Loin de diminuer, entre 2009 et 2012, la consommation de pesticides a augmenté en moyenne de 5 % en France. Pire, entre 2012 et 2013, elle a augmenté de 9,2 %. Cette évolution concerne le nombre de doses-unités épandues à l’hectare (NODU), l’indicateur de référence utilisé dans le cadre du plan Ecophyto. L’Etat français revoit donc sa copie à la baisse. Au lieu d’une réduction de 50 % de l’usage des pesticides d’ici 2018, une baisse de 25 % d’ici 2020, puis de 50 % d’ici 2025, est prévue.
Tout n’est néanmoins pas à refaire. « Ce premier plan a permis d’éliminer 80 % des substances les plus dangereuses », a insisté le ministre Stéphane Le Foll, à l’occasion d’une conférence censée lancer « 2015 : l’an I de l’agro-écologie », et au cours de laquelle il a présenté les grands axes du nouveau plan Ecophyto.
Comment créer une nouvelle dynamique durable ?
Stéphane Le Foll n’aime pas trop les engagements chiffrés et préfère « créer la dynamique sur le terrain », plutôt que de se focaliser sur des objectifs difficiles à atteindre. A l’instar de son plan Ambition Bio 2017, où il parle de « processus global de développement de l’agriculture biologique » plutôt que de « surface agricole utile à convertir en bio », le ministre préfère ici encourager les nouvelles pratiques agro-écologiques.
Plusieurs mesures ont déjà été lancées en 2013 : le plan Ambition bio 2017, le plan Ecoantibio, le plan pour l’apiculture durable et le plan Energie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA). Puis, en 2014, la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt a été votée et les mesures agro-environnementales ont été mises en place dans le cadre du second pilier de la PAC. Ces dispositions visent à imposer l’agro-écologie, une agriculture performante aux niveaux environnemental et économique, comme nouvelle norme pour l’agriculture française. Dans cette perspective, le plan Ecophyto a un rôle important à jouer.
La nouvelle monture de ce plan insiste donc plus sur les moyens à déployer pour atteindre les objectifs.Elle s’inspire largement du rapport sur le sujet, remis au premier ministre Manuel Valls fin décembre, par le député PS Domnique Potier.
Comment mettre en action le monde agricole?
Un pesticide de synthèse ne se remplace pas par du biocontrôle sans repenser en profondeur le système de culture. Pour que la baisse de la consommation des pesticides soit possible, le nouveau plan mise donc sur la formation et l’accompagnement pour répandre un ensemble large de pratiques agronomiques alternatives, telles que la rotation des cultures.
Pour y parvenir, il n’y a pas 36 solutions. Le nouveau plan Ecophyto mise sur ce qui a marché entre 2009 et 2014 : son réseau de 2 000 fermes pionnières Dephy qui ont vu une baisse de leur consommation de pesticides de 12 % en moyenne en 2013. Ces fermes « modèles » accompagnent chacune dans leur transition une dizaine de fermes grâce à des ingénieurs agronomes cofinancés par les conseils régionaux ou les agences de l’eau. Le nouveau plan prévoit de recruter 1 000 nouvelles fermes pionnières.
Des certificats d’économie de produits phytosanitaires mis en place
Les fermes Dephy ont leur importance, mais il faut élargir la dynamique au-delà de ce cercle réduit. Pour ce faire, la grande nouveauté du plan Ecophyto 2 est la mise en place d’un système de certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP), inspiré par le modèle des Certificats d’économies d’énergie.
Les distributeurs de pesticides et les grandes coopératives devront engager des services et conseils pour réduire les produits phytosanitaires chez leurs clients de 20 % d’ici 2020. Outre le fait de mettre tous les acteurs à contribution, l’idée est également d’assurer une rémunération complémentaire aux industriels pour que la baisse de volume de vente des pesticides n’engendre pas de baisse de leur chiffre d’affaires.
En cas d’objectifs non atteints, les distributeurs de pesticides devront s’aquitter d’une pénalité financière de 11 euros par NODU. En revanche, ceux qui auront dépassé leurs objectifs, pourront vendre aux moins avancés leurs surplus de NODU épargnés. Notons que ces CEPP portent sur une obligation de moyens mis en oeuvre et non de résultats. Les modalités d’évaluation des actions conduites devront donc être bien menées pour s’assurer de résultats à la hauteur des moyens.
Pour accompagner tout cela, 30 millions d’euros supplémentaires viendront s’ajouter aux 40 millions déjà alloués au plan chaque année. Ces nouveaux capitaux seront financés par un élargement de l’assiette de redevance pour pollutions diffuses collectée par les agences de l’eau.
Jusqu’en juin 2015, le projet est ouvert à consultation publique. Il sera ensuite décliné dans la foulée par régions, sous l’autorité du préfet. Espérons que, cette fois-ci, les résultats seront au rendez-vous !
- Aller plus loin :
Rapport «Pesticides et agro-écologie LES CHAMPS DU POSSIBLE» de Dominique Potier
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique