« Le PLA, ou acide polylactique, est un polymère biosourcé qui pourrait être une alternative à de nombreux polymères pétrosourcés dans nombre d’applications, mais sa compostabilité est limitée, rappelle Clémentine Arnault, responsable R&D de Carbiolice. Nous avons développé Evanesto, un additif basé sur des enzymes rendant les produits qui contiennent du PLA compostables en conditions domestiques ». Communément fabriqué à partir d’amidon de maïs, le PLA pourrait ainsi se substituer dans certaines applications au polystyrène (PS), au polypropylène (PP) et au polyéthylène basse densité (PEBD).
Une enzyme activée en conditions particulières
Le PLA est un polymère naturellement biodégradable. La biodégradation se fait par hydrolyse des fonctions esters pour former des oligomères de PLA. Dans une seconde étape, ces oligomères sont digérés par des micro-organismes naturellement présents dans l’environnement, ce qui dégage du CO2. « Nous avons sélectionné une enzyme particulière, de la grande famille des protéases, qui permet d’accélérer la vitesse d’hydrolyse des fonctions esters du PLA », souligne Clémentine Arnault.
Pendant la durée de vie de l’objet final contenant Evanesto, l’enzyme restera inactive, comme endormie. C’est seulement lorsqu’il sera jeté dans un composteur domestique que l’enzyme s’activera et accélérera la biodégradation. « Une enzyme a besoin de conditions d’activation particulière : dans notre cas, il faut un pH autour de 9, une température autour de 28°C et une humidité supérieure à 55 % », précise la chercheuse.
Des enzymes danoises, une usine française
Carbiolice a signé un accord d’approvisionnement d’enzymes en provenance du Danemark avec le leader mondial Novozymes. L’entreprise concentre ensuite ces enzymes sur un polymère biodégradable pour être utilisé comme un additif à une concentration d’environ 5 %. « Evanesto est ensuite ajouté à un plastique composite qui contient un fort taux de PLA, sur des outils de la plasturgie conventionnels, complète Clémentine Arnault. Nous voulons une solution universelle pour faire en sorte que cet additif s’adapte à la plus grande diversité de composites, avec des taux de PLA variables, de 35 % à plus de 70 % ». L’ensemble de la technologie a été brevetée : les enzymes, l’additif complet, le procédé et les applications.
L’entreprise a installé sa première usine à Clermont-Ferrand. D’une capacité de production d’Evanesto d’environ 4 000 tonnes par année, elle pourrait adresser un marché de 80 000 tonnes de produits finis en considérant un taux d’incorporation moyen de 5 % de l’additif.
Des films et des barquettes mono et multicouches
« Nous avons commencé à travailler sur des films fins d’une épaisseur d’environ 15 µm qui contiennent 5 % d’Evanesto, 35 % de PLA et d’autres polymères flexibles biodégradables, par exemple du PBAT ou du PBS, explique Clémentine Arnault. Dans un compost domestique, après 182 jours, tout le film est désintégré et il se biodégrade en 195 jours au lieu des 365 théoriques pour répondre aux exigences de la certification OK Home Compost ». Evanesto permettrait ainsi d’accélérer la biodégradation du PLA, d’environ 30 %.
Carbiolice valide actuellement la dégradation de pièces plus épaisses (450 µm), à 70 % de PLA pour des applications en thermoformage. « En compostage domestique, la feuille se désintègre en moins de 6 mois ; les tests de biodégradation sont encore en cours, mais nous avons montré un taux de dépolymérisation de 20 % en 20 jours », indique Clémentine Arnault. L’entreprise travaille aussi pour des films et barquettes multicouches. Dans les deux cas, Evanesto peut être placé en couche centrale, entouré de polymères eux-mêmes compostables. Selon les tests effectués par la société et confirmés par des laboratoires indépendants, il n’y aurait pas de migration de l’enzyme. Cela laisse envisager des applications pour des emballages multicouches, aptes au contact alimentaire.
Une commercialisation dès avril 2020
Les premières commercialisations de produits sont prévues dès avril 2020. Evanesto devrait dès lors être introduit dans des films monocouches jusqu’à 50 µm pour des applications techniques, ne nécessitant pas l’aptitude au contact alimentaire. « Le PLA additivé aura un coût d’environ 30 % supérieur à du PLA classique, en fonction de la tension du marché », partage Clémentine Arnault.
« Evanesto pourra en plus être utilisé dans des films multicouches jusqu’à 25 µm pour des applications d’emballages alimentaires souples du type sachets de chips ou de salade, complète-t-elle. En septembre, nous devrions avoir les certifications Home compost pour les feuilles monocouches jusqu’à 450 µm et les barquettes multicouches à 225 µm ». Carbiolice développe déjà une deuxième génération d’enzymes. Elle déposera un dossier de contact alimentaire pour cette seconde enzyme, en espérant l’obtenir d’ici 2023 au plus tard.
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