Enedis, le distributeur d’électricité de 95% du réseau français, vient de réaliser cet été une première toute en discrétion. Une première alliant électronique de puissance, numérique et batterie.
Dans le cadre de l’expérimentation smart grid Nice Smart Valley, Enedis a en effet sécurisé le réseau de l’île Sainte-Marguerite, en remplaçant les diesels de secours par une batterie pour pallier les potentielles défaillances du câble reliant les îles de Lérins, dont Sainte-Marguerite fait partie, au continent. Mais aussi une première démontrant la possibilité de « remonter » un réseau à partie de batteries, comme dans le cas d’un « black start », c’est-à-dire après un black-out (une coupure totale) quand le réseau est totalement hors service et qu’il faut commencer à le rétablir et faire remonter la tension et le voltage.
Enedis est ainsi allé au-delà du « simple » îlotage prévu au départ dans le cadre du projet Lérins Grid, qui s’articule autour de trois grands axes : la gestion des flexibilités sur le réseau de distribution électrique, l’utilisation du stockage d’électricité et l’îlotage d’une partie du réseau de distribution. Il regroupe six entreprises : Enedis, GRDF, EDF, Engie, GE et Socomec.
La problématique
L’île Sainte-Marguerite est reliée au réseau de la région Sud PACA par un câble sous-marin. En cas d’interruption du câble, c’était jusqu’à présent des groupes diesels qui assuraient l’alimentation de l’île, le temps d’effectuer les réparations. Les îles ne disposent pas pour l’heure d’alimentations alternatives fondées sur les énergies renouvelables (ni solaire, ni éolien), la zone étant protégée.
L’objectif de la Mairie de Cannes, dont dépendent les îles du Lérins, en collaboration avec Enedis, a consisté à trouver une solution innovante afin de réduire les émissions carbonées des groupes. La solution adoptée s’est fondée sur les solutions en matière de stockage d’énergie de Socomec, partenaire de Nice Smart Valley. Le but recherché était de pouvoir mettre en autonomie (îloter) l’île en cas d’incident sur l’alimentation apportée par le câble.
L’îlotage d’une zone spécifique avait d’ailleurs déjà été testée dans le cadre du projet européen Interflex* sur la région (NiceGrid), mais reposait sur des industriels et des commerces capables de mettre en œuvre des moyens décentralisés de production, le tout avec une batterie ad hoc.
Le système
D’abord testé en laboratoire, le système a ensuite été testé une première fois en mars dernier, avec succès, c’est-à-dire que les consommateurs de l’île n’ont pas enregistré de coupure au moment du passage du câble à la batterie. Et vice-versa, au moment du recouplage au réseau, le consommateur ne doit pas sentir de changement dans son alimentation. Des essais qui se sont poursuivis jusqu’à la semaine dernière, avec succès. C’est sur ce point que réside l’innovation technologique, menée de concert entre Enedis en Socomec, spécialiste du contrôle-commande et des convertisseurs d’énergie. La batterie, installée et opérée par Enedis, est pilotée à distance par le gestionnaire du réseau de distribution et permet l’alimentation à la fois en basse et en moyenne tension de l’île.
En général, en cas de coupure du réseau, la remise en service s’opère à partir d’installations hydrauliques (rapides à démarrer) qui facilitent également le retour à la fréquence demandée par le réseau, car il s’agit de turbines, donc tournantes.
Ainsi, une première en matière de black-start avait été réalisée en 2017 aux Etats-Unis par un énergéticien de Southern California, Imperial Irrigation District (IID), qui avait réussi à « remonter » le réseau à partir de batterie, mais qui étaient soutenues ensuite par la remise en service de plusieurs centrales thermiques.
Comme le souligne Bernard Mouret, responsable d’Enedis sur la région du distributeur (PACA), cette réalisation offre également des possibilités nouvelles. Une seconde batterie appartenant à Engie a ainsi été installée en avril dernier pour renforcer la capacité d’îlotage des îles, grâce à une communication sans fil, également conçue par Socomec, avec la batterie d’Enedis existante. Ce qui crée un écosystème, indique Bernard Mouret, alliant un opérateur de réseau, Enedis, et un acteur de marché, Engie, apportant un service au réseau d’électricité et permettant d’imaginer un modèle d’affaires innovant ouvrant la voie à la viabilité économique de tels projets. Engie peut en effet mettre l’énergie de la batterie à disposition de ses clients en autoconsommation, ou pour répondre aux demandes su système électrique dans son ensemble.
Bien entendu, les batteries n’étant pas, pour l’heure, capable de délivrer du courant pendant plusieurs jours, l’étape suivante, insiste le responsable d’Enedis, vise à favoriser l’installation de panneaux solaires (dans ce cas, mais ailleurs, cela peut reposer sur de l’éolien) capable d’alimenter les batteries, afin de rendre l’île autonome, le temps de rétablir la liaison avec le réseau de distribution du continent. Enedis entend bien également s’appuyer sur cette expérimentation pour proposer ce « modèle » à d’autres collectivités territoriales iliennes.
*Projet européen de Smart Grid, Interflex a officiellement été lancé le 1er Janvier 2017. Le projet associe des fournisseurs d’électricité, des fabricants de matériels et des experts des Smart Grids avec 5 distributeurs d’électricité européens : ČEZ Distribuce (République tchèque), Enedis (France), E.ON (Suède), Enexis (Pays-Bas) et Avacon (Allemagne). Pendant trois ans, les 20 partenaires du projet expérimentent de nouvelles formes de flexibilités dans le but d’optimiser le système énergétique à une échelle locale.
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