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EDF donne sa nouvelle vision de l’avenir énergétique de la France

Posté le 20 juin 2018
par Pierre Thouverez
dans Énergie

Alors que la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), véritable feuille de route quadriennale de la politique énergétique de la France, est en cours de débat public, EDF a publié sa contribution.

Sur quatre pages, l’électricien national donne sa vision de l’avenir énergétique pour l’Hexagone. Sans surprise, le nucléaire y tient une place centrale même si une certaine inflexion est à noter. L’énergéticien mise aussi sur l’électrification des transports et l’hydrogène, à l’image de sa récente prise de participation dans McPhy.

Nucléaire oui, mais pas forcément à 60 ans

Représentant trois quarts de sa production, le nucléaire occupe une bonne place dans le mix électrique d’EDF. Malgré la loi sur la transition énergétique votée en 2015 prévoyant de réduire à 50% la part de l’atome dans le mix français pour faire de la place aux énergies renouvelables, le groupe dirigé par Jean-Bernard Levy continue à défendre son parc nucléaire et ses 400 TWh par an. EDF ne fait d’ailleurs pas mention de la loi dans sa contribution d’acteur. Et pour cause, le groupe prévoit de renouveler l’ensemble de son parc par des EPR et insiste sur la nécessité de lui donner le feu vert rapidement : « il serait présomptueux de vouloir planifier la quantité aujourd’hui. Mais être capable de disposer des GW que le pays, en temps voulu, estimera nécessaire suppose une décision prochaine : un engagement rapide conduit à une première mise en service d’une nouvelle centrale en 2030 ou peu après », explique EDF. Seule « concession », EDF estime qu’il ne lui sera pas possible de renouveler le parc de centrales nucléaires au même rythme que durant les années 70-80. Une évidence à une époque où le nucléaire était une priorité nationale et les recours administratifs moins nombreux… « En conséquence, nous envisageons certains des arrêts dès le début des échéances des cinquièmes visites décennales, à partir de 2029. L’essentiel du parc actuel aura donc été arrêté d’ici 2050 », indique le groupe. C’est la première fois qu’il indique publiquement ne pas souhaiter étendre la durée de vie de tous ses réacteurs à 60 ans.

La transition énergétique se joue aussi sur les transports

Les débats sur la transition énergétique se concentrent souvent à tort sur le mix électrique, responsable de seulement 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial. Grâce à un mix électrique très décarboné, le secteur des transports français pèse mécaniquement plus, près de 45 % des émissions de GES, pour 30 % des consommations d’énergie finale de l’Hexagone. La substitution des carburants fossiles constitue donc un enjeu immense auquel l’électromobilité peut et doit apporter des réponses selon EDF. La vente de véhicules électriques a battu un nouveau record l’année dernière (1,2 million d’unités vendues), même si le VE ne pèse toujours que 1% des ventes mondiales.

« Les solutions de mobilité propre s’ouvrent, les investissements de recherche, de développement et d’industrialisation s’accélèrent à l’échelle mondiale. Deux technologies s’annoncent en priorité : mobilité électrique (batteries) et mobilité hydrogène » qui est une mobilité électrique puisqu’elle utilise une pile à combustible. Pour que cette dernière technologie soit considérée comme vertueuse, l’hydrogène doit en tout état de cause être produit à partir d’énergies renouvelables. Un intérêt qui explique sans doute pourquoi EDF a investi récemment dans McPhy Energy, une start-up française spécialisée dans l’H2, ayant entre autres participé à l’installation de « stations-services » à hydrogène. Selon EDF, l’intégration de ces nouveaux carburants devrait se concentrer d’abord sur le transport lourd, maritime, ferré (lorsqu’il n’est pas électrifié) et routier. La conversion de l’ensemble du parc automobile particulier n’est donc pas la priorité.

Electrification rampante

Si l’électricité ne représente aujourd’hui que 25 % des consommations finales d’énergie, cette part est amenée à augmenter au fil de la transition énergétique, de l’électrification des usages (ex : voiture électrique) et de la consommation électrique propre à l’usage des nouvelles technologies. Cette tendance se heurte à une autre dynamique puissante : l’efficacité énergétique. Que ce soit dans l’industrie, les transports ou dans les bâtiments, la sobriété énergétique est devenue avec les années un véritable pilier des stratégies énergétiques des pays, suivant l’adage : « l’énergie la moins chère (et accessoirement la moins polluante), est celle que l’on ne consomme pas ». De fait, des doutes ont émergé sur l’orientation de la demande d’électricité en France et en Europe après une hausse continue depuis les 30 Glorieuses, hors crises économiques. EDF joue l’optimisme et prévoit de son côté une hausse, modeste, sur les deux prochaines décennies, entre 0 et 0,5 % par an.

Comme le note l’électricien, ce n’est pas tant les volumes consommés, que la répartition des composantes production du système électrique qui vont sensiblement évoluer vers davantage de décentralisation. « Nous allons vers un système composé de grands actifs et de multiples actifs locaux de petite taille », indique EDF. Une référence à un phénomène encore marginal en France : l’autoconsommation (seulement 20 000 installations en France), mais qui se développe à mesure de la baisse des prix des panneaux solaires. Un segment sur lequel EDF s’est positionné avec une offre commerciale dédiée. Signe qu’EDF continue à tenter le grand écart entre d’une part la valorisation de son outil industriel historiquement centralisé et nucléaire, et d’autre part les nouvelles formes de production locales et renouvelables.

Romain Chicheportiche


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