Bienvenue dans le seizième épisode de Cogitons Sciences, le podcast qui décrypte les enjeux des sciences ! Voici le premier épisode de notre nouvelle mini-série sur la sobriété dans l'industrie. Nos invités, Sarah Thiriot, sociologue à l’Ademe et Sam Allier, chargé de projet au Shift Project, nous livrent leur point de vue.
Pour répondre aux enjeux climatiques, les industries doivent devenir sobres. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Nous avons posé la question à nos invités Sarah Thiriot, sociologue à l’Ademe et Sam Allier, chargé de projet au Shift Project. Voici leurs réponses.
Pour écouter l’épisode, c’est ici.
C’est quoi en fait, la sobriété ? [1:45 – 8:43]
La sobriété, selon l’Ademe, est une approche qui consiste à se questionner sur ses besoins et à les satisfaire en limitant leur impact sur leur environnement. Cette sobriété engendre ainsi un changement de mode de production et de consommation. Du côté des industries, on parle avant tout de “sobriété énergétique” qui consiste à rendre plus efficiente la production, c’est-à-dire moins énergivore. Mais pour Sarah Thiriot, l’efficience à elle seule ne suffira pas à faire face aux défis environnementaux. “La sobriété énergétique permet en partie de respecter les accords sur la décarbonation mais également de faire face à des contraintes physiques d’approvisionnement” explique Sam Allier.
Des trajectoires pour atteindre la neutralité carbone [8:51 – 14:36]
Pour atteindre la neutralité carbone, il n’y a pas qu’un seul et unique chemin à emprunter. L’Ademe en propose quatre, construits sur les archétypes des scénarios du GIEC et adaptés à l’échelon français. Ces quatre scénarios enclenchent plus ou moins les leviers de sobriété, d’efficacité et de décarbonation. Avec ces scénarios, “nous montrons que différents champs des possibles sont atteignables à long terme pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (…) en offrant des visions contrastées sur le contexte économique, le déploiement dans les territoires ainsi que sur les modes de gouvernance” explique Sarah Thiriot.
Comment décarboner l’industrie française sans la saborder ? [14:39 – 22:33]
Le Shift Project part du constat que “l’industrie représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 75 % par l’industrie lourde” explique Sam Allier. Pour la décarboner, “le premier levier est de continuer d’améliorer les procédés et le deuxième est de développer les ruptures technologiques, comme le recyclage des plastiques, les bétons décarbonés ou encore les procédés à base d’hydrogène.” Selon lui, avec ces deux premiers leviers, l’industrie peut atteindre 80 % des objectifs de décarbonation. La sobriété ne représenterait que 20 %. “Mais si on n’arrive pas à enclencher les ruptures technologiques pour atteindre les 80 %, la sobriété peut aller jusqu’à 60 %.” Ce qui signifie réduire – ou abandonner – l’utilisation de plastique, de béton, d’acier et de produire moins. Mais “la sobriété ne va pas s’appliquer de la même façon à tous les secteurs” affirme Sarah Thiriot. Certains secteurs devront arrêter une partie de leur activité trop polluante, d’autres devront les adapter et transformer leurs infrastructures. De nouveaux secteurs verront également le jour.
Le rôle de l’ingénieur [22:42 – 26:08]
L’ingénieur peut être une pièce maîtresse de la transformation des secteurs industriels : il peut utiliser ses compétences afin d’orienter le système vers une direction compatible aux enjeux écologiques. Selon Sam Allier, l’ingénieur peut lui-même faire preuve de sobriété en décidant de ne pas faire, c’est-à-dire en choisissant de ne pas travailler pour certains secteurs. “C’est la désertion que l’on commence à observer et qui constitue un nouveau rapport de force avec les industriels qui n’ont pas de plan ambitieux pour la planète” indique l’expert. Et ce nouveau rapport de force peut également permettre aux ingénieurs d’aller vers des métiers passion mais polluants en se questionnant sur la réorientation des activités ou en travaillant sur les ruptures technologiques.
La fin du progrès technique ? [26:15 – 29:25]
La sobriété signe le glas du progrès technique… vraiment ? “Il y a tout un imaginaire un peu apocalyptique derrière ça” déclare Sarah Thiriot. Mais pour elle, il ne s’agit pas de bannir le progrès technique ou l’innovation. Les développements techniques seront d’une nature différente, en fonction des choix industriels, économiques mais également de société. « On peut faire moins mais mieux« , conclue-t-elle.
Retrouvez l’épisode en cliquant ici !
Références citées :
La direction Direction Exécutive Prospective et Recherche au sein de l’Ademe
Le groupe de réflexion The Shift Project
Le GIEC et les rapports sur le climat
Le sociologue Antoine Bouzin et ses travaux
Ressources pour aller plus loin :
Le sixième rapport du GIEC, publié en novembre 2022
Le Rapport Transition(s) 2050 : Quatre scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050
Le rapport du Shift Project : Décarboner l’industrie sans la saborder
Antoine Bouzin : “Crise écologique : ces élèves ingénieurs qui veulent transformer leur métier”
AgroParisTech : quand de futurs ingénieurs racontent leur “conversion écologique”
Cogitons Sciences est un podcast produit par Techniques de l’Ingénieur. Cet épisode a été réalisé par Séverine Fontaine, en collaboration avec Marie-Caroline Loriquet. Le générique a été réalisé par Pierre Ginon et le visuel du podcast a été créé par Camille Van Belle.
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