Quels compromis entre eau et agriculture dans une France qui se réchauffera de +4°C ? Voici l’une des questions posées par l’association des journalistes de l’environnement (AJE) lors du colloque « Quand la métropole se réchauffe de +4°C » à l’Académie du Climat à Paris, le 5 juillet 2023. Cette question méritait d’être explorée alors que les manifestations récentes à Sainte-Soline (79) dans les Deux-Sèvres ont montré les limites d’un modèle agricole qui mise sur des réserves d’eau géantes pour s’adapter sans trop changer.
Vers une adaptation a minima ?
« Il y a différents niveaux d’adaptation : le premier est de s’adapter sans rien changer, concède Christian Huyghes, directeur scientifique agriculture à l’INRAE. C’est naturellement ce que l’on a envie de faire. » L’adaptation consiste alors à chercher des variétés plus résistantes qui consomment un peu moins d’eau, et à modifier les systèmes d’irrigation par « canon » par des systèmes de rampes goutte à goutte. Cette voie permettrait tout de même d’abaisser les pertes d’eau par évaporation de 28 % à 5 %.
Jean-Luc Redaud, président du groupe de travail Changements globaux et climatiques au sein du partenariat français pour l’eau (PFE), rappelle néanmoins que cette voie resterait « à base de semences sélectionnées, d’engrais, de pesticides, de mécanisation et d’irrigation ». Et face à des arrêtés sécheresses qui « deviennent récurrents dans certaines régions », cette voie semble compromise.
Mieux penser la répartition de l’eau
L’autre voie, c’est un changement de paradigme en travaillant différemment les sols. « Les solutions viendront des sols via l’agroécologie, la conservation ou la régénération des sols, assure Olivier Dauger, élu FNSEA en charge des questions climatiques et énergétiques. « Il s’agit ici d’augmenter la matière organique du sol pour le rendre plus résilient au manque d’eau et aux maladies. »
Christian Huyghes, appelle en ce sens à « une modification du cycle de culture ». Face à des cultures plus courtes, il invite à assurer une couverture permanente des sols. L’expert croit à la généralisation des systèmes dits en « relay-cropping ». Ceux-ci consistent à semer une culture d’été dans une céréale alors que celle-ci n’a pas encore été moissonnée pour s’assurer d’avoir une couverture réellement totale du sol.
Pour éviter le stress hydrique en période de sécheresse, cela impose de « regarder la réflexion sur l’eau à l’échelle des 12 mois de l’année et non à l’échelle de la culture », insiste Christian Huyghes. Et dès lors, « il faut regarder l’eau comme un bien commun » et arriver à la répartir entre ses différents usages à l’échelle d’un paysage. En plus de l’agriculture, il faudra en effet continuer d’assurer les besoins en eau pour l’industrie, l’énergie, les habitations et le tourisme. Plusieurs pistes seront tout de même à explorer : « augmenter les réserves en eau, augmenter les transferts, jouer sur les économies d’eau, réutiliser les eaux usées », énumère Jean-Luc Redaud.
Un choix politique pour une gestion structurelle de l’eau ?
Vincent Cailliez, climatologue au service interdépartemental pour l’animation du Massif Central (Sidam), confirme « la précocification des cycles de production ». Il alerte contre la « diminution de l’efficience de l’eau » avec le changement climatique. « Pour la même quantité d’eau, vous produisez moins de nourriture et donc si vous voulez autant de nourriture dans le futur, cela va nécessiter plus d’eau », souligne-t-il.
En fin de compte, la priorisation des différents usages de l’eau sera politique. « Lorsque vous arriverez dans des problèmes de sécurité alimentaire, il y aura une décision politique qui choisira entre produire un peu plus de nourriture en réorientant des flux d’eau vers l’agriculture ou non », prévient Vincent Cailliez.
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