Timidement, les géants de l’énergie se branchent sur la Blockchain. Outre-Rhin, le conglomérat RWE s’est associé avec la start-up Slock.it qui a levé plus de 150 millions de dollars. Baptisé Blockcharge, ce projet consiste à développer de nouvelles bornes de rechargement électrique de véhicules. Grâce à la Blockchain, la borne calculerait automatiquement l’électricité fournie dès que le conducteur quitterait la place de stationnement. Chaque personne qui souhaite bénéficier de ce service, souscrit à un contrat et rejoint la communauté. Il est équipé d’un « smart plug », à brancher sur n’importe quelle prise et permettant ainsi d’activer son « smart contract ». C’est un contrat numérique reposant sur la technologie blockchain qui permet de contrôler les engagements de chaque partie.
Il présente trois avantages : la sécurité des transactions, la réduction des coûts de vérification et d’exécution du contrat, et l’absence d’intermédiaire physique.
Enfin, grâce au « smart plug » et une application smartphone l’utilisateur peut recharger sa voiture partout en ne payant que l’électricité consommée.
En France, Engie mène des expérimentations, dans l’Yonne, concernant en particulier la traçabilité des flux. Des compteurs d’eau connectés peuvent déclencher automatiquement l’appel d’un dépanneur en cas de fuite, grâce à des « smart contracts ». Une fois exécutée, cette intervention est immédiatement répertoriée dans la chaîne de blocs.
Mais comme pour le Bitcoin, des particuliers n’ont pas attendu la concrétisation des projets de grande envergure. Ils ont adopté cette solution pour s’acheter et vendre de l’électricité. C’est le cas du projet TransActive Grid développé par deux entreprises : Lo3 Energy, qui développe des réseaux d’énergie solaire, et ConsenSys, spécialisée dans le Bitcoin. Inauguré à Brooklyn début 2016, ce réseau local et autonome est composé de cinq maisons de « producteurs » qui vendent à cinq foyers « consommateurs ». Ces particuliers peuvent ainsi gérer eux même leur consommation d’électricité grâce à des transactions légales, sécurisée et monétisées.
Centrale électrique virtuelle
Des capteurs mémorisent l’historique de la création énergétique à un point précis, et l’enregistre aussitôt sur la Blockchain Ethereum, une cryptomonnaie un peu moins connue que Bitcoin. Des « smart contracts » peuvent ensuite régir les règles d’utilisation de cette énergie, et les tarifs des producteurs. Avec cette solution, ils n’ont plus besoin de passer par un distributeur local. Même concept aux Pays-Bas où Vattenfalls teste l’échange d’électricité entre quelques-uns de ses clients. Au Québec, PowerStream a développé la première centrale électrique virtuelle gérée par des habitants d’un quartier au Canada. Grâce à une technologie novatrice, le projet pilote permet à une vingtaine de résidents de stocker l’énergie produite par des panneaux photovoltaïques sur leur maison. Les clients peuvent « déplacer » une portion de l’énergie produite dans le réseau et ainsi diminuer leur facture d’électricité.
Nous n’en sommes pas encore là en France. L’ordonnance de juillet 2015 concernant l’autoconsommation n’autorise les échanges d’électricité qu’entre producteurs et consommateurs reliés à un même point de basse tension, autrement dit, à l’intérieur d’un immeuble ou d’un lotissement. Bouygues, Energisme, Stratum et Microsoft devraient lancer une expérimentation (reposant sur l’énergie photovoltaïque) cette année à Lyon Confluence. Ce serait un peu l’équivalent au projet de Brooklyn.
« Nous voulons permettre aux habitants d’un écoquartier de bénéficier d’une énergie d’origine locale certifiée, provenant des panneaux photovoltaïques du voisinage. Nous espérons pouvoir équiper un immeuble début 2017 à Lyon et puis dans d’autres écoquartiers en France dès que le pilote aura démontré toutes ses possibilités », précise Olivier Sellès, responsable innovation et smart city de Bouygues Immobilier.
Cadre réglementaire et juridique
Malgré ces initiatives séduisantes, « à l’heure actuelle, il n’est pas encore possible d’affirmer si la Blockchain parviendra ou non à s’imposer dans le secteur de l’énergie. Cette question ne dépend pas uniquement des possibilités techniques du système, mais aussi, et surtout du cadre réglementaire et juridique, de l’évolutivité de cette technologie et de sa résilience, ainsi que de la rentabilité des investissements », indique Pascale Jean, associée responsable du secteur énergie chez PwC.
La régulation et l’économie de marché sont les deux principaux écueils au développement de projet reposant sur la Blockchain. Les experts de PwC soulignent que, « dans un réseau transactionnel de type Blockchain, il convient de déterminer qui est l’opérateur de points de mesure, qui détient un agrément en tant que fournisseur d’électricité et qui est responsable d’équilibre. Par ailleurs, un système de transactions d’énergie reposant sur la Blockchain soulève des problèmes en termes de responsabilité, notamment vis-à-vis du périmètre d’équilibre ».
Ce secteur a seulement lancé quelques projets. Pas de quoi enflammer les ardeurs…
Philippe Richard
Cet article se trouve dans le dossier :
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