Ils sont parfois dans l’air, ils sont aussi sous terre : les câbles qui nous apportent de l’électricité sont omniprésents dans nos paysages et territoires. Comme tout matériel, ils vieillissent et doivent être remplacés lorsque c’est nécessaire. À l’heure de la lutte contre le bouleversement climatique, de la préservation des ressources minérales, des enjeux de souveraineté et d’emploi local, ces changements de câbles peuvent-ils contribuer à un monde meilleur ?
La question mérite d’être posée et trouve un début de réponse positive avec l’implication des industriels et opérateurs concernés. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE, s’en est fait récemment l’écho en annonçant qu’il a expérimenté la pose de câbles aériens en aluminium partiellement recyclé.
Expérimentation sur deux sites
Deux lieux ont été retenus pour cette première : la ligne 225 kV entre Cholet et Distré dans le Maine-et-Loire, et la ligne 90 kV reliant Egletons, Naves et Eyrein dans la Corrèze. « C’est un enjeu important pour RTE : nous gérons 100 000 km de lignes électriques, âgées en moyenne de 50 ans. Une bonne partie a été construite après la Seconde Guerre mondiale et une autre dans les années 70 lors du programme de centrales nucléaires. Nous renouvelons environ 600 km de lignes par an et ce chiffre va probablement augmenter à 1 000 km par an à l’avenir. Nous devons trouver des solutions pour minimiser l’impact carbone de ces nouvelles installations », explique Delphine Porfirio, Directrice du Département Concertation et Environnement de RTE.
Dans les réseaux souterrains, les câbles sont majoritairement en cuivre, car cet alliage, meilleur conducteur d’électricité que l’aluminium, permet un gain de place. Pour les lignes aériennes, le cuivre est devenu très rare, seulement présent sur quelques lignes très anciennes. Après-guerre, il a été remplacé par des câbles bimétalliques aluminium-acier. Lors des années 70, c’est un alliage d’aluminium, de magnésium et de silicium (appelé AlmElec) qui a été utilisé : avec une bonne résistance mécanique à la traction, il permet de se passer d’acier ; plus léger tout en restant bon conducteur, il permet d’éviter de surdimensionner les pylônes.
Mais l’aluminium primaire est très fortement émetteur de carbone, avec 17 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium (Source : note d’analyse n°96 de France Stratégie, octobre 2020). En utilisant une part d’aluminium recyclé, on peut réduire le recours à de l’aluminium primaire. RTE estime ainsi que l’alliage qu’il a utilisé sur les deux sites permet d’éviter 4 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium, soit 12 tonnes de CO2 en moins pour chaque kilomètre de réseau qui est composé de trois câbles !
Poursuivre en structurant la filière
L’expérimentation paraît concluante à plusieurs titres. Tout d’abord, l’alliage AlmElec fabriqué avec de l’aluminium recyclé répond aux normes en vigueur pour les réseaux électriques aériens. Il peut donc être installé et exploité sans aucune différence avec les câbles conventionnels. En plus de la baisse de son empreinte carbone, ce nouveau câble avec aluminium recyclé engendre aussi une moindre pression en termes d’extraction de minerai de bauxite. Il rend ainsi un peu plus souverain sur ce matériau, ce qui sécurise les approvisionnements nécessaires à RTE. Rappelons que l’Union européenne est dépendante à 87 % des importations de bauxite (Source : IFPEN),
L’autre point de satisfaction est que ce sont deux acteurs installés sur le territoire français qui ont œuvré à la fabrication de ces câbles. Le groupe MTB s’est chargé du tri et du recyclage, notamment pour récupérer de la matière d’un câble usagé retiré du réseau RTE en vallée de Maurienne. Un des enjeux particuliers du recyclage est de retrouver un aluminium avec un haut degré de pureté. L’entreprise Trimet, spécialisée dans la fabrication de produits en métal léger à base d’aluminium, a de son côté conçu et produit le nouvel alliage AlmElec avec l’aluminium recyclé pour fabriquer les fils nécessaires à la constitution des câbles.
RTE souhaite poursuivre cette démarche, essentielle pour être en phase avec les objectifs de décarbonation de toute la société. L’impact économique reste à évaluer, car la mise en place des moyens de recyclage et de production à partir d’aluminium recyclé a un coût. Mais tous les acteurs semblent motivés et RTE pousse à ce qu’une filière se mette en place, en particulier au regard des besoins en aluminium recyclé de qualité. Ce premier succès l’invite par ailleurs à mener une nouvelle expérience pour des liaisons souterraines en cuivre, ainsi que sur des transformateurs pour récupérer du cuivre très pur. Ce métal est en effet identifié comme critique pour l’avenir.
Crédit image de une : RTE
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