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Energo entreprise France injecte gaz de synthèse dans le réseau

Interview

Energo : la première entreprise en France à injecter du gaz de synthèse dans le réseau

Posté le par Nicolas LOUIS dans Matériaux

La start-up Energo développe un nouveau catalyseur de méthanation capable de transformer du CO2 en méthane. L'entreprise vient de tester avec succès un démonstrateur semi-industriel qui a permis l'injection de méthane de synthèse dans le réseau de distribution de gaz. Entretien avec Vincent Piepiora, son fondateur.

En 2017, après dix années de travail chez Total, Vincent Piepiora décide de reprendre contact avec son ancienne école, Chimie ParisTech – PSL. Ses anciens professeurs lui présentent un nouveau catalyseur de méthanation capable de transformer du CO2 en méthane. Grâce à son expérience dans le domaine de l’énergie et du gaz, Vincent Piepiora est convaincu du potentiel de cette technologie. L’année suivante, il crée la start-up Energo avec l’ambition de développer le procédé puis de le commercialiser. Cet été, l’entreprise, qui compte à présent 8 salariés, vient de franchir une nouvelle étape en étant la première entreprise en France à injecter du gaz de synthèse dans le réseau gazier. Rencontre avec Vincent Piepiora, le fondateur et président d’Energo.

Techniques de l’Ingénieur : Présentez-nous la technologie développée par votre entreprise.

Vincent Piepiora, fondateur et président Energo
Vincent Piepiora, le fondateur et président d’Energo. Crédit Energo

Vincent Piepiora : Elle consiste à combiner une catalyse hétérogène classique, un procédé très répandu depuis plus de 100 ans pour fabriquer des molécules ou divers produits et qui fonctionne grâce à des catalyseurs dont la fonction est d’accélérer une réaction chimique, avec un plasma froid de type DBD (Dielectric Barrier Discharge). Ce dernier correspond à un état de la matière où l’on excite un gaz en l’ionisant grâce à un bombardement d’électrons à très faible puissance.

Au début de la création de l’entreprise, la technologie était encore au stade du laboratoire et transformait seulement une dizaine de litres de CO2 par heure. Il nous a fallu un an et demi de prototypage pour parvenir à une maîtrise suffisante nous permettant de concevoir un premier prototype démonstrateur semi-industriel en 2019. La principale difficulté de ce changement d’échelle a été de concevoir toute l’ingénierie électrique, mécanique, et l’écoulement des fluides pour fabriquer une cellule catalytique fonctionnant dans un environnement industriel.

Comment avez-vous testé votre démonstrateur ?

Depuis 2020, nous avons commencé à le construire sur une exploitation agricole située dans l’Oise et qui possède une unité de méthanisation. Notre démonstrateur vient capturer le CO2 présent dans le biogaz et l’associe avec de l’hydrogène produit sur place à l’aide d’un électrolyseur afin de fabriquer du méthane. À partir de 2021, nous avons mené des campagnes d’essai qui se sont finalisées cet été par l’injection du méthane de synthèse dans le réseau gazier. Les gaz de synthèse ne bénéficient d’aucun droit à l’injection. Nous avons obtenu une autorisation d’injection à titre expérimental du gaz produit, en association avec une équipe de GRT gaz et GRDF. Cette expérimentation nous a permis de valider la robustesse de notre technologie et son rendement. Ce démonstrateur transforme 2,5 m³ de CO2 par heure, pour une puissance de 30 KW de méthane.

Démonstrateur semi-industriel construit sur une exploitation agricole
Le démonstrateur semi-industriel construit sur une exploitation agricole située dans l’Oise, possède une unité de méthanisation. Crédit Energo

Quels sont les avantages de votre procédé ?

Notre technologie fonctionne à pression atmosphérique et à basse température (autour de 200 degrés), il est donc plus facile de dimensionner des équipements industriels, car il y a moins de contraintes, notamment sur le plan réglementaire. Le coût d’investissement et d’exploitation est aussi moins important.

Ensuite, étant donné que nous n’avons pas besoin de chauffer, le rendement global de notre procédé est toujours très important, avec une consommation d’énergie inférieure à 1 % comparée celle produite. Dans le cas de la méthanation, nous sommes au-delà de l’équilibre thermodynamique, avec un taux de conversion supérieur à 95 %.

Le procédé possède une meilleure sélectivité qu’une méthanation hétérogène classique puisqu’il produit quasiment uniquement du méthane, à 99,7 % pour être précis ; cela signifie qu’il n’y a pas de sous-produits qu’il serait nécessaire de séparer. Notre procédé est aussi insensible à la plupart des polluants, comme l’oxygène, l’humidité ou les COV (composés organiques volatils) ; il n’y a donc pas besoin de purifier le gaz à l’entrée.

Les catalyseurs ont un volume entre 70 à 100 fois plus petit que ceux actuellement employés dans l’industrie. Il s’agit d’un point très important, car des métaux plus ou moins nobles sont souvent utilisés pour fabriquer les catalyseurs. Étant donné que le réacteur est très petit, le coût de remplacement des catalyseurs est entre 70 et 100 fois plus faibles.

Enfin, le démarrage est quasi immédiat puisque dès qu’on allume le plasma, la réaction se fait dans la seconde.

Quels sont vos débouchés futurs de commercialisation de votre technologie ?

L’expérimentation que nous venons de réaliser avec le démonstrateur de méthanation a uniquement pour vocation de démontrer la validité de la technologie. D’un point de vue économique, transformer de l’électricité en hydrogène puis en méthane n’est pas rentable. Avec notre procédé de méthanation, notre objectif est de valoriser des déchets plastiques ou des déchets bois, en associant notre technologie à de la pyrogazéification, qui permet de produire du syngaz, un mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène, à partir duquel nous pouvons ensuite fabriquer du méthane.

Depuis un an, notre équipe s’est renforcée et compte de brillants chercheurs. En plus du méthane, nous travaillons à la fabrication d’autres molécules d’intérêts. Par exemple, sur des sites produisant du biogaz, notre technologie pourra également produire des biocarburants, comme du biométhanol, et d’autres biocarburants liquides.

Nous sommes aussi capables de transformer l’ammoniac, qui sera dans les 10 prochaines années, un vecteur pour le transport d’hydrogène. Dans le futur, ce gaz sera probablement fabriqué à bas coût dans des endroits du monde où l’ensoleillement est très élevé, comme dans le Sahara. Pour le transporter facilement jusqu’en Europe, l’hydrogène sera transformé en ammoniac puis acheminé sur notre continent. Grâce à notre technologie, nous pourrons gazéifier cet ammoniac en hydrogène à faible coût.

En début d’année prochaine, nous allons construire d’autres démonstrateurs pour démontrer la validité de notre technologie avec ces nouvelles molécules.

Pour aller plus loin

Posté le par Nicolas LOUIS


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