Les chiffres pour l'année 2014 sont tombés : le plan Ecophyto ne parvient définitivement pas à faire diminuer les doses de pesticides épandues dans les champs. En croisade pour la promotion de l'agro-écologie, Stéphane Le Foll semble prêcher dans le désert.
Selon les chiffres publiés par le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, le nombre de doses-unités épandues à l’hectare (NODU), l’indicateur d’utilisation des pesticides du plan Ecophyto, ne cesse d’augmenter depuis 2009. Il a augmenté de 5,8 % en moyenne triennale entre la période 2011-2013 et 2012-2014 pour les usages agricoles. La hausse est spectaculaire entre 2013 et 2014 : + 9,4 %, après une hausse de 9,2 % entre 2012 et 2013. Au final, la consommation de pesticides a augmenté de plus de 5 % en moyenne, chaque année, entre 2009 et 2014.
Concernant les quantités de substances actives vendues, les résultats sont encore plus terrifiants. Les agriculteurs ont acheté 16 % de produits phytosanitaires en plus en 2014. Parmi ces derniers, les molécules suspectées d’être cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction humaine, accusent une hausse de 12,9 % du NODU et de 22,6 % des tonnages substances actives vendues.
Du côté des jardiniers amateurs et gestionnaires d’espaces verts, le NODU a diminué de 2,2 % en moyenne triennale entre 2011-2013 et 2012-2014. Mais l’indicateur est reparti à la hausse entre 2013 et 2014 : + 10,1 %. La loi « Labbé » prévoit pourtant l’interdiction des pesticides pour les zones non agricoles en 2017 pour les collectivités et en 2019 pour les jardiniers amateurs.
Le ministère accuse les mauvaises conditions climatiques de 2014 qui ont engendré une pression élevée des maladies causées par les champignons et donc un recours accru aux herbicides et fongicides. Par ailleurs, dans un contexte de concurrence mondial et de crise agricole, les pesticides représentent une « assurance-récolte » pour les agriculteurs qui ne veulent prendre aucun risque.
Et si toutes les fermes devenaient Dephy ?
Les résultats sont moins sombres dans le réseau des 1 900 fermes Dephy, réseau de Démonstration, d’Expérimentation et de Production de références du plan Ecophyto. « Entre 2012 et 2014, le nombre de traitements moyen a diminué de 10 % en grandes cultures et polyculture-élevage, de 12 % en arboriculture et en viticulture, de 15 % en cultures légumières, de 38 % en horticulture et de 22 % en canne à sucre », se félicite le Ministère de l’agriculture. Si ces résultats sont effectivement encourageants, ils demeurent néanmoins loin de l’objectif initial d’une baisse de 50 % à l’horizon 2018.
La mise en application du plan Ecophyto 2 est donc plus que jamais capitale. Présenté en octobre 2015 par le gouvernement, ce nouveau plan reporte la réduction de 50 % de la consommation de pesticides de 2018 à 2025. Un palier intermédiaire, en 2020, prévoit une baisse de 25 %.
Selon le ministère,les fermes « modèles » Dephy accompagnent chacune dans leur transition une dizaine de fermes grâce à des ingénieurs agronomes cofinancés par les conseils régionaux ou les agences de l’eau. Le nouveau plan prévoit donc de recruter 1 000 fermes pionnières supplémentaires pour accélérer le mouvement.
Les fermes Dephy ont leur importance, mais il faut élargir la dynamique au-delà de ce cercle réduit. Selon le recensement agricole de 2010, la France compte 326 000 exploitations professionnelles. La route reste donc longue… Pour s’y attaquer, la grande nouveauté du plan Ecophyto 2 est la mise en place d’un système de certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP), inspiré par le modèle des Certificats d’économies d’énergie. Les distributeurs de pesticides et les grandes coopératives devront engager des services et conseils pour réduire les produits phytosanitaires chez leurs clients de 20 % d’ici 2020. Ce système doit entrer en vigueur au mois de juillet 2016. Une large concertation portant sur les indicateurs des CEPP, le dispositif de pénalités et les modalités d’incitation se tiendra courant mars avec les professionnels, pour des propositions au Ministre pour la fin mars 2016.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE