Dans un précédent article, Étienne Gheeraert nous présentait les possibilités offertes par l’utilisation du diamant industriel comme semi-conducteur à très haute performance, à travers le projet GreenDiamond. La start-up DIAMFAB a été créée à la suite de ce projet.
DIAMFAB est une société spin-off du CNRS, qui a vu le jour en mars 2019, après 2 ans et demi de maturation et d’incubation.
DIAMFAB a bénéficié de l’accompagnement de la SATT Linksium Grenoble Alpes et travaille en étroite collaboration avec l’Institut Néel – CNRS, le seul laboratoire à maîtriser la croissance de couches de diamant synthétiques de très haute qualité avec un tel degré de maturité.
Techniques de l’Ingénieur : En quoi le diamant synthétique est-il intéressant pour les industriels ?
Gauthier Chicot : L’électronique de puissance est un domaine en pleine croissance et les industriels sont à la recherche de nouveaux matériaux toujours plus performants pour des applications de gestion de l’énergie. Actuellement, nous observons que des matériaux comme le GaN (nitrure de gallium) et le SiC (carbure de silicium) sont en train de progressivement remplacer le silicium en électronique de puissance.
Les composants conçus à partir de ces matériaux étant arrivés au stade de l’industrialisation, les fabricants de composants pensent maintenant à l’étape suivante. Comme il est le semi-conducteur ultime, le diamant synthétique est donc le candidat évident.
DIAMFAB est une jeune start-up. Quel est le contexte de sa création ?
Depuis plusieurs années, l’Institut NEEL est régulièrement sollicité pour la fourniture de couches épitaxiées de diamant [L’épitaxie est une technique utilisée pour faire croître des couches minces de cristaux, de quelques nanomètres d’épaisseur, NDLR], dans le cadre de divers projets nationaux ou européens.
Comme la technologie devenait suffisamment mature et que les besoins en électronique de puissance se multiplient, l’idée de créer une start-up comme DIAMFAB a naturellement émergé. Étienne Gheeraert, David Eon et Julien Pernot, trois enseignants-chercheurs de l’institut, ont ainsi accompagné sa création. Comme ils font partie du conseil scientifique de DIAMFAB, ils nous font ainsi bénéficier d’un savoir-faire issu de 30 ans de R&D.
En 2017, au cours de la phase de maturation du projet DIAMFAB, nous avons cherché à affiner la technologie et à recueillir les besoins. Ceci nous a amenés à rencontrer divers industriels et laboratoires, dans le but de leur fournir des prototypes de nos wafers à haute valeur ajoutée. Nous avons constaté que le marché commençait à émerger, ce qui a permis d’amorcer la phase d’incubation du projet et de préparer le lancement de la start-up.
La technologie est mature, mais qu’en est-il du marché ? Visez-vous certaines applications en particulier ?
Les applications potentielles sont nombreuses et tous les besoins n’évoluent pas à la même vitesse suivant les secteurs. Pour le moment, nous adressons en priorité des marchés de niche à faible volume, comme le nucléaire, car le diamant est une solution idéale pour résister aux fortes radiations. Nous sommes ainsi capables de proposer des empilements adaptés à la production de diodes et de transistors.
Au-delà des niches, nous avons aussi pour objectif de fournir certains marchés comme l’automobile ou l’aéronautique. Ainsi, en automobile, le diamant présente également un fort potentiel, pour la conception de condensateurs, de diodes et de transistors destinés à fabriquer des convertisseurs 80 % plus compacts et plus efficaces. Si ce marché n’est encore qu’à ses débuts, nous sommes persuadés que le diamant sera le passage obligé pour l’électrification de nos modes de transports.
Concernant l’aéronautique, nous participons au développement de convertisseurs à haute puissance à base de transistors en diamant pour les futurs avions hybrides, dans le cadre d’un projet européen H2020, Clean Sky II.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Pour le moment, les équipements à notre disposition nous permettent de produire de petites séries de matériaux relativement performants, mais aussi de proposer à nos clients des co-développements de produits spécifiques. Nous espérons être en capacité de produire de forts volumes d’ici 3 ou 4 ans, mais avant cela, nous devons investir dans de nouveaux équipements de production et approfondir nos travaux de R&D pour répondre aux fortes exigences des applications très haute tension.
DIAMFAB accueillera bientôt son 8e collaborateur, mais nous espérons être entre 12 et 15 d’ici fin 2022, à l’issue de la levée de fonds qui devrait être lancée en courant d’année.
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