomates et des députés pour faire avancer le dossier qui patine depuis 10 ans. La zone de protection marine proposée pour l’Antarctique de l’Est protégerait 950 000 km². Une Aire Marine Protégée (AMP) constituée de trois zones disjointes pour protéger des « écorégions » essentielles.
La première AMP établie par la CCAMLR est celle du plateau sud des îles Orcades du Sud, créée en 2009. Elle couvre 94 000 km². Elle a été suivie en 2016 par l’AMP de la région de la mer de Ross. Son aire couvre pour sa part 2,09 millions de km². Mais depuis 10 ans, le projet d’aire marine protégée dans l’est de l’Océan Austral avance peu, regrette Olivier Poivre d’Arvor, nouvel ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes. « L’affaire n’est pas simple, deux pays ne permettent pas le consensus : la Russie et la Chine », explique-t-il. 2021 est l’année ou jamais pour les faire plier. Pour y parvenir, il faudra que la France, qui prendra la présidence de la prochaine réunion du Traité sur l’Antarctique à Paris, en juin, s’implique vraiment au plus haut niveau de l’État. Les experts espèrent que la réunion de la CCAMLR qui se tiendra fin octobre puisse se tenir en présentiel. Car « l’argument russe est que l’on ne peut pas traiter les grands sujets en visioconférence », avance Olivier Poivre d’Arvor.
L’Océan Austral : des écosystèmes fragiles et menacés
L’Océan Austral entoure l’Antarctique. Ses eaux glaciales abritent des milliers d’espèces et jouent un rôle crucial pour la santé de l’océan à l’échelle mondiale. « L’Océan Austral absorbe près de 75 % de la chaleur excédentaire stockée par l’océan global et séquestre plus ou moins 35 % de CO2 en surplus dans l’atmosphère, partage la député Frédérique Tuffnell. C’est le principal accumulateur de chaleur et de puits de carbone de la planète ». Indispensable, mais fragile et menacé.
En particulier, le courant circumpolaire est responsable du maintien de la biodiversité marine dans le monde entier grâce à sa dispersion des nutriments et le krill de l’Antarctique. « Le krill est l’un des maillons centraux de l’écosystème antarctique, rappelle Sara Labrousse, chercheuse au Laboratoire d’Océanographie et du Climat (Sorbonne-Université/CNRS). Il est de plus en plus convoité par la pêche, alors que l’on connaît encore mal son intérêt pour tous les écosystèmes. »
Déployer un réseau d’aires marines protégées cohérent
Les deux principales menaces qui pèsent sur l’Océan Austral sont ainsi l’exploitation humaine des ressources, notamment la pêche, et les changements globaux. « Les AMP ont vocation à permettre la résilience des organismes soumis aux changements globaux », explicite Marc Eléaume, biologiste marin et représentant scientifique pour la France à la CCAMLR.
L’océan Austral abrite des milliers d’espèces rares et sert d’habitat à des millions de manchots Adélie et empereurs. Mais le recul de la banquise entraîne des surmortalités de poussins. Ainsi, le réchauffement climatique risque de faire chuter les populations. « Le but des AMP est de mettre en place un réseau qui va présenter l’ensemble des écorégions pélagiques et benthiques de l’Antarctique, explique Sara Labrousse. Si l’on prenait en compte les AMP suggérées, on n’aurait que 10 % de représentation de ces écorégions, donc c’est vraiment le minimum du minimum pour préserver cette biodiversité en Antarctique. »
Deux autres propositions d’AMP font aussi l’objet de négociations au sein de la CCAMLR. La première, présentée par l’Union européenne en 2016, se trouve dans la mer de Wedell et s’étend sur 1,8 million de kilomètres carrés. L’autre, portée par le Chili et l’Argentine depuis 2018, se trouve dans l’ouest de la péninsule antarctique et s’étend sur environ 650 000 kilomètres carrés.
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