Selon un rapport publié par l’ONU en juin 2019, la population mondiale pourrait atteindre 9,7 milliards d’individus en 2050. D’ici une trentaine d’années, le défi majeur pour le monde agricole sera de pouvoir nourrir deux milliards de personnes de plus qu’aujourd’hui. Or, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indique que « ces dernières années, les taux de croissance de la production agricole et du rendement des cultures, au niveau mondial, ont baissé ».
Dans ce contexte, les agriculteurs pourraient avoir besoin d’utiliser davantage de produits phytosanitaires pour ne pas voir les rendements de leurs exploitations baisser. Mais pour certaines startup du secteur, une telle décision ne pourrait être compatible avec le développement d’une agriculture durable. Ainsi, lors de la dernière édition du Change Now Summit, deux d’entre elles, Solubio et Bioma, ont présenté leurs solutions pour concilier la nécessité de nourrir une population grandissante et limiter le recours aux produits phytosanitaires.
Favoriser la « microbiologie autochtone »
« Aujourd’hui, les multinationales défendent leurs intérêts en promouvant la consommation de produits phytosanitaires. Mais nous avons les technologies pour faire autrement, et c’est aux consommateurs de faire en sorte qu’elles soient appliquées », déclare Paolo Bassanini, PDG de Bioma. Cette société suisse, soutenue par la Solar Impulse Foundation, met au point des produits garantis sans OGM et sans pesticide chimique de synthèse pour favoriser « la microbiologie autochtone », et destinés à intensifier les rendements. Ces substituts aux pesticides de synthèse doivent être épandus sur les terres cultivées ou dans les exploitations agricoles, selon le terrain à traiter. Bioma propose un produit spécifique pour chaque type de culture, et même des solutions pour réduire le recours aux sulfites dans les vignes.
Dans les élevages, le principal atout des produits de Bioma est de réduire les émissions d’ammoniac, et ce jusqu’à 95%. Paolo Bassanini atteste que cela a un effet direct sur l’état de santé des animaux dans les élevages et sur la qualité des produits finaux. Selon ses propres chiffres, la startup affirme que ses solutions permettent une augmentation de 7% des productions de lait et de 10% du rapport viande/gras dans les exploitations bovines. Paolo Bassanini indique que dans les exploitations animalières où sont utilisés ces produits, « les animaux vont mieux et n’ont plus besoin d’antibiotiques ». Au Mexique, les élevages de porcs clients de Bioma ont enregistré un recul de la mortalité des porcelets de 40%.
Des biopesticides créés directement sur les exploitations
Bioma prévoit de se développer en Amérique du sud, car selon son PDG, « c’est le continent qui nourrit le monde ». Et c’est de cette région du monde qu’est originaire Solubio. Née au Brésil, cette startup a développé une technologie permettant aux agriculteurs de créer eux-mêmes les produits dont ils ont spécifiquement besoin sur leurs exploitations. Ainsi, les exploitants peuvent réaliser leurs propres biopesticides et autres fongicides bio sans produit chimique de synthèse. « Grâce à nous, le volume de produits phytosanitaires utilisés au Brésil a diminué en 2019 », affirme Mauricio Schneider, directeur des stratégies et des opérations chez Solubio. De plus, cette solution permettrait de réduire de 40% le budget destiné au traitement des cultures.
L’objectif de Solubio est de réduire l’usage des pesticides de synthèse qui renforcent la résistance de certaines bactéries, pouvant ainsi causer des problèmes sanitaires. Aujourd’hui, Solubio équipe des exploitations brésiliennes de plus de 1 000 hectares. Pour Mauricio Schneider, les agriculteurs seraient prêts à changer de modèle s’ils sont correctement accompagnés. « Il ne suffit pas de dire ‘on arrête les pesticides’ du jour au lendemain. Le challenge, c’est d’implémenter les technologies sur le terrain en veillant à bien accompagner les agriculteurs ». Prochainement, Solubio s’attaquera au marché paraguayen, puis à l’Europe.
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