Actuellement, en vertu de la loi sur l’énergie (Nome) et de la réglementation européenne de 2010, EDF est contraint de céder jusqu’à 100 TWh/an de sa production nucléaire à ses concurrents à un prix fixe de 42 €/MWh). Le mécanisme appelé Arenh est prévu jusqu’à fin décembre 2025, même si la récente loi sur l’énergie et le climat prévoit certaines modifications. Mais le gouvernement français a souhaité proposer une modification plus profonde du mécanisme de marché pour protéger les clients français qui bénéficient, via les tarifs réglementés, du nucléaire auquel ils «ont participé par le passé». Mais aussi pour permettre à EDF de couvrir ses coûts et de reconstituer du «cash-flow», à l’aune des investissements à venir dans le parc existant, dans les démantèlements futurs (car EDF va devoir fermer des réacteurs dans le cadre de la loi pour passer à 50% du mix électrique, au lieu des 75%) comme prévu par le gouvernement, et aussi pour investir dans les énergies renouvelables, ont indiqué des responsables du ministère quelques jours plus tôt.
Dans le mécanisme existant, lorsque le prix fixe de l’Arenh est inférieur au prix du marché, le concurrent d’EDF a un avantage, EDF étant obligé de vendre le volume d’Arenh (à concurrence de 100 TWh) quel que soit le prix du marché. Lorsque le prix du marché est inférieur au prix d’Arenh, les concurrents d’EDF peuvent acheter sur le marché, et c’est une fois encore EDF qui «paie» la différence, a noté à plusieurs reprises EDF.
Le mécanisme destiné à remplacer Arenh obligerait EDF à vendre «toute» la production nucléaire du parc existant, y compris la future production de l’EPR de Flamanville-3, dans un «corridor» de prix, avec un plancher et un plafond. Il équivaudrait à des contrats pour différence (CfD, en initiales anglaises), utilisés au Royaume-Uni pour de nouveaux éoliens nucléaires et offshore.
«Les niveaux de prix plancher et plafond seraient fixés selon une méthodologie transparente et seraient mis en œuvre sous le contrôle du régulateur du marché de l’énergie, la CRE», insiste le document présenté aux journalistes. La fourchette de prix ne dépasserait cependant pas 6 euros/MWh, précise le document. Ce «corridor» permettrait à EDF de couvrir ses coûts et lui apporterait des revenus équitables.
Encore faut-il que ce nouveau mécanisme soit validé par l’Union européenne. C’est là qu’intervient la deuxième partie de cette modification. Il faudrait en effet dégrouper les ventes d’EDF de la production d’EDF (procéder à un «unbundling», selon la terminologie bruxelloise), afin de se conformer aux règles de l’UE relatives aux aides d’Etat et à la distorsion du marché, selon le document. La branche commercialisation d’EDF devrait donc acheter l’électricité nucléaire en utilisant le nouveau mécanisme, comme le feraient d’autres concurrents, en France et en Europe, insiste le document. Quant à la production nucléaire elle deviendrait un «service d’intérêt économique général», une dénomination que Bruxelles entend parfaitement… Le texte du document de consultation est clair : «Le producteur nucléaire (EDF donc, ndlr) serait obligé dans la durée de mettre à disposition le productible défini par la régulation, en cohérence avec la stratégie de long terme de la France sur son mix énergétique et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de la métropole continentale actualisée tous les 5 ans». Une réorganisation qui va dans le droit fil du projet Hercule de scission de l’entreprise EDF en deux entités, l’une réglementée, l’autre concurrentielle et active sur le marché…
Le gouvernement français a également indiqué dans son document qu’il souhaitait mettre en œuvre ce nouveau modèle d’ici 2022. Elisabeth Borne, Ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée de l’énergie, doit prochainement rencontrer des responsables de la Commission européenne pour s’assurer de la compatibilité de ce mécanisme avec les règles communautaires.
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