Il y a 13 ans, on découvrait le graphène. Une couche unique d'atomes de carbone disposés en nid d'abeille aux propriétés étonnantes. Avec lui est apparu la physique et la chimie des matériaux dit 2D et l'espoir de révolutionner l'électronique. Mais les avancées se font à pas de fourmis.
Le graphène commence à tenir ses promesses pour de nombreuses applications : électrodes, nouveaux dispositifs médicaux, isolation thermique ou magnétique… Mais pour l’électronique, ça coince un peu. Cependant, la recherche est très active pour pallier les défauts du graphène ou lui trouver un cousin qui pourrait remplacer l’électronique à base de silicium.
De la haute couture en terre inconnue
Même si l’on peut égrener les impressionnantes propriétés du graphène ou de ses cousins, les matériaux dits en deux dimensions (2D), les applications commencent tout juste à émerger et en électronique on très loin du compte. Pourquoi ? D’une part, il faut bien avoir à l’esprit que l’on travaille sur des nanomatériaux et qu’à l’échelle de l’atome la matière a des propriétés et des capacités très différentes qu’à l’échelle micro ou macroscopique. On évolue donc dans un domaine encore mal connu, doté d’une mécanique quantique relativiste, compliquée et souvent onéreuse à mettre en œuvre et où la production tient plus de la haute couture que du process industriel. Et pour compliquer le tout, si l’on prend l’exemple du graphène c’est un matériau anisotrope, c’est-à-dire que les propriétés à la surface ne sont pas les mêmes que sur les bords et qu’un graphène en feuille se comportera différemment d’un graphène en paillette (qui aura beaucoup plus de bords). Les dix dernières années ont donc servi à caractériser les différentes propriétés dans de nombreux environnements différents, dans des configurations différentes et à chercher les moyens de produire du graphène le plus pur possible dans des conditions acceptables pour l’industrie.
Electroniquement pas viable !
Le graphène est un champion pour transporter les électrons rapidement. Mais le problème, c’est qu’il ne possède pas de bande interdite, il n’est pas semi-conducteur donc on ne peut pas arrêter le transport à la demande. Du coup, difficile de fabriquer des composants électroniques dont le fonctionnement de base est de pouvoir alterner allumé/éteint (des 1 et des zéros). De nombreuses recherches visent à changer le graphène en semi-conducteur. Et, Les scientifiques ne mettant pas tous leurs œufs dans le même panier, ont, en parallèle, commencé à chercher des cousins du graphène semi-conducteurs.
Du silicène aux faux 2D
Parmi les nombreux cousins du graphène, le silicène a fait naître de grands espoirs. Dans ce composé, les atomes de carbone sont remplacés par des atomes de silicium. Mais lui, il est semi-conducteur. Le hic : il n’existe pas à l’état naturel et sa synthèse n’est pas aisée. En outre, quand en 2015, on a réussi à fabriquer le premier transistor en silicène, il n’a vécu que 2 minutes, car ce matériau s’oxyde extrêmement vite… Encore quelques années de recherche en perspective !
Sur le même modèle de nombreux autres cousins ont été synthétisés et sont actuellement testés : germanène (à base de germanium), stanène (étain), phosphorène (phosphore)… mais tous ces matériaux ont des propriétés inconnues et leur synthèse ne date que de 2014/2015. Reste donc à les caractériser avant de pouvoir en faire des composants électroniques. C’est aussi le cas, pour d’autres composés, alliant cette fois des atomes différents, qui dérivent directement du graphène ou qui sont basés sur le bore par exemple.
Graphane & co et composés borés
A partir du graphène, on a commencé à fabriquer du graphane, par hydrogénation du graphène. Le graphane présente un très bon potentiel pour le stockage de l’énergie sous forme d’hydrogène et offre aussi des potentialités en électronique car sa valeur de gap (bande interdite) est variable selon l’hydrogénation, processus que l’on maîtrise assez bien. D’autres composés sont nés en cherchant à fonctionnaliser le graphène : sur le modèle du graphane, le fluorographène (carbone + fluor), le chlorographène (carbone + chlore) qui sont des semi-conducteurs. Là encore, les chercheurs n’en sont qu’au début de la caractérisation de ces composés. Les recherches portent aussi beaucoup sur des matériaux 2D à base d’atomes de bore car celui-ci est proche du carbone dans la classification atomique et les borures sont souvent très stables. Cela a abouti par exemple à la fabrication de feuillets monocouche de diborure de magnésium ou encore d’un composé organique 2D à base de bore-carbone-azote. Chacun de ces composés offre des propriétés électroniques, thermiques, magnétiques, optiques particulières et souvent performantes. Mais on est encore loin d’une fabrication industrielle.
Aussi, aujourd’hui, une seule conclusion semble s’imposer : bien malin sera celui qui pourra prédire si l’un de ces composés finira par être le grand gagnant d’une nouvelle électronique basée ou inspirée du graphène !
Sophie Hoguin
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