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Écoutez notre podcast Cogitons Sciences : Une industrie accro aux minerais de conflit [Matériaux, histoire d’une vie #1]

Posté le 2 mai 2022
par Intissar EL HAJJ MOHAMED
dans Chimie et Biotech

Bienvenue dans le treizième épisode de Cogitons Sciences, le podcast qui décrypte les enjeux des sciences ! Pour cette nouvelle mini-série, dédiée aux matériaux, nous nous sommes intéressés aux “minerais de conflit”, massivement employés par l’industrie électronique. Notre invitée Marianna Reyne, juriste en droit de l’environnement industriel et actuellement responsable gestion de risque dans le secteur des transports, revient sur les enjeux liés à leur utilisation.

Qu’appelle-t-on “minerais de conflits” ? Pourquoi leur extraction et leur utilisation sont-elles problématiques ? Pourrait-on un jour réglementer ce commerce ?  

Vous pouvez écouter l’épisode en suivant ce lien !  

Les 3TG [1:30 – 7:07]

“L’expression “minerais de conflit” vient du fait que l’exploitation de ces minerais participe à alimenter des conflits armés dans plusieurs régions du monde”, nous explique Marianna Reyne. Parmi la soixantaine de métaux entrant dans la composition des équipements électroniques, quatre de ces métaux sont issus de minerais de conflit : “le tantale qui est issu de la colombite-tantalite (le coltan), l’étain qui provient de la cassitérite, le tungstène dont l’origine est la wolframite, et l’or”. Ces métaux sont désignés par un sigle : “3TG” (pour tin, tantalum. tungsten et gold, en anglais). Ils viennent principalement de pays détenant “des ressources minières très importantes” : la République Démocratique du Congo, du Rwanda, du Burundi, de l’Ouganda, la Colombie, la Birmanie et l’Afghanistan. “Qu’il s’agisse d’opérations minières artisanales non réglementées ou d’activités industrielles, l’exploitation de ces minerais est illégale et entraîne de nombreuses dégradations sur l’environnement et des violations des droits humains”, souligne Marianna Reyne. 

Des conséquences humaines et environnementales alarmantes [7:51 – 17:48]

Il est estimé que l’extraction illégale de la cassitérite, du coltan et de l’or a provoqué en RDC l’enlèvement de la couverture végétale de la forêt ainsi qu’une très importante pollution : citons par exemple la dégradation des zones situées le long des rivières, dont résultent des problèmes d’érosion, un envasement de l’eau et un dépôt de résidus contaminants (dont mercure et cyanure) déversés dans les rivières. Quant aux conséquences humaines, elles aussi bien connues : “la violence et l’insécurité, qui caractérisent l’Est de la RDC, perdurent du fait de la compétition pour ce contrôle du commerce des minerais entre groupes rebelles, milices locales et forces armées des États voisins. Le contrôle illégal par les groupes armés et l’inaction étatique provoquent une situation humanitaire désastreuse dans la région : affrontements, violations des droits de l’Homme, travail forcé (y compris travail des enfants), violences sexuelles, attaques contre les civils… “En 2014, l’Unicef avait évalué à 40 000 le nombre d’enfants qui travaillaient dans les mines du Sud de la RDC”, précise Marianna Reyne.

Face à cette situation, l’Europe a légiféré, à la suite des Etats-Unis. “L’Union Européenne a adopté le 16 mars 2017 un règlement qui établit des obligations liées au devoir de diligence à respecter par les importateurs de l’UE […], détaille Marianne Reyne. Depuis le 1er janvier 2022, tout importateur de ces minerais qui dépasse les seuils fixés par le texte du règlement et qui importe ces minerais de zones de conflit ou à haut risque […] doit respecter un certain nombre d’obligations […]”. Cependant, cette réglementation est sous le feu des critiques : on lui reproche, entre autres, de ne pas prévoir de mécanismes de sanctions. “Jusqu’ici, aucun pays n’a mis en place des mesures pour aller voir si les fonderies et les affineries respectent le devoir de diligence”. 

Et la RSE dans tout ça ? [18:11 – 21:59]

Selon Marianna Reyne, les entreprises s’appuient sur un guide publié par l’OCDE en 2011 : considéré comme le standard de référence en matière de responsabilité sociétale des entreprises, ce guide est consacré au devoir de diligence pour les chaînes d’approvisionnement responsable en minerais provenant de zones de conflit. “On a aussi vu apparaître un certain nombre d’initiatives et de programmes venant de l’industrie, du téléphone ou de l’étain par exemple, et ces initiatives ont plus ou moins bien fonctionné […].”

Des tensions au cœur de l’actualité [22:48 – 32:31]

“S’agissant de la crise du Covid-19, analyse Marianna Reyne, les politiques publiques qui ont été adoptées de par le monde ont provoqué d’énormes problèmes liés aux arrêts de production, à la fois du fait des confinements des populations et de cette instabilité généralisée qui a été créée. Ce que l’on observe, ce sont des crises de production et de logistiques majeures qui ont généré elles-même des pénuries en cascade”. Exemple le plus emblématique : la pénurie des semi-conducteurs électroniques.        

Pour écouter cet épisode, c’est par ici. 

Références citées :

Guide OCDE 

iTSCi 

Sur le travail des enfants dans les mines de la RDC, nous vous conseillons cet article d’Amnesty International (qui cite les chiffres de l’Unicef) 

Ressources pour aller plus loin :

Le film documentaire Virunga (sorti en 2014) 

Le livre Cobalt Blues, d’Erik Bruyland (publié en 2021)

L’entreprise néerlandaise Fairphone 

Cogitons Sciences est un podcast produit par Techniques de l’Ingénieur.  Cet épisode a été réalisé par Intissar El Hajj Mohamed, en collaboration avec Marie-Caroline Loriquet. Le générique a été réalisé par Pierre Ginon et le visuel du podcast a été créé par Camille Van Belle.


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