L’Energy Observer, un navire énergétiquement autonome grâce à des énergies renouvelables, a levé l’ancre mercredi 28 mars du port de Marseille pour un tour de la Méditerranée avant de se lancer sur les mers du monde. Son épopée a vocation à préfigurer le modèle énergétique de demain et à ramener de ses différentes escales les retours d’expériences des projets innovants en matière d’énergie et d’environnement rencontrés à travers le monde.
Un laboratoire flottant
L’Energy Observer a beau être un bijou de technologie ultra-moderne, ce catamaran a déjà une belle histoire comme le raconte à Techniques de l’Ingénieur son fondateur Victorien Erussard : « C’est un bateau emblématique qui a remporté le record du tour du monde à la voile en 1994 lorsqu’il était piloté par Sir Peter Blake. Depuis, il était plus ou moins en sommeil, et nous avons décidé de le racheter pour lui donner une seconde vie ». Le navire n’a plus grand chose à voir avec sa première version. Il a été refait de fond en comble pour l’alléger et le transformer afin d’en faire un laboratoire d’énergies renouvelables sur eaux. « C’est une sorte de Solar Impulse des mers », s’amuse son capitaine, en référence à l’avion propulsé uniquement par des panneaux photovoltaïques.
Energy Observer fonctionne en effet avec deux moteurs électriques (un à babord, l’autre à tribord) alimentés par 120 m² de panneaux solaires issues de trois technologies (conformable, bifaciale et avec un revêtement antidérapant) cumulant 21 kWc. Le vent ne pousse pas de voile, mais fait tourner deux éoliennes à axe vertical muni d’un système antivibratoire d’1 kW chacune. Enfin, les deux moteurs produisent également de l’électricité par hydrogénération de 2x2kW. Deux systèmes de stockage viennent compléter l’ensemble pour pallier à l’intermittence : des batteries de puissance lithium-ion de 400 V/106 kWh et 8 réservoirs à hydrogène cumulant 62 kg en charge pleine. Le tout est piloté par un système de monitoring en temps réel qui gère et optimise les flux énergétiques.
Le problème, c’est la vitesse
Le concept a déjà été éprouvé et il a montré qu’il fonctionnait lors des 4 000 miles nautiques déjà parcourus au large de la France en 2017. « Nous avons à cette occasion pu tester les systèmes en conditions réelles et avons depuis éliminé les défaillances techniques qui apparaissent toujours lorsque l’on passe des phases de tests en laboratoire à la réalité. Aujourd’hui nous sommes prêts », indique Victorien Erussard, qui a reçu le concours notamment de l’Institut national énergie solaire (INES) et du CEA-Liten. « Nous avons d’ores et déjà atteint notre objectif de l’autonomie énergétique, mais nos vitesses restent relativement faibles, de l’ordre de 4 à 5 nœuds. Pour démontrer que notre concept peut être répliqué à une échelle commerciale, il nous faut atteindre le double, ce qui représente un enjeu considérable ». En effet, le besoin d’énergie grimpe de manière exponentielle à mesure que la vitesse augmente : NRJ nécessaire = vitesse au carré.
Sensibiliser et apprendre
Lors de son voyage en Méditerranée, puis autour du monde, l’Energy Observer va faire plus d’une centaine d’escales dans 50 pays pour sensibiliser la population mondiale aux problématiques de changement climatique et d’énergies renouvelables. Des tentes seront montées à chaque point d’arrêt pour présenter le projet et les réseaux sociaux seront massivement mis à contribution pour faire partager le quotidien de l’équipage d’une petite quinzaine de personne. Parmi eux, Jérôme Delafosse, chef d’expédition, réalisera des documentaires sur le navire, mais aussi sur les projets innovants en matière de transition énergétique rencontrés à travers le monde. Car l’Energy Observer compte bien continuer à promouvoir un nouveau modèle énergétique : « En, mer nous avons autant besoin de soleil que de vent, des batteries que de l’hydrogène. Il en va de même sur terre. Les énergies alternatives et les moyens de stockage sont complémentaires et nous devons apprendre à les faire fonctionner ensemble : il n’y a pas une seule solution contre le réchauffement climatique, mais une multitude de possibilités », conclue Victorien Erussard.
Romain Chicheportiche
Oui peut être un luxe, mais qui augmente l’autonomie et dans certaines circonstances permet de se détourner ou d’accélérer pour éviter du mauvais temps.
Dans le cas de l’ancien Planet Solar, aujourd’hui Race for Water, le principe est d’utiliser le trop plein de production solaire dans les périodes de standby et de le transformer en hydrogène, utilisable plus tard selon les besoins.
Certes le rendement de la production d’hydrogène n’est pas optimal, mais cette énergie solaire est perdue dans tous les cas lorsque le navire ne se déplace pas.
Le bateau sert de laboratoire pour des fabricants, Sky Sail pour le Kite, et Swiss Hydrogène.
Le but premier de Race for Water est de servir de vecteur à la partie Act de la fondation pour la recherche sur des solutions à la pollution plastique dans les pays visités.
Avec seulement 21 kW de solaire PV (soit 2,7 kW de disponible sur 24H avec un facteur de charge de 13% en moyenne en France), il va être contraint de faire de longues pauses dans les ports pour recharger les bouteilles d’H2 (rendement d’un cycle = environ 25%). Il faut les intégrer à la vitesse moyenne du bateau.
Hydrogène ou batterie, qui pèse le plus lourd ?
La Toyota Mirai a un système hydrogène qui pèse 350 kilos pour 500 kilomètres autonomie. La Tesla S a une batterie qui pèse 540 kilos pour 485 kilomètres d’autonomie. L’avantage massique de la solution hydrogène est marginal. Les deux véhicules sont équipé d’un moteur électrique de masse équivalente.
Dans le détail la Toyota Mirai a une batterie NiMH de 30 kg, une pile à combustible de 230 kg, un réservoir H2 de 92 kg pour 5kg d’H2 (5 kg de H2 x 34 kWh/kg x 45% de rendement = 76 kWh d’électricité utile), total de 350 kg. Tesla S : batterie de 75 kWh pesant 540 kg.
Le navire électro-solaire « Planet Solar » possède 537 mètres-carrés (93,4 kW) de panneaux solaires qui permettent de naviguer à la vitesse de 5 nœuds, soit 9 km/h ceci avec une puissance moyenne de 20 kW pour rester en régime d’autonomie, et ceci même si le bateau dispose de 2×60 KW de puissance motrice. L’énergie emmagasinée permet, grâce aux 750 kWh de batteries d’ancienne génération de disposer d’une autonomie de 300 kilomètres (60 heures à 5 km/h) et de naviguer de jour comme de nuit. Cela a suffit pour faire le tour du monde. Les batteries pèsent 7,4 tonnes. Elles datent d’avant 2010; celles d’aujourd’hui pèsent bien moins lourd.
Planet Solar s’est équipé dans en second temps d’un système hydrogène de 6,5 tonnes permettant de délivrer 2500 kWh d’électricité (200 kilos d’hydrogène x 34 kWh/kg x 37% de rendement) et ainsi multiplier par 3,3 l’autonomie du bateau (8 jours à 5 km/h).
Une telle autonomie n’est pas indispensable, elle relève du luxe.
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