Le mouvement « En Marche » articule son programme énergétique autour d’une promesse d’investissement de 15 milliards (Mds) d’euros, auxquels s’ajoutent 6 Mds consacrés à l’agriculture et des dépenses concernant le transport. Voulant faire « de la réduction des émissions de gaz à effet de serre la priorité de la politique énergétique » Emmanuel Macron a pris plusieurs engagements qu’il convient d’examiner dans un contexte où le CO2 français provient principalement du transport et du logement, puis de l’agriculture.
Une politique fiscale peu ambitieuse sur le carbone
Le candidat d’En Marche affiche sa volonté d’augmenter le coût du carbone par une taxe atteignant 100€/tCO2 d’ici 2030 et par la réforme du marché de carbone en Europe. Comme monsieur Fillon, Emmanuel Macron propose ici des processus déjà engagés par la loi de transition énergétique et les réformes prévues du marché ECTS. Là où M.Fillon ne s’est pas exprimé sur le sujet de l’augmentation de la Contribution Climat Energie, En Marche confirme son objectif et s’engage à supprimer l’avantage fiscal du diesel par rapport à l’essence, sans pour autant évoquer une sortie du diesel.
Le candidat manque – comme François Fillon – l’occasion de faire preuve de fermeté face à la stratégie d’évasion climatique des compagnies aériennes. En effet, celles-ci sont parvenues à faire exempter leurs vols internationaux du marché du carbone européen, tout en faisant miroiter un mécanisme de compensation au coût très faible – à l’horizon 2035. De plus, les avantages fiscaux pour les carburants comme le kérosène se sont élevés à 10,8 Mds en 2015 et les billets d’avion bénéficient d’une TVA réduite à 10% et d’exonérations diverses.
Le contexte actuel de prix bas du pétrole serait pourtant favorable à la remise en cause de ce traitement de faveur. A l’inverse, EM propose de l’accroitre, en augmentant à 200 000 le nombre de billets aidés pour l’outre-mer.
Système énergétique : une vision volontariste mais nuancée
Les marcheurs proposent de doubler la capacité en éolien et solaire d’ici 2022 par la mise en place d’un calendrier d’appel d’offres après l’élection. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) mise en place par le PS vise une augmentation de 70% de la capacité en énergie renouvelable (ENR) entre 2014 et 2023. La proposition d’EM va donc plus loin en visant une augmentation de 100% sur un laps de temps plus court. En Marche donne aussi des moyens cohérents pour y parvenir, en proposant de simplifier les procédures de déploiements des ENR et de focaliser la recherche sur le stockage et sur les réseaux intelligents. Ces mesures faciliteront le développement des ENR tout en en réduisant les coûts.
EM partage avec François Fillon l’objectif de fermer les centrales à charbon restantes d’ici 5 ans, ce qui était déjà inclus dans la PPE. Les marcheurs promettent en plus d’interdire le gaz de schiste et de ne délivrer aucun nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures. M.Fillon ne s’est pas exprimé sur le sujet, mais sa politique libérale et sa remise en cause du principe de précaution ne garantissent pas qu’il partage ces objectifs.
La position d’Emmanuel Macron sur le nucléaire est à l’image de son mouvement politique : nuancée pour ses partisans, indécise et floue pour les autres. Le candidat reprend les propositions du président sortant : 50% d’énergie nucléaire en 2025, fermeture de Fessenheim lors de la mise en service de l’EPR, attente de l’avis de l’autorité de sureté nucléaire quant à la prolongation d’exploitation des centrales existantes de 40 à 60 ans.
M. Macron se garde d’annoncer un objectif à long terme de 100% d’électricité ENR. La faisabilité technique d’une telle ambition est pourtant appuyée par plusieurs études théoriques (ici, ici et là), et certaines ENR sont désormais moins chères que le futur réacteur EPR. Le solaire au sol flirtant même avec les coûts du nucléaire historique en cas de prolongation de son exploitation.
Dans ce contexte, et sachant qu’il faudra fermer entre 10 et 20 réacteurs (sur 58) pour réduire à 50% la part de l’atome, En Marche devrait donc s’être engagé à ne pas prolonger l’exploitation d’un minimum de centrales en plus de Fessenheim, ce qui n’est pas le cas.
Des engagements pour la rénovation énergétique des bâtiments
« En Marche » projette deux plans de rénovation de 4 Mds chacun : le premier portant sur les bâtiments publics et le second visant les logements des propriétaires les plus modestes. EM propose aussi un budget de 1 Md transformant le Crédit d’Impôt Transition Energétique (CITE) en prime immédiatement perceptible au moment des travaux. Enfin, des audits gratuits seront proposés aux ménages les plus pauvres ainsi qu’une aide aux diagnostics énergétiques pour les PME françaises. Il convient de comparer ces propositions aux dispositifs d’aide à la rénovation déjà existants (CITE, Eco Prêt Taux 0, TVA réduite sur les travaux) pour évaluer ces propositions.
Le projet de loi de finance de 2016 montre que de 2014 à 2016, la dépense publique dans la rénovation énergétique a représenté 3,5 Mds d’euros par an en moyenne (à travers le CITE et la TVA réduite), soit 17,5 Mds d’euros en 5 ans. En Marche ne remettant pas en cause ces dispositifs, un investissement de 8 Mds correspond donc à une augmentation de 45% de l’effort de l’Etat en la matière.
Les marcheurs pourraient bien entendu proposer plus et surtout plus efficace. L’UFC–que choisir a montré que le CITE n’avait pas orienté les consommateurs vers les travaux les plus efficaces, avec seulement 34% des dépenses concentrées sur l’isolation. Le FN propose par exemple d’en faire une priorité budgétaire, mais cette proposition est faite sans engagements concrets de programme d’investissement, tout comme chez Les Républicains.
Les propositions en matière de mobilité électrique
Emmanuel Macron vise un objectif de 0 véhicule thermique vendu en 2040, à travers les normes anti-pollution européennes. Une concertation avec les industriels étant prévue pour les aider à diversifier leur offre. EM propose une prime exceptionnelle de 1000€ qui permettra à ceux dont les véhicules datent d’avant 2 001, d’acheter des voitures moins polluantes, neuves ou d’occasion. 3 Mds seront consacrés à cette mesure, tout en injectant 250 millions d’euros pour la création d’un réseau de bornes électriques de recharge rapide.
Afin d’évaluer ces engagements, il est nécessaire de les comparer aux incitations et investissement existants. Actuellement, les particuliers ont accès à un système de bonus de 6 000€ pour l’achat d’une voiture électrique (1000€ pour les deux roues), tandis qu’un malus allant jusqu’à 10 000 € s’applique sur les véhicules polluants. S’ajoute à ce dispositif une prime pour le remplacement d’un vieux véhicule Diesel qui porte l’aide à un maximum de 10 000€ pour l’achat d’un véhicule électrique.
D’après la cour des comptes le système bonus-malus s’est autofinancé en 2015, avec 225M d’€ de bonus versés et 300 M d’€ de malus perçus. 3 milliards d’aide sur le quinquennat correspond à 600M par an. Les marcheurs s’engagent donc sur une augmentation de 200% des bonus versés. La prime exceptionnelle appliquée également à l’occasion augmentera l’intérêt des consommateurs, mais ne sera peut-être pas suffisante pour induire une telle accélération. Le chiffre de 3 milliards d’€ d’aide reste donc de l’ordre de la prévision.
Les infrastructures de recharge ont quant à elles été soutenues par 61M€ d’aides publiques sur 3 ans de 2012 à 2015 avec plus de 20 500 points de charge installés. Un plan de 250 Millions d’Euros, soit 50 M€ par an, correspond donc bien à une accélération du déploiement des bornes de charge.
Les propositions d’EM ne sont pas anodines, mais on peut douter qu’elles permettront d’atteindre l’objectif de 0 véhicule thermique vendus en 2040. La loi de transition énergétique visant 7 millions de point de charge en 2030, beaucoup reste à faire. Par exemple, étendre à 100% l’obligation d’acquisition de véhicules électrique lors du renouvellement des flottes publiques au lieu des 50% actuels, ou aider les programmes d’électrification des lignes de bus ou des flottes de taxis-VTC … aurait été plus en cohérence avec l’ambition affichée par le candidat d’EM.
Sur l’agro-ecologie
Là où « agro-écologie » et « agriculture biologique » sont des termes introuvables dans le programme de François Fillon, Emmanuel Macron donne plusieurs objectifs les favorisant : la restauration collective devra proposer au moins 50% de produits biologiques, labels de qualité ou locaux d’ici 2022 et un calendrier d’élimination progressive des pesticides sera défini. Afin d’y parvenir, EM promet de séparer les activités de conseil aux agriculteurs et de vente de pesticides, de rémunérer à hauteur de 200 millions/an les agriculteurs pour leurs services environnementaux et d’établir un plan de transformation agricole de 5 milliards sur 5 ans.
Il n’est pas possible de déterminer si les propositions des marcheurs sont suffisantes pour atteindre les objectifs qu’ils affichent. D’autant que la manière dont les 1,2 milliards par an seront dépensés n’est pas détaillée dans le programme.
La volonté affichée de soutenir l’agroécologie est néanmoins une nouvelle positive car les sols cultivés en agroécologie peuvent stocker une quantité significative de carbone en comparaison à une agriculture industrielle intensive. Une étude de l’INRA a par exemple montré que l’équivalent de 9% des émissions de l’agriculture pourrait être stocké dans les sols, avec la mise en œuvre de pratiques agricoles à impact positif, sans changement majeur de l’orientation des systèmes de production.
En conclusion, les propositions et les valeurs d’En Marche en matière énergétique et climatique se situent dans la ligne droite de la loi de transition énergétique du PS, elles en accentuent même l’effort et font preuve d’une ambition plus forte que les républicains. Néanmoins, on note que certains objectifs ne sont pas accompagnés des engagements nécessaires : la réduction à 50% du nucléaire ou le zéro véhicule thermique vendus en 2040 ou qu’En marche aurait pu faire de la transition énergétique une priorité plus importante dans ses propositions.
Par Gabriel Brézet
Gabriel Brézet est ingénieur de formation. Il a suivi un double cursus avec un mastère spécialisé en économie de l’énergie. Il travaille aujourd’hui dans le secteur des énergies renouvelables.
Lire le programme des candidats
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE