Après deux ans de recherche et développement, l'entreprise Çadécap a développé deux procédés pour décaper des pièces industrielles à l'aide de produits végétaux et ne plus utiliser de produits chimiques. Entretien avec William Péronne, son président.
Lorsque William Péronne annonce qu’il souhaite réaliser du décapage industriel sans aucun produit chimique, les gens du milieu le prennent pour un fou. À la tête de deux usines de décapage en Normandie et d’une troisième en Bretagne, cet entrepreneur veut faire converger ses valeurs personnelles autour du respect de la nature dans son métier. Deux ans plus tard, il est sur le point de gagner son pari. Alors que son entreprise consommait chaque année 200 tonnes de produits chimiques, ce volume n’est plus que de 10 tonnes aujourd’hui. Et il devrait totalement disparaître d’ici à la fin de l’année. Ce résultat est le fruit d’un travail de recherche et de développement en interne, avec le soutien financier de l’Ademe. Il s’est conclu par le développement de deux procédés de décapage de pièces industrielles à base de produits végétaux. Rencontre avec William Péronne, président de la société Çadécap.
Techniques de l’Ingénieur : Quel est le premier procédé développé par votre entreprise ?
William Péronne : Il est issu d’une technologie déjà existante, celle du sablage qui consiste à projeter du sable sous pression pour décaper un support. Cette technique existe depuis des lustres, mais n’est pas neutre sur le plan environnemental, car elle emploie du corindon. Je me suis demandé si on ne pouvait pas le remplacer par autre chose. Un confrère avait déjà essayé d’utiliser des matières végétales à base de coques de fruits et j’ai alors creusé cette idée. Des ajustements ont dû être réalisés, car une sableuse classique n’est pas adaptée pour utiliser de la matière végétale, un produit plus fragile. Par exemple, il n’est pas possible d’utiliser une vis sans fin pour l’acheminer et nous avons dû opter pour un système de dépression, le même que celui utilisé dans l’industrie agroalimentaire avec les farines. Ensuite, il a fallu procéder à des réglages pour projeter les billes végétales sur le support à décaper. Nous avons choisi de travailler à basse pression.
Après plusieurs mois de mise au point, la qualité de ce décapage à l’aide de billes de coques de fruits est bien meilleure comparée aux produits chimiques. Il n’y a aucune agression du support et l’on retrouve la matière première, comme si elle venait d’être chaudronnée par exemple. Notre technique permet d’éliminer le bain chimique puis le rinçage et donc l’utilisation d’eau. Il n’y a plus le risque d’oxydation du support comme c’était le cas avant puisqu’à présent on travaille totalement à sec.
Quelle est la deuxième innovation mise au point ?
Nous avons développé un procédé qui fonctionne sur le même principe qu’un lave-vaisselle. Les pièces sont d’abord placées dans des paniers, que l’on introduit dans une cabine, puis que l’on referme. À l’intérieur, les pièces sont aspergées à l’aide d’un produit liquide décapant 100 % végétal. Cette technique est adaptée à toutes les pièces, mais convient plus spécifiquement à celles présentant une fragilité comme des tôleries fines, de l’aluminium ou des matériaux rares qui ne doivent pas d’être déformés par des produits chimiques. Un partenaire m’a aidé à développer la chimie du liquide. Je ne peux pas en dire plus sur sa composition car ce procédé est encore en phase d’optimisation et il doit faire l’objet d’un brevet.
Grâce à cette nouvelle technique, les quantités de produits utilisés ont nettement baissé. Auparavant, on travaillait par immersion avec des pièces qui trempaient dans un bain. Par exemple, la machine que je développe consomme 150 litres de produits végétaux alors qu’auparavant, il fallait 2 à 3 tonnes de produits chimiques.
Comment réagissent vos clients face à ces nouvelles techniques de décapage ?
Un travail de démarchage commercial est à réaliser pour présenter notre nouvelle offre. Avec le contexte épidémique actuel, il est un peu difficile en ce moment de prendre des rendez-vous chez les clients. Je tente alors de communiquer via les réseaux. Mais tous nos clients qui ont déjà bénéficié de cette nouvelle technologie sont très satisfaits et ne veulent plus de la chimie. Le prix de la prestation est un peu plus élevé qu’un décapage classique, mais en contrepartie le support peut être repris en application directement, sans intervention supplémentaire. Il n’y a plus besoin de faire une préparation de surface avant d’appliquer une peinture par exemple. Du coup, cela entraîne un gain de productivité chez nos clients et au final, cela ne revient pas plus cher sur la chaîne de valeur.
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