Les scientifiques islandais développent un système de minéralisation du dioxyde de carbone. Cette technique, qui séduit la communauté scientifique, permet d'accélérer un processus que la nature met plusieurs millénaires à effectuer.
Les scientifiques islandais expérimentent une nouvelle façon de limiter les émissions de CO2 dues aux activités humaines. Pour cela, ils captent le CO2 en sortie des usines pour le stocker dans de la roche. Nommée CarbFix, l’expérimentation est menée par des chercheurs basés dans le massif volcanique Hengill, non loin de Reykjavik, la capitale du pays. Plus précisément, il est question d’injecter le dioxyde de carbone dans du basalte, une roche très poreuse. Une telle opération mènerait alors à la pétrification du CO2.
La séquestration du dioxyde de carbone est un phénomène qui existe dans la nature, mais qui est très lent. L’opération peut effectivement prendre des millénaires. C’est sur ce point que les scientifiques ont réalisé une prouesse technique : ils ont recréé ce processus en seulement deux ans. « Grâce à cette méthode, nous changeons radicalement l’échelle du temps », déclare la géologue Sandra Ósk Snaebjörnsdóttir. De son côté, le géochimiste Sigurdur Gislason, participant à l’essai pilote, se félicite des résultats obtenus. Interrogé par l’AFP, il explique qu’« il s’agit de la forme la plus stable et sécurisée de stockage du CO2 ».
Minéraliser le CO2 : une piste sérieuse
La solution islandaise serait très avantageuse et efficace car une fois stocké, le CO2 ne pourrait pas s’échapper du basalte. Une autre option possible pour stocker le CO2 aurait été de l’envoyer au fond des océans. Dans ce cas, le dioxyde de carbone pourrait également se pétrifier, mais le processus prendrait plusieurs centaines d’années. Or, le temps presse. C’est pourquoi le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prône le développement du stockage du CO2 dans les sous-sols terrestres pour espérer limiter le réchauffement climatique à +1,5°C maximum d’ici à 2100.
Depuis 2007, des ingénieurs de Reykjavic Energy et des chercheurs du CNRS, ainsi que des universités de Columbia et d’Islande, travaillent de pair pour mener à bien ce projet. Le dioxyde de carbone que ces scientifiques ont réussi à stocker dans le basalte provient de la centrale géothermique de Hellisheidi, au sud-ouest de l’Islande. Il a été acheminé via des pipelines jusqu’au massif de Hengill. Le CO2 est alors dissous dans de l’eau, puis injecté dans du basalte enfoui à un kilomètre de profondeur. C’est la réaction chimique entre le gaz et le calcium, le magnésium et le fer contenus dans le basalte, qui permet de parvenir à la solidification du CO2. Une fois le processus terminé, les petits cristaux calcaires blancs apparaissent dans le basalte sombre, preuve du succès de l’opération.
Quelques ombres viennent cependant ternir le tableau. Bien qu’ingénieuse, cette solution est très gourmande en eau. En effet, pour injecter dans la roche une tonne de CO2, il faut utiliser 25 tonnes d’eau désalinisée. De plus, en l’état actuel, cette solution de séquestration géologique du CO2 ne permet pas d’être considérée comme une option d’envergure pour lutter contre le dioxyde de carbone. Aujourd’hui, CarbFix permet de diminuer de 30 % les rejets de CO2 dans l’atmosphère de la centrale géothermique. Mais ces 12.000 tonnes de dioxyde de carbone enfouies dans le basalte sont encore dérisoires, ne serait-ce que par rapport aux émissions annuelles des volcans islandais. Chaque année, ils émettent jusqu’à deux millions de tonnes de CO2.
Le basalte est très limité pour le stockage dans le monde. Mais les entreprises captant le CO2 de l’air (DAC – direct air capture) se multiplient et des fonds en augmentations s’y investissent. Cà devient de plus en plus économiquement intéressant pour produire du carburant quasi neutre (pour avions, navires etc) comme l’estime Carbon Engineering entre autres qui a participé à réduire les prix (moins de 1 $ le litre une fois à l’échelon industriel selon plusieurs études du secteur), ce qui les rend compétitifs par rapport aux biodiesels. C’est en effet plus rentable sous cette forme que le captage destiné au seul stockage géologique qui coûte et ne rapporte rien ! Par contre çà ne supprime pas totalement quelques autres pollutions liées à la combustion du carbone et le rendement peu élevé des moteurs thermiques et autres réacteurs de l’aviation, mais çà permet l’usage des technologies et réseaux actuels sans modifications, l’indépendance énergétique, et à partir d’énergies renouvelables un bien meilleur bilan que l’utilisation d’énergies fossiles. Des unités de captage entre 1 et 2 millions de tonnes de C02 captées par an sont envisagées (à comparer à quelques 41 milliards de tonnes de C02 émis par an dans le monde). C’est donc une approche qui a ses limites mais préférable à l’usage direct des énergies fossiles.
https://carbonengineering.com/about-dac/
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