Impossible en effet pour leur utilisateur de tracer ses propres figures. Et jusqu’à présent, relever ce défi semblait impossible. Car si l’oeil peut suivre très efficacement un objet qui se déplace, il n’est pas capable de réaliser des mouvements lisses et réguliers devant un arrière-plan statique. D’où l’idée de Jean Lorenceau, chercheur CNRS au sein du Centre de recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière (CNRS/UPMC/INSERM) d’utiliser une illusion visuelle connue depuis les années 70, la reverse-phi, qui n’avait encore jamais trouvé d’application, pour obtenir de l’oeil des trajectoires lisses.
Cette illusion se produit lorsque, sur un écran, s’affichent quelques centaines de disques dont la luminance varie au cours du temps à une fréquence d’environ 10-15 Hertz. Lorsqu’un sujet déplace alors son regard sur ce fond clignotant, il a la nette impression que les disques se déplacent avec le mouvement de ses yeux. Puisque l’oeil humain est capable de suivre avec précision des objets qui bougent, le déplacement illusoire des disques induit par le mouvement donne à ceux-ci une sorte d’appui mouvant qui va leur permettre de réaliser des trajectoires régulières et non saccadées.
En associant un oculomètre qui enregistre les mouvements de l’oeil de l’utilisateur et un logiciel permettant de les visualiser sur un écran, Jean Lorenceau a donc conçu un dispositif grâce auquel il est possible de tracer des lettres avec les yeux. Seules deux à quatre sessions d’entraînement, d’une trentaine de minutes chacune, sont nécessaires à un utilisateur pour parvenir à maîtriser les mouvements de ses yeux.
Les tests réalisés ont montré qu’après avoir appris à percevoir le mouvement reverse-phi, l’utilisateur finit par véritablement s’accrocher à ce mouvement, un peu comme un surfer le fait avec la vague. Bien entraînée, une personne utilisant ce dispositif peut écrire à la même vitesse qu’avec sa main, d’autant plus que l’entraînement finit par faire émerger des automatismes qui facilitent l’exercice et le rendent moins fatiguant.
Prochaine étape, proposer ce dispositif à des personnes atteintes d’une sclérose latérale amyotrophique. Mais à plus long terme, Jean Lorenceau estime que ce système pourrait servir à l’entraînement des pilotes, des chirurgiens, des sportifs, voire des artistes, et permettre de concevoir des systèmes de sécurité basés sur la reconnaissance de mouvements oculaires.
(Source : Bulletins Electroniques)
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