Certains verront le verre d’eau à moitié plein, d’autres à moitié vide.
En maintenant l’objectif de réduire de 71,6% à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité en France entre 2017 et 2035, la PPE a acté une montée en puissance du développement des énergies renouvelables pour les dix prochaines années.
« Nous faisons le choix de développer des technologies fiables, éprouvées et compétitives, comme l’éolien terrestre et posé en mer, et le solaire photovoltaïque, qui ont des coûts de plus en plus proches des prix de marché », a confirmé François de Rugy.
Les objectifs affichés sont :
- des investissements en augmentation (passage de 5 milliards d’euros cette année à 8 milliards dès 2019) ;
- des simplifications réglementaires dans l’éolien ;
- une hausse de l’éolien terrestre, de 11GW en 2017 à 24,6GW en 2023 puis 35GW en 2028 ;
- le solaire – 7GW aujourd’hui – en augmentation à plus de 20GW en 2023 pour dépasser les 40GW en 2028 ;
- l’éolien offshore – absent pour le moment en France – programmé à 2,4GW en 2023 et à 5GW en 2028.
L’objectif global affiché est de passer de 17% d’électricité renouvelable en 2017 (48,6GW installés) à 40% en 2030 (105GW installés).
Miser sur les atouts existants
Comme annoncé, on assiste à un resserrage des efforts autour des technologies renouvelables matures pour atteindre ces objectifs. Le secteur de l’hydrolien fait partie des grands perdants de cette décision : la France possède pourtant les potentiels géographique et industriel qui pourraient en faire un acteur compétitif sur ce marché spécifique.
Le hic est que du côté des « gagnants » – les filières solaire et éolienne – le verre d’eau n’est pas si plein. Si les objectifs de la PPE sur ces énergies constituent une feuille de route solide et qu’on pourrait qualifier de relativement ambitieuse, on est loin de se diriger vers l’exploitation de la capacité totale française, estimée à 54% de renouvelables dans le mix total en 2030. Comme dit plus haut, la PPE ambitionne 40%. Certains voient ainsi la PPE comme un plafond de verre. C’est le verre à moitié vide.
Mais il y a plus inquiétant. La plus mauvaise nouvelle pour le secteur renouvelable dans ce PPE se trouve peut-être du côté… de l’atome. En effet, le choix de ne fermer aucun site nucléaire afin de « ne pas déstabiliser les territoires et permettre la construction de nouveaux réacteurs lorsqu’ils seraient décidés », dixit François de Rugy, n’augure rien de bon pour le secteur des renouvelables à moyen terme.
Le plafond de verre ?
En effet, une montée en puissance massive des énergies renouvelables dans le mix électrique doit s’accompagner de l’intégration dans le réseau électrique d’outils de flexibilité, de stockage, de smart grids… Le PPE ne prévoit pas d’investissements massifs à ce niveau, plafonnant de fait les ambitions potentielles de tout le secteur.
C’est le paradoxe français. Beaucoup de pays européens s’inscrivent aujourd’hui dans une trajectoire 100% renouvelable sur le moyen/long terme. C’est cette ambition qui guide leur transition énergétique.
En France, la situation est différente, parce que l’énergie nucléaire constitue l’ « ingrédient » de base de notre mix électrique : c’est lui qui a permis à la France d’être quasi autonome dans sa production électrique et d’être compétitif sur le prix de vente de son électricité depuis plusieurs décennies.
C’est toujours vrai aujourd’hui, mais moins qu’hier. Et sûrement beaucoup moins que demain.
Ce qui est vrai également, c’est que l’industrie nucléaire est un fleuron français, qui croit en sa capacité à innover pour retrouver de la compétitivité, en France et dans le monde, au-delà d’une image impossible à rénover.
Impossible pour la France de miser en même temps sur le nucléaire et les renouvelables et de gagner des deux côtés, la compétition est trop dure.
Si on sait aujourd’hui que la France ne gagnera pas la bataille des renouvelables d’ici 2028, il sera très important de ne pas trop la perdre. C’est aussi le sens de la PPE pour les 10 ans à venir.
Cet article se trouve dans le dossier :
L’horoscope 2019/2028 du mix électrique français
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Dans les ressources documentaires
- Intermittence des énergies renouvelables et mix électrique
- Électricité : intermittence et foisonnement des énergies renouvelables
- Systèmes de stockage d’énergie associés aux énergies renouvelables
- Stratégies d'évolution du mix électrique français
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