Si le CO2 est le gaz à effet de serre le plus connu en raison des quantités émises chaque année, il existe des molécules plus dangereuses encore. Le méthane en fait partie : selon le GIEC, « 1 kg de méthane (CH4) réchauffera autant l’atmosphère que 28 à 30 kg de CO2 au cours du siècle qui suit leur émission ». Pire encore, s’il est calculé sur 20 ans, le potentiel global de réchauffement du méthane n’est plus de 30, mais de 84 !
Transformer une partie des émissions de méthane en CO2 permettrait donc de limiter l’aggravation à court terme du réchauffement global.
Les émissions de méthane proviennent de sources diverses
Alors que les émissions anthropiques de CO2 proviennent en majorité de la combustion d’énergie fossile, de la déforestation tropicale et de procédés industriels, en France, les sources d’émission de méthane sont essentiellement liées à l’agriculture, à l’élevage et à la décomposition des déchets en décharge**.
Au niveau mondial, d’autres sources d’émission sont également à prendre en compte : le forage et la fracturation hydraulique associés à l’extraction du pétrole et du gaz naturel sont en effet responsables de près de 18 % des émissions de méthane. Les émissions mondiales de méthane proviennent également de sources très diverses, comme l’agriculture itinérante sur brûlis, l’élevage laitier, l’exploitation du charbon et des minerais, les zones humides et la fonte du pergélisol.
Conversion de CH4 en CO2 à l’aide de zéolites dopées au cuivre
Un papier publié en open access dans le journal ACS Environmental Au tend à montrer l’intérêt d’utiliser des zéolites dopées au cuivre pour l’oxydation du méthane à basse température et en conditions atmosphériques.
Les zéolites sont des argiles naturelles que l’on trouve en abondance dans la nature. Elles sont si peu onéreuses qu’elles servent par exemple à fabriquer la litière pour chat, en raison de leur fort pouvoir absorbant. Par ailleurs, les zéolites sont également capables d’adsorber toutes sortes de molécules en phase gazeuse, ce qui élargit considérablement leur spectre d’utilisation.
Le principe de fonctionnement est relativement simple, à l’échelle du laboratoire : les chercheurs ont introduit de petites particules de zéolite dopée au cuivre dans un tube de réaction. Celui-ci a ensuite été chauffé depuis l’extérieur, alors qu’un flux de gaz contenant de 2 ppm à 2 % de méthane le traversait. Cette fourchette de concentrations couvre ainsi les niveaux de concentration de méthane de l’atmosphère.
Une méthode qui présente bien des avantages
Dans un communiqué de presse, Desiree Plata, professeure associée au Ralph M. Parsons Laboratory (MIT) et co-autrice de l’étude, explique l’intérêt de cette nouvelle approche de conversion du méthane par rapport à d’autres méthodes : « Les autres méthodes ont tendance à utiliser des catalyseurs coûteux, tels que le platine ou le palladium, à exiger des températures élevées, d’au moins 600 degrés Celsius, et à nécessiter des cycles complexes entre les flux riches en méthane et les flux riches en oxygène, ce qui rend les dispositifs à la fois plus compliqués et plus risqués, car le méthane et l’oxygène sont hautement combustibles, seuls ou en combinaison. »
Compte tenu des risques d’explosion, cette température élevée est bien évidemment problématique. La méthode proposée par l’équipe du MIT a l’avantage de fonctionner à environ 300 °C, ce qui requiert à la fois moins d’énergie et diminue les risques.
En outre, cette méthode est efficace en présence de concentrations de méthane inférieures à 1 %, ce qui n’est pas le cas des méthodes conventionnelles.
Des applications dans les mines de charbon
Les chercheurs proposent ainsi d’incorporer ce nouveau catalyseur dans les systèmes de ventilation des mines de charbon. En outre, cette nouvelle méthode a l’avantage de dégager de la chaleur, sans nécessiter de combustion.
Selon les calculs des chercheurs, si la concentration en méthane ne dépasse pas 0,5 %, la chaleur dégagée est supérieure à l’énergie consommée pour la catalyse, cette énergie pouvant également être utilisée pour générer de l’électricité. Déployer un tel système dans les mines serait donc assez rapidement rentable et Desiree Plata pense que ce type d’application pourrait être commercialisé d’ici trois ans.
Un développement qui se poursuit
D’après les chercheurs, la conversion du méthane en CO2 entraîne une réduction instantanée du forçage radiatif. En outre, la conversion de 60 % du réservoir de méthane atmosphérique n’augmenterait le taux de CO2 que de 1 ppmv, le faisant passer de 415 à 416 ppmv, ce qui est extrêmement faible.
Le développement de ce type de technologie présente donc un fort intérêt sur le moyen terme. Les travaux des chercheurs se poursuivent ; ils espèrent ainsi démontrer la faisabilité industrielle de cette méthode d’ici les 18 prochains mois.
* UTCATF : utilisation des terres, changement d’affectation des terres et la foresterie (LULUCF en anglais pour Land Use, Land Use Change and Forestry).
** Source : Chiffres clés du climat France, Europe et Monde. Édition 2021.
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