Bienvenue dans le cinquième épisode de Cogitons Sciences, le podcast qui décrypte les enjeux des sciences ! Notre invité Jean-Christophe Viguié, responsable des programmes “biocarburants” à l’IFP Énergies Nouvelles (IFPEN), fait le portrait des biocarburants avancés présents sur le marché automobile français et détaille leurs technologies de production.
Quelle est la différence entre biocarburants avancés et biocarburants conventionnels ? Quelles technologies permettent de produire des biocarburants avancés ? Quels sont les freins et les leviers pour leur déploiement en France ?
Pour répondre à ces questions, Techniques de l’Ingénieur reçoit Jean-Christophe Viguié, responsable des programmes “biocarburants” à l’IFP Énergies Nouvelles (IFPEN). L’IFPEN a mené plusieurs projets en partenariat avec des industriels et des laboratoires de recherche pour développer des technologies de production de biocarburants avancés.
Vous pouvez écouter l’épisode ici.
Les biocarburants avancés, quésaco ? [1:10 – 3:02]
Les biocarburants avancés sont « définis par une liste de ressources dans la directive européenne RED II [Directive des Energies Renouvelables, NDLR] », explique Jean-Christophe Viguié. « Ce sont des ressources qui n’entrent pas en compétition directe avec un usage alimentaire. Pour faire simple, ce sont des résidus, des déchets, type résidus forestiers ou les déchets de culture agricole comme par exemple les pailles. » Ils sont ainsi différents des biocarburants « produits à partir de ressources qui entrent en concurrence avec un usage alimentaire ».
Comment produire les biocarburants avancés ? [3:02 – 7:02]
« On peut distinguer deux grands types de technologies », signale Jean-Christophe Viguié. Une première catégorie est celle des technologies thermochimiques, où « la biomasse est d’abord déconstruite en la gazéifiant à très haute température », avant de réaliser une synthèse Fischer-Tropsch. « On synthétise donc des carburants “idéaux”, puisque ce sont des carburants de synthèse », remarque le responsable. « La deuxième grande voie est une voie biochimique » qui commence également par une déconstruction de la biomasse mais se termine par une fermentation grâce à des biocatalyseurs afin d’obtenir de l’éthanol.
L’IFPEN a notamment co-développé deux technologies de production de biocarburants avancés : Futurol et BioTfuel. « La technologie Futurol permet de produire de l’éthanol qui est d’abord un carburant pour les véhicules à moteurs à allumage commandé, c’est-à-dire les véhicules à moteur essence. Tandis que les carburants issus de la technologie BioTfuel sont destinés aux moteurs diesel comme ceux équipant les poids lourds par exemple et à l’aviation. »
Du développement à la commercialisation [7:02 – 12:07]
Pour développer ces technologies, « il faut mettre en place de nombreuses compétences, en chimie, en génie chimique, en hydraulique, en hydrodynamique, en biotechnologie, en économie ou en analyse environnementale ». Ensuite, il faut s’assurer de maîtriser le risque technologique : « Pour cela, après des études en laboratoire, il est souvent nécessaire de passer par une phase de démonstration : construire un ensemble qui va reproduire au plus près l’unité industrielle mais dans une taille plus petite. C’est ce que nous avons fait pour Futurol et BioTfuel. » Le procédé est assez long : il a ainsi fallu 10 ans pour compléter le projet Futurol (de 2018 à 2019) et 11 ans pour BioTfuel (de 2010 à 2021 ; en cours de validation).
Qu’en est-il de la mise sur le marché ? « Le mode de commercialisation retenu est la concession de licence. Et c’est Axens, filiale de l’IFPEN, qui est le vecteur de commercialisation de ces technologies. […] La signature d’une première licence pour cette technologie s’est faite en février 2020, une licence signée avec le raffineur croate Ina. Concernant la technologie BiotFuel, […] le développement de cette technologie se termine en 2021 et donc Axens lancera la commercialisation immédiatement une fois la technologie validée. »
Des freins et des leviers [12:07 – 16:56]
Pour Jean-Christophe Viguié, la France a l’avantage de disposer de très larges ressources agricoles et forestières, sans oublier que le pays a fourni « d’importants efforts de recherche et d’innovation avec le soutien de l’Etat ». Un point bloquant toutefois réside dans la réglementation en vigueur sur les émissions des véhicules : celle-ci « se focalise sur les émissions de CO2 au pot d’échappement, ce qui est un biais dans la réglementation car ce CO2, quand il provient des biocarburants, est compté comme un CO2 qui proviendrait des carburants fossiles ».
Pour bien décarboner nos transports [16:56 – 29:47]
Selon l’IFPEN, les filières avancées permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre par un facteur de 10, par rapport à la référence fossile. « Un véhicule qui roule aujourd’hui avec du biocarburant synthétique présente un bilan plus favorable qu’un véhicule électrique », insiste Jean-Christophe Viguié. Et de conclure : « Les biocarburants et les biocarburants avancés en particulier sont une très bonne solution pour décarboner nos transports. Ils doivent donc être mis en œuvre aux côtés de l’électrification, de l’hybridation, et c’est probablement en combinant toutes ces solutions que nous pourrons atteindre un objectif ambitieux de décarbonation des transports. »
Ressources citées :
- Directive européenne RED II
- Les chiffres de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
Références pour aller plus loin :
Cogitons Sciences est un podcast produit par Techniques de l’Ingénieur. Cet épisode a été réalisé par Intissar El Hajj Mohamed, en collaboration avec Alexandra Vépierre. Le générique a été réalisé par Pierre Ginon et le visuel du podcast a été créé par Camille Van Belle.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE