Avec une durée de vie d’environ 30 ans, le nombre de panneaux photovoltaïques arrivé en fin d’usage va exploser dans les années à venir. Ce volume est estimé à 5 tonnes cette année en France, mais devrait tripler d’ici à 2025. À l’échelle de l’Europe, des estimations tablent sur 10 millions de tonnes arrivés en fin de vie en 2050 et par an. Un projet européen baptisé Photorama va débuter, avec pour objectif de développer des équipements industriels pour recycler les panneaux solaires à partir d’une technologie développée par le CEA-Liten.
Les solutions de recyclage actuellement mises en œuvre pour recycler ces panneaux sont jugées insatisfaisantes. La plus courante consiste à broyer en petits morceaux les modules puis à séparer les différentes fractions de ces broyats. Quelques métaux ferromagnétiques peuvent ainsi être aimantés puis récupérés tandis que le verre et les plastiques sont séparés, mais la valorisation de ces deux matériaux est limitée. Le verre peut être utilisé comme remblais tandis que les plastiques sont brûlés pour fournir de l’énergie par incinération. Des procédés thermiques existent également mais ne sont pas sans conséquence sur l’environnement puisqu’ils nécessitent de brûler les plastiques pour récupérer le verre, le silicium et les différents métaux. Enfin, un procédé chimique peut être employé, mais est lui aussi nocif pour la planète puisqu’il emploie des produits polluants.
Une technologie efficace sur de nombreux types de modules
Le CEA-Liten a développé une technologie qui repose sur l’utilisation d’un fil diamanté obtenu à partir d’un fil en acier sur lequel sont électrodéposés des diamants. Le procédé consiste à passer ce fil le long du verre pour le séparer du polymère situé sur la face arrière. Le passage du fil entraîne la formation de copeaux à l’intérieur desquels se trouve du silicium, du cuivre, de l’étain, de l’argent… Certains matériaux dopants peuvent aussi être récupérés comme du bore, du phosphore ou du gallium. Par traitement hydrométallurgique, il est ensuite possible de séparer et de récupérer ces différents métaux.
Deux brevets ont été déposés en 2017 pour protéger cette technologie qui a fait l’objet d’une publication scientifique en 2019. Elle présente l’avantage d’être efficace sur de nombreux types de modules, y compris ceux intégrés que l’on peut retrouver sur des véhicules. Elle s’adapte aussi à toutes les tailles de panneaux, dont la tendance actuellement est à l’agrandissement.
« Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de pré-industrialisation, déclare Jérémie Aimé, chef du laboratoire des systèmes photovoltaïques au CEA-Liten. Nous devons à présent optimiser les processus afin que l’équipement ne soit pas trop complexe tout en le rendant performant. L’un des enjeux est de réussir à augmenter les cadences. La vitesse est actuellement de 1 mètre carré par demi-heure. L’ambition de ce projet européen est de parvenir à traiter entre 6 et 12 modules par heure. »
Chaque équipement industriel devra respecter un cahier des charges avec notamment des exigences concernant le degré de pureté des matériaux. Pour l’argent, le cuivre et l’étain, ce taux devra par exemple être supérieur à 99 % tandis que pour le silicium, il devra dépasser 99,9 %. « Pour le polymère fluoré utilisé en face arrière des modules, un matériau relativement coûteux et technique à fabriquer, l’ambition est de retrouver le polymère d’origine pour le valoriser dans une autre application, explique Fabrice Coustier, ingénieur R&D au CEA-INES. Idem pour le verre, l’objectif est de le récupérer intact, nous pourrons le valoriser dans la filière du verre ou alors le réutiliser pour en refaire un panneau photovoltaïque. Nous avons déjà montré que c’était possible à petite échelle. »
Pour l’instant, toutes les pistes de valorisation sont ouvertes. Au côté du projet Photorama, un programme nommé ICARUS vise à trouver des débouchés pour le silicium issu de la découpe car aujourd’hui 35 % du silicium est perdu à cette étape. « Il faut que la filière soit économiquement viable et surtout ne pas déporter la contrainte environnementale, ajoute Fabrice Coustier. Pour le silicium, l’une des pistes évoquées serait de le recycler dans la filière photovoltaïque. »
Une autre méthode développée à base de fluides supercritiques
La liste des partenaires associés à ce projet européen n’est à ce jour pas connue, le processus de signature n’étant pas encore totalement achevé. Mais il devrait regrouper des acteurs des secteurs public et privé de nombreux pays tels que la France, la Norvège, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Belgique, l’Italie et l’Espagne.
En plus d’utiliser le procédé du fil diamanté, il est aussi prévu de développer une autre technologie mise au point par le CEA-Liten, à base de fluides supercritiques, mais dont le stade de maturité est moins élevé. Concrètement, des gaz sont d’abord liquéfiés à très forte pression pour que le liquide pénètre dans les différentes couches des modules. La seconde étape consiste à détendre ces gaz rapidement, entraînant une délamination des différentes couches à l’intérieur des panneaux photovoltaïques.
D’ici trois ans, ce projet européen devrait atteindre un volume de panneaux solaires recyclés de 1 200 tonnes par an. « Notre véritable cible se situe plutôt à l’horizon 2030 en termes de maturité des équipements de recyclage, mais aussi de préservation des stocks de matières premières critiques. Ce projet va en effet participer au plan stratégique lancé par l’Union européenne qui vise à sécuriser l’approvisionnement de ces matières premières à l’horizon 2030 », poursuit Jérémie Aimé.
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