L’Institut Fraunhofer, à la demande du think-tank Agora EnergieWende, vient de publier une étude d’intérêt majeur à l’heure des débats sur la transition énergétique. Dans seulement 10 ans l’électricité solaire photovoltaïque provenant des projets de plus d’1 MW coûtera dans le sud de la France 30% moins cher que celle issue du vieux nucléaire déjà amorti.
Selon l’étude (Current and Future Cost of Photovoltaics, février 2015), dans le nord de la France, où la production solaire est de 1000 kWh par kWc installé et par an contre 1550 dans le sud, le solaire sera en revanche 25% plus coûteux (LCOE de 7,5 centimes/kWh) que celui du nucléaire ancien en prenant comme référence l’estimation de la cour des comptes soit 5,98 centimes/kWh. En moyenne, avec par exemple l’insolation de Clermont-Ferrand dans le massif central, le coût du solaire PV Français sera ainsi de 5,8 centimes/kWh, soit 3% meilleur marché que le vieux nucléaire.
Ceci dans l’hypothèse d’un taux d’intérêt de 5%. Avec un taux d’intérêt de 7,5%, ou pire de 10%, la compétitivité du solaire s’érode. D’où l’importance de créer un environnement réglementaire stable. « Le coût du capital est le principal driver du coût de l’électricité provenant du solaire PV » rappellent les experts. « Le PV requiert d’importants investissements en amont mais permet ensuite, pendant 25 ans ou davantage, de produire de l’électricité à un coût marginal proche de zéro. Il s’agit donc d’une technologie énergétique très capitalistique, et les taux d’intérêt liés à la fois à la dette et l’equity ont un large effet sur le coût total de projets PV à grande échelle ». Point fondamental, «l’environnement réglementaire jouera donc un rôle clé pour réduire le coût du PV dans le futur ». Les politiques en zigzag, dénoncées par les acteurs du solaire en France, et l’absence de vision à moyen et long-terme sont donc fortement handicapantes.
Ci-dessus : Evolution présente et future du coût du PV pour la France (source : Fraunhofer)
En Allemagne, selon les auteurs de l’étude, le coût complet du solaire PV est aujourd’hui (2015) d’environ 1000€ par kWc installé. Ce coût, qui sert de référence à l’étude, se décompose en trois éléments principaux : les Modules PV (550€), les onduleurs (110€) qui convertissent le courant continu en courant alternatif, et l’ensemble des autres éléments du système PV (340€). Ces derniers comprennent la planification-documentation (35€), l’infrastructure (40€) c’est-à-dire les terrassements et les chemins d’accès, mais aussi les structures porteuses des panneaux (75€), les câbles en courant continu (50€) pour relier les modules aux onduleurs, les frais d’installation (50€) c’est-à-dire le montage des structures porteuses, des panneaux et des câblages jusqu’aux onduleurs, et enfin le transformateur électrique (20€), le disjoncteur (5€) et la connexion du système au réseau électrique (60€).
L’institut Fraunhofer estime que le coût des modules PV (550€/kWc aujourd’hui) pourrait tomber à 140-360€ en 2050 selon le scénario retenu. Voir davantage en cas de rupture technologique (par exemple dans le domaine des cellules PV organiques), éventualité non prise en compte par les auteurs dans cette étude volontairement conservatrice. Celui des onduleurs (110€ aujourd’hui) à 23-39€ en 2050. Celui des autres éléments (340€ aujourd’hui) à 120-210€.
Le coût du kWh obtenu peut être facilement calculé à partir de ces données. Selon l’insolation, qui est bien entendu plus élevée en Espagne qu’en Allemagne, un coût du kWh de 4 à 6 centimes est attendu en Europe pour 2025, atteignant 2 à 4 centimes en 2050. Il est de 9 centimes aujourd’hui en Allemagne, contre 40 centimes en 2005. Les auteurs de l’étude remarquent que les coûts de production du PV à Dubaï sont équivalent à ceux observés en Allemagne. En effet dans cet émirat le prix du kWh solaire PV est à présent de 5 centimes d’€ et l’insolation est 70% supérieure à celle de l’Allemagne.
Le solaire à moins de 2 centimes en 2050
En 2035, dans le sud de la France, le coût du solaire pourrait glisser à 3 centimes le kWh, puis à 1,9 centimes en 2050 dans l’hypothèse d’un taux d’intérêt de 5%. A un coût aussi faible, équivalent à celui de la grande hydraulique c’est-à-dire à l’électricité la meilleur marché du monde, parcourir 100 kilomètres avec une voiture électrique standard qui consomme 15 kWh sur cette distance ne coûtera que 29 centimes. Le Paris-Lyon pour 1 euro et demi.
1,9 centimes d’euros c’est un prix 8 fois inférieur à l’estimation du coût de production du kWh issu du réacteur nucléaire ASTRID, un générateur alimenté au plutonium (un poison redoutable) et refroidi au sodium qui tente de faire renaître SuperPhénix de ses cendres. « Au stade d’avant-projet, ce projet de réacteur de 600 MWe est déjà doté d’un budget dépassant les 600 millions d’euros, argent public issu du programme des investissements d’avenir » souligne Le Journal de l’Energie. Soit assez pour financer intégralement 600 MW de centrales solaires produisant 740 GWh par an et répondant aux besoins électriques de 100.000 foyers moyens Français. Alors que l’EPR constitue un échec commercial cuisant du fait de son coût entrainant Areva vers les fonds abyssaux, il est surprenant que l’état Français sacrifie autant d’argent public pour un nouveau projet dont on sait à l’avance que le coût sera encore plus élevé et donc non compétitif.
Le grand parc solaire (300 MW) en construction près de Bordeaux délivrera dès la fin 2015 une électricité au prix de 10,5 centimes le kWh. Mais, selon le groupe Neoen, ce prix serait de 9 centimes si les barrières douanières visant les panneaux chinois étaient supprimées. En Provence l’insolation est 25 à 30% plus élevée qu’à Bordeaux. Et bien entendu, plus on produit d’électricité par kW investi, meilleure marché est l’électricité.
L’Union européenne à 28 dépense 400 milliards d’euros en achats d’hydrocarbures et d’uranium chaque année. C’est donc se tirer une balle dans le pied que d’augmenter artificiellement avec des barrières douanières le coût des panneaux solaires asiatiques initialement très bon marchés, panneaux qui contribuent à réduire considérablement la facture des importations énergétiques : 1€ investi dans un module PV asiatique permet aujourd’hui d’installer un système PV complet de 2 Watts permettant de produire en France 61 kWh d’électricité en 25 ans. Et ainsi de pouvoir parcourir 400 kilomètres en voiture électrique, soit une économie d’environ 24 litres de carburant produit à partir d’hydrocarbures importés. Avec un prix du pétrole brut à 50 centimes le litre (80 € le baril), ces 24 litres permettent de réduire les importations pétrolières de 12 €. Bilan: chaque euro dépensé dans un panneau solaire asiatique permet d’améliorer le solde de la balance commerciale Française de 12-1 = 11€. Le solaire permet également de brûler moins de gaz dans les centrales thermiques, et ainsi de réduire la dépendance envers la Russie.
Les modules PV représentent aujourd’hui la moitié du coût d’un système PV complet en Allemagne : l’autre moitié contribue à créer des emplois locaux. Comme l’indique le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (table 8 page 218 de ce rapport), un MW de solaire PV génère en moyenne 9 fois plus d’emplois qu’un MW de centrale à charbon ou au gaz. Importer des panneaux asiatiques bon marché c’est contribuer à la création massive d’emplois en France.
40% de l’électricité mondiale provenant du photovoltaïque ?
L’institut Fraunhofer, dans son scénario le plus optimiste, estime que jusqu’à 40% de l’électricité mondiale pourrait provenir du solaire PV à horizon 2050. Chaque doublement de la capacité mondiale installée conduit à une baisse de 20% des coûts. Des cinétiques similaires ont été observés pour d’autres produits, comme par exemple les téléphones mobiles, les ordinateurs et les écrans plats. Le paramètre clé est le nombre de doublements qui se produiront entre 2015 et 2050. Le « scénario 1 » table sur 5,4 doublements, le « scénario 4 » sur 7,9. Les deux autres sont intermédiaires.
La capacité de production des usines de fabrication de panneaux PV à l’échelle mondiale est d’environ 40 GW par an (2014). Dans le « scénario 1 », le plus pessimiste, cette capacité atteindra 175 GW par an en 2050, permettant de produire 6.000 GW de panneaux entre 2015 et 2050. Et dans le « scénario 4 » on parviendra à 1780 GW par an, soit une puissance cumulée de 36.000 GW sur la période considérée.
Cette étude publiée en février 2015, absolument incontournable pour les décideurs écoresponsables, est le fruit de trois Workshops entre experts organisés à Berlin, Bruxelles et Freiburg en mai 2014, ainsi que d’échanges avec les meilleurs spécialistes du secteur. Il s’agit de chercheurs (scientifiques), de législateurs et d’experts de l’industrie: spécialistes des modules PV et des onduleurs, développeurs de projets solaires, représentants de groupes énergéticiens et investisseurs. L’institut Fraunhofer est l’équivalent de l’INES (Institut National de l’Energie Solaire) en France. Agora EnergieWende, initiative coinjointe de la Mercator Foundation et de la European Climate Foundation, est dirigée par le Docteur Patrick Graichen, ex-Directeur du département énergie et climat du gouvernement fédéral Allemand.
La majorité des rapports gouvernementaux et des différentes organismes internationaux « sous-estiment fondamentalement le rôle du solaire dans les systèmes énergétiques futurs » insistent les auteurs de l’étude. « Basées sur des données périmées des estimations de coûts, la plupart des scénarios modélisant les systèmes électriques futurs aux échelles domestiques, régionales et globales ne prévoient qu’une petite fraction de solaire. Les résultats de notre analyse indiquent qu’une révision fondamentale des systèmes électriques futures dans une perspective de coûts optimisés est nécessaire. »
Le changement, c’est mainternant.
Par Olivier Daniélo
L’étude « Current and Future Cost of Photovoltaics », dont les co-auteurs sont Johannes N. Mayer, Simon Philipps, Noha Saad Hussein, Thomas Schlegl et Charlotte Senkpiel (82 pages, 72 illustrations, 10 tableaux et 24 références bibliogaphiques de haute qualité) est disponible à cette adresse :
Bonjour,
Je m’interroge cependant sur la durabilité de la production et sur les prévisions de coput réalisées :
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