Une étude publiée dans la revue Nature révèle que les espaces forestiers de cinq pays d'Afrique centrale sont exposés à la fois aux risques liés aux activités anthropiques et au changement climatique. Après une analyse de données inédite, une équipe de scientifiques préconisent des actions spécifiques et conjointes.
L’avenir des forêts tropicales d’Afrique centrale est menacé par le réchauffement climatique et les activités humaines. Selon une étude internationale, coordonnée par le Cirad et l’IRD et publiée dans la revue Nature, plusieurs chercheurs préconisent que des actions soient menées « au-delà des frontières nationales » pour la préservation des écosystèmes qui les composent. Afin d’aider à la mise en place des mesures de préservation, ces derniers ont réalisé une cartographie inédite de la vulnérabilité au changement climatique et aux pressions anthropiques à l’horizon 2085. Ces prévisions ont été faites en tenant compte des scénarios du Giec et de l’ONU.
Pour cela, ces scientifiques ont analysé un jeu de données exceptionnel dans lequel sont répertoriés 6,1 millions d’arbres dans plus de 185 000 parcelles. Elles sont réparties dans cinq pays : Cameroun, Gabon, République du Congo, République démocratique du Congo et République Centrafricaine. Les scientifiques ont ainsi mis en évidence les caractéristiques des végétaux et ont conclu qu’ils forment dix types d’espaces forestiers distincts. « Le massif forestier d’Afrique centrale est loin d’être un tapis vert homogène », confirme par communiqué Maxime Réjou-Méchain, écologue à l’IRD et premier auteur de l’étude.
« Cette diversité s’explique par les différents types de climats (humidité, température, taux d’évapotranspiration, quantité de pluies), de sols, par l’histoire de la flore africaine, mais aussi par l’ampleur des activités humaines qui perturbent les forêts depuis des millénaires, comme l’agriculture itinérante », ajoute-t-il. Ensemble, ces espaces forestiers représentent la seconde plus grande et dense forêt tropicale humide du monde, derrière l’Amazonie.
Fragilités hétérogènes
Les forêts tropicales d’Afrique centrale jouent également un rôle majeur dans le stockage du carbone. Aujourd’hui, cette zone en capte davantage que la forêt amazonienne. Or, des fragilités très diverses ont été repérées par les scientifiques dans plusieurs lieux. « Les marges forestières du Nord et du Sud de la région, les forêts atlantiques et la plupart de celles de la République Démocratique du Congo, pays qui englobe plus de la moitié des forêts d’Afrique centrale, comptent parmi les plus vulnérables », révèle Bonaventure Sonké, botaniste à l’Université de Yaoundé 1 et co-auteur de l’étude.
Selon leur situation géographique et les actions humaines qui y sont menées ou non, le niveau de vulnérabilité des forêts varie. La cartographie révèle aussi que les espaces forestiers côtiers du Gabon et ceux de la République démocratique du Congo devraient connaître de fortes pressions liées à la fois au changement climatique et aux activités humaines. Il apparaît qu’une action de préservation sera également nécessaire dans la forêt semi-décidue du Cameroun impactée, soumise à la pression anthropique.
Des politiques territoriales spécifiques
Les observations révèlent qu’il est essentiel que les politiques de préservation soient plurielles et adaptées aux spécificités de chaque territoire. « La diversité des types de forêts d’Afrique centrale offre un large panel de réponses potentielles aux changement globaux. Elle est donc essentielle à prendre en compte dans le cadre des politiques de gestion durable et de lutte contre le réchauffement climatique », insiste Alfred Ngomanda, écologue au Cenarest (Gabon) et co-auteur de l’étude.
« Ces résultats doivent maintenant être utilisés, valorisés et appliqués afin d’élaborer des plans d’utilisation des terres qui préservent les caractéristiques des forêts tout en maintenant des connexions entre des zones protégées, grâce à des forêts de production de bois d’œuvre gérées durablement », précise Sylvie Gourlet-Fleury, écologue forestière au CIRAD, l’une des principales coordinatrices de l’étude. En parallèle de leurs observations, les chercheurs rappellent que l’intégrité de ces espaces forestiers est directement liée aux moyens de subsistance et à la sécurité alimentaire des populations.
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