Une démarche « développement durable » peut être transcrite de manière simple en trois points qui s’avèrent aussi comme structurant cette problématique.
À son origine, dans les années 80, le concept de développement durable a semblé très flou, ce qui explique aussi paradoxalement son succès. Il recouvre maintenant deux courants assez contrastés.Le premier peut être qualifié d’écologiste. Pour ses tenants le développement durable est indispensable pour préserver la planète des nombreux risques environnementaux consécutifs à une activité économique faisant fi des questions environnementales. Pour cette école le traitement des aspects environnementaux de l’activité économique suffit pour parvenir à un développement durable.Le second est beaucoup plus radical puisqu’il considère que tout développement de l’économie marchande est intrinsèquement un risque majeur pour l’équilibre du système mondial car l’épuisement des ressources a atteint un seuil critique. Ce mouvement prônant, de fait, une décroissance ne va pas sans poser une question majeure qui est celle de l’utilité du progrès technique pour l’ensemble de ce qui est désigné comme « la société civile ».Face à ces deux attitudes, une question mérite d’être posée : faut-il se suffire d’une interprétation causale ? En effet, chacune des propositions précédentes instrumentalise un paramètre : soit le traitement environnemental, soit la technologie. Mais aucune assurance sur le caractère opératoire de ces démarches ne semble acquise puisque le problème concerne en fait l’écosystème au sens de la maîtrise collective d’un système complexe.Il apparait alors qu’une troisième voie est indispensable et qu’elle passe par un regard renouvelé permettant de retrouver une certaine capacité d’action sur le cours des choses (les anglo-saxons parlent de « vision »).
Pour faire évoluer les comportements, il apparait nécessaire d’opérer par étapes successives. Le changement ne peut être que progressif et il suppose d’être partagé.Pour être organisé de manière efficace un groupe social se doit d’avoir une même compréhension des enjeux encourus. C’est dans ce sens que le développement durable doit être compris. Les risques environnementaux, économiques et sociaux sont réels et pour être évités ils ne se suffiront pas de mesures ponctuelles palliatives. En fait il devient nécessaire que chacun ait assimilé l’urgence de nouvelles solutions et reconnaisse le besoin d’un nouveau paradigme collectif.Celui-ci passe dans un premier temps par la pratique systématisée de l’éco-conception. Toutes les activités de la collectivité appellent un traitement environnemental approfondi des flux consécutifs à la mise à disposition des produits. Le prélèvement des ressources et les rejets lors de la fabrication ou de l’usage doivent être maîtrisés puis minimisés. Cette attitude contribue ainsi à l’optimisation des ressources mobilisées. Cette gestion rigoureuse qui cherche à réduire les « déchets » générés a un fort potentiel qui se chiffre à plusieurs dizaines de points du PIB en Europe.À terme, il s’agit de basculer sur un mode d’échanges économiques privilégiant le service : l’objectif n’est plus d’organiser des transactions de produits, mais d’engager une « économie fonctionnelle » axée sur l’usage procuré par un produit et non sur un achat en tant qu’objet physique. Cette « dématérialisation » de l’économie, que certains qualifient de « découplage », permet une meilleure péréquation entre coûts de fabrication et coûts d’exploitation dans une logique d’optimisation du coût de possession (usage tous frais confondus).Ces trois étapes constituent les paliers nécessaires pour accéder à un nouveau modèle économique internalisant l’ensemble des externalités de l’économie classique qui ne sont pas actuellement prises en charge de manière satisfaisante.
Le déploiement d’un nouveau modèle économique suppose, au-delà du partage d’une même représentation, une approbation active des membres du collectif, et ce, à trois niveaux.L’économie fonctionnelle est basée sur un usage qui se déroule dans la durée. Cette dimension temporelle introduit implicitement une relation d’interaction entre l’utilisateur final et le support du service concerné. La qualité du support ne suffit pas à compenser un « mauvais usage ». Il en va de la responsabilité de l’utilisateur. Ce rôle dépasse le simple statut de consommateur et conditionne un usage « responsable » c’est-à-dire qui assume les conséquences des transgressions volontaires apportées aux conditions usuelles d’emploi.Au-delà de ce rôle actif, le modèle économique n’est compatible avec un développement durable que si chacun accepte de contribuer à la préservation des biens collectifs c’est-à-dire à assumer le surcoût nécessaire à un équilibre global de la planète (financement de la réduction des GES, recyclage, consommation d’énergie renouvelable…). Le terme de surcoût ne signifie pas forcément une réduction du pouvoir d’achat mais plutôt une contribution volontaire à des dépenses collectives ignorées jusqu’alors (principe généralisé du pollueur-payeur).Toutefois cette responsabilisation ne dédouane pas les entreprises qui fournissent les produits/services. Elles doivent, de leur côté, rechercher à tout moment les technologies les plus appropriées pour minimiser justement ces nouveaux coûts. Cela ne peut être obtenu sans un usage plus général de l’innovation qu’elle soit d’ordre technique ou organisationnel. Une production responsable se doit de concevoir des solutions originales qui mutualisent les dépenses et tirent un meilleur parti des nouvelles technologies (capacité de simulation, optimisation sous contraintes…).Cette synergie entre l’utilisateur, la collectivité et les entreprises relève d’une régulation repensée, qui ne passe pas par des réglementations, mais bel et bien par un engagement personnel de tous.
Dans ces conditions, le concept de développement durable apparaît à la fois comme une contrainte (introduire un changement dans les pratiques actuelles) et une opportunité (accès à une économie réellement soucieuse de l’environnement : l’économie fonctionnelle).
- Editions Techniques de l’ingénieur, Economie fonctionnelle, Christophe Gobin, Génie Industriel (2009).
Dans le cas particulier du cadre bâti, si important néanmoins dans le phénomène de mondialisation, des compléments peuvent être trouvés dans T et I :
- Développement durable, feuille de route de la R&D.
- Economie des coûts cachés
- Analyse fonctionnelle
- Efficience
- Industrialisation
- Ingénierie concourante
Cet article se trouve dans le dossier :
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