Marc Gunther, journaliste économique spécialisé dans les questions d'énergie, se demande pourquoi les entreprises ne réalisent pas les économies d'énergie, et donc d'argent, les plus évidentes. Il donne deux exemples étayés : la fermeture automatique de l'électricité dans les chambres d'hôtel, qui n'est pas systématique, et la mise hors tension des appareils informatiques la nuit dans les bureaux.
En tant que journaliste économique et de l’environnement, j’ai entendu un nombre incalculable de fois l’expression « cueillir les fruits qui sont à portée de main » pour parler de l’efficacité énergétique.
Ce dernier mois, j’ai contribué à la rédaction d’un rapport de l’Environmental Defense Fund sur les thèmes « innovation dans l’entreprise » et « environnement », à l’occasion de la conférence FORTUNE Brainstorm Green. Cela m’a permis de répondre à la question qui me taraude depuis des années : pourquoi ne cueillons-nous pas les fruits qui sont à portée de main ?
La réponse est que le monde des affaires ne fonctionne pas selon les principes classiques du libre marché. Il est beaucoup plus désordonné. Les émotions y rentrent en jeu. De même que la perfection humaine, et le fait que les entreprises ne sont que rarement, voire jamais, les machines bien huilées imaginées par l’économie classique. C’est la raison pour laquelle les entreprises qui pourraient facilement économiser de l’énergie et de l’argent en devenant plus performantes, ne le font pas.
La chasse au gaspillage
Prenons deux exemples. Le premier concerne l’hôtel. Les hôtels pourraient économiser des milliers de dollars chaque année en installant un système de clé à carte qui éteint automatiquement l’électricité lorsque le client quitte la chambre. Un hôtel de 616 chambres de la chaîne Westin à Pittsburgh a investi $120 000 dans un système de clé à carte qu’il a rentabilisé dans l’année. Après quoi, l’hôtel s’est trouvé libre de répercuter l’économie ainsi réalisée sur le prix des chambres, d’augmenter ses bénéfices ou de faire les deux.
Dans un monde où les marchés seraient vraiment concurrentiels, les autres auraient été obligés de suivre. Ce ne fut pas le cas. Ni à Pittsburgh ni ailleurs. Pourquoi cela ? Les propriétaires de l’hôtel semblent avoir eu peur que certains clients puissent ne pas aimer ne plus être maîtres de la température de leur chambre, ou trouver pendant quelques minutes une chambre légèrement plus froide en hiver ou plus chaude en été , le temps que le système se mette en route.
Même avec la possibilité pour les propriétaires de maintenir les chambres à 21 ou 22 °C à quelques degrés près, et pour les clients de profiter de prix revus à la baisse ou d’équipements plus importants. Au fait, les voyageurs en Europe et en Asie considèrent désormais le système de clé à carte comme une chose acquise. Comment les marchés expliquent-ils cela ?
Les économies d’énergie bénéficient à tous
Un second et meilleur exemple concerne les réseaux informatiques dans les entreprises. Ils gaspillent beaucoup d’énergie parce que les ordinateurs restent éclairés la nuit ou le weekend. Si vous travaillez dans un bureau, vous savez que les réseaux sont contrôlés par le département informatique qui veut un accès 24h/24, 7j/7, afin de traiter les virus et les problèmes de sécurité.
Peu lui importe de gaspiller de l’électricité car ce n’est pas lui qui paie la facture. Il a déjà assez de choses à s’occuper. C’est, une fois encore, un comportement humain. Certains logiciels permettent aux informaticiens de contrôler le réseau tout en économisant de l’énergie. Mais jusqu’à aujourd’hui, ces produits n’ont pas rencontré un large écho. Les personnes qui paient la facture d’électricité n’achètent pas de logiciels. Aux Etats-Unis, on appelle ça des «silos». La plupart des entreprises ont des silos et c’est une autre raison pour laquelle les solutions les plus simples ne sont pas mises en pratique.
Le rapport de l’Environmental Defense Fund met l’accent sur les meilleurs pratiques dans ces deux domaines et dans d’autres. Il donne également des pistes pour les politiques gouvernementales. Certains états américains, par exemple, remboursent les propriétaires des hôtels qui installent un système de clé à carte dans la mesure où au final, les économies d’énergies bénéficient à tous.
Source :
Marc Gunther réfléchit, écrit et communique sur l’entreprise et le développement durable. Il est un contributeur du magazine FORTUNE et l’auteur de «Faith and Fortune: How Compassionate Capitalism is Transforming American Business» (Crown Business, 2004). Lire son blog.
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